L’armée de l’Air & de l’Espace a mené une enquête de commandement sur un drôle de bahutage à Solenzara
Les scénaristes des séries télévisées « Les chevaliers du ciel » et « Les nouveaux chevaliers du ciel » ont mis en scène des « bahutages » vécus par Tanguy et Laverdure lors de leur arrivée en unité. Dans l’un des épisodes diffusés dans les années 1980 [« Escadrille de la comédie »], l’un des deux héros se fait couvrir de petits suisses après avoir été affecté au mauvais escadron, avant de se retrouver à bord d’un Jaguar piloté par un capitaine fantasque pour rejoindre la base d’Istres. Puis il finit dans un train, en tenue tropicale, entre deux gendarmes…
Un tel scénario est à mille lieux de ce qu’a vécu un pilote nouvellement affecté à l’escadron 2/5 Île de France, basé à Orange et doté de Mirage 2000C. Et pour son bahutage, ses nouveaux camarades n’ont pas manqué d’imagination. En effet, raconte le quotidien La Provence, lors d’une campagne de tirs à Solenzara [Corse], l’officier s’est retrouvé ligoté, avec une cagoule sur la tête, puis transporté à vive allure au champ de tir « Diane » où il a ensuite été attaché à une cible
L’affaire aurait pu s’arrêter là si ce jeune pilote ne s’était pas retrouvé au milieu d’une séance de tirs effectuée par des Mirage 2000 de son escadron, ces derniers ayant à viser d’autres cibles, situées entre 500 et 1.000 mètres plus loin. La scène, qui aura duré une vingtaine de minutes, a été filmée.
Deux ans après les faits, la victime de ce bahutage a décidé de déposer une plainte contre X auprès du parquet de Marseille pour « violences volontaires aggravées » et « mise en danger délibérée d’autrui ».
« Les tirs exercés par les avions de chasse […] auraient pu le blesser très grièvement ou le tuer, sachant qu’on a affaire à des tirs de canons de 30 mm. […] La cible visée étant située à une distance de l’ordre de grandeur d’un kilomètre, il y a un risque de ricochet ou d’éclat […] Par ailleurs, les tirs simulés en sa direction pouvaient, à cause d’une erreur, d’un oubli de sûreté, devenir réels », ont souligné les rédacteurs de la plainte.
Sans doute que les instigateurs de ce bahutage ont pensé qu’il n’y avait aucun danger, les cibles visées étant suffisamment éloignées de celle où ils avaient ligoté leur nouveau camarade. Mais il aurait suffi d’un rien pour que tout se termine en drame.
D’ailleurs, ayant récemment pris connaissance de ces faits, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], a immédiatement ordonné une enquête de commandement pour « faire toute la lumière » sur cette affaire.
Et selon le porte-parole de l’aAE, le colonel Stéphane Spet, dont les propos ont été rapportés par le Figaro, cette enquête « a conduit le commandement à engager le processus disciplinaire à l’encontre des responsables identifiés. Des sanctions fermes ont alors été prononcées. » Mais il n’a pas précisé leur nature.
Le CEMAAE « tient à rappeler que l’armée de l’air et de l’espace condamne toute activité de nature à porter atteinte à l’intégrité, physique comme psychologique, de son personnel et à l’image de l’institution », a également fait valoir le colonel Spet.
Cette affaire survient alors qu’une enquête préliminaire, confiée à la Gendarmerie de l’Air, a été ouverte en février dernier à la suite de cinq plaintes pour « harcèlement moral » déposées par des militaires de la base aérienne de Nancy-Ochey.