Des militaires d’active mettent en garde contre un « effondrement de la France » dans une tribune

Mettant en garde contre un risque de guerre civile si rien n’est fait pour éviter le « délitement » de la France, une tribune signée au départ par près d’une vingtaine d’officiers généraux en deuxième section [ainsi que par un millier d’anciens militaires] a suscité une vive polémique après qu’elle a été reprise par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, le 21 avril dernier. Et y voyant un appel à un coup d’état militaire, des parlementaires, notamment situés à gauche de l’échiquer politique, ont interpellé le gouvernement et saisi le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz.

Si ce dernier a estimé, la semaine passée, que cette « tribune des généraux » ne recèlait « pas » en elle-même « de provocations à commettre des infractions », les signataires s’exposent désormais à des sanctions disciplinaires, comme l’ont assuré Florence Parly, la ministre des Armées, et le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA]. Étant soumis à un devoir de réserve en leur qualité d’officiers généraux en deuxième section [2S], ils risquent d’être radiés. Quant aux militaires d’active qui ont signé ce texte [18 ont été identifiés, ndlr], ils seront également sanctionnés.

Alors que la polémique commençait à s’essouffler, une dizaine d’officiers généraux 2S ont publié, le 2 mai, une « stratégie contre l’islamisme et l’éclatement de la France », au nom du « Centre de réflexions interarmées », qui n’a aucun rapport avec le ministère des Armées. Mais la diffusion de ce document de 21 pages n’a pas suscité autant de réactions que la tribune publiée quelques jours plus tôt.

Qu’en sera-t-il pour la troisième tribune que viennent de rédiger anonymement des militaires d’active dans les colonnes de Valeurs actuelles, le 9 mai? Si la première avait commencé à circuler via des canaux à l’audience confidentielle avant d’être reprise par l’hebdomadaire, celle-ci avait été annoncée deux jours plus tôt.

Cette fois, Valeurs Actuelles a décidé d’ouvrir cette nouvelle tribune « à la signature des citoyens français » qui la « trouveraient à la hauteur des enjeux qui sont les nôtres. » Selon l’AFP, ce texte, mis en ligne à 22h18, avait déjà recueilli 36.000 signatures à une heure du matin, ce 10 mai.

Comme celle qui a déchaîné les passions il y a maintenant deux semaines, cette tribune s’adresse au président de la République, au gouvernement et aux parlementaires. Mais pas seulement puisqu’elle concerne également les… officiers généraux.

Citant le septième couplet de la Marseillaise [« Nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus / Nous y trouverons leur poussière, et la trace de leurs vertus / Bien moins jaloux de leur survivre que de partager leur cercueil, nous aurons le sublime orgueil de les venger ou de les suivre »] en introduction, le signataires ont pris la défense de ceux qui signèrent le texte publié le mois dernier.

« Nos aînés, ce sont des combattants qui ont mérité qu’on les respecte. Ce sont par exemple les vieux soldats dont vous avez piétiné l’honneur ces dernières semaines. Ce sont ces milliers de serviteurs de la France, signataires d’une tribune de simple bon sens, des soldats qui ont donné leurs plus belles années pour défendre notre liberté, obéissant à vos ordres, pour faire vos guerres ou mettre en œuvre vos restrictions budgétaires, que vous avez salis alors que le peuple de France les soutenait. Ces gens qui ont lutté contre tous les ennemis de la France, vous les avez traités de factieux alors que leur seul tort est d’aimer leur pays et de pleurer sa visible déchéance », dénoncent les auteurs de ce texte.

Par la suite, comme il a été dit que les signataires de la précédente tribune constituaient une « quarteron de généraux en charentaises », ces derniers mettent en avant leur expérience opérationnelle – y compris sur le territoire national avec la mission intérieure Sentinelle – pour appuyer leur propos.

« Afghanistan, Mali, Centrafrique ou ailleurs, un certain nombre d’entre nous ont connu le feu ennemi. Certains y ont laissé des camarades. Ils ont offert leur peau pour détruire l’islamisme auquel vous faites des concessions sur notre sol », écrivent-ils. « Presque tous, nous avons connu l’opération Sentinelle. Nous y avons vu de nos yeux les banlieues abandonnées, les accommodements avec la délinquance. Nous avons subi les tentatives d’instrumentalisation de plusieurs communautés religieuses, pour qui la France ne signifie rien – rien qu’un objet de sarcasmes, de mépris voire de haine », témoignent-ils encore, insistant sur le fait qu’ils sont « apolitiques » dans leur « appréciation de la situation », qui est un « constat professionnel ».

« Cette déchéance, nous l’avons vue dans bien des pays en crise. Elle précède l’effondrement. Elle annonce le chaos et la violence, et contrairement à ce que vous affirmez ici où là, ce chaos et cette violence ne viendront pas d’un ‘pronunciamento militaire’ mais d’une insurrection civile », font valoir ces militaires d’active, avant de dénoncer la « lâcheté », la « fourberie » et la « perversion » de leur hiérarchie.

Puis, les auteurs évoquent les résistants de 1940, que « bien souvent, des gens comme vous traitaient de factieux et qui ont continué le combat pendant que les légalistes, transis de peur, misaient déjà sur les concessions avec le mal pour limiter les dégâts »… Ainsi que les Poilus de 1914-18, « qui mouraient pour quelques mètres de terre, alors que vous abandonnez, sans réagir, des quartiers entiers de notre pays à la loi du plus fort. »

Enfin, cette nouvelle tribune se termine comme la première, c’est à dire par un appel aux responsables politiques à prendre la mesure de situation qu’elle décrit. « Il ne s’agit pas, cette fois, d’émotion sur commande, de formules toutes faites ou de médiatisation. Il ne s’agit pas de prolonger vos mandats ou d’en conquérir d’autres. Il s’agit de la survie de notre pays, de votre pays », concluent ses auteurs.

L’un des premiers responsables politiques à réagir à cette tribune aura été Gérarld Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui, pour rappel, a autorité sur les militaires de le Gendarmerie nationale. « C’est ça le courage, d’être anonyme? », a-t-il demandé, alors qu’il était l’invité de la matinale de RMC. « Quand on veut faire de la politique, on se présente aux élections. […] En démocratie, n’en déplaise à certains militaires, c’est les gens qui décident entre Dupont et Duchmol », s’est-il ensuite agacé.

Photo : Illustration

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]