Berlin va refuser les quatre avions de patrouille maritime Atlantique 2 « Standard 6 » proposés par Paris

Étant donné que le programme MAWS [Maritime Airborne Warfare System], mené dans le cadre d’une coopération entre la France et l’Allemagne, doit se concrétiser à l’horizon 2030, le ministère allemand de la Défense avait prévu de moderniser les huit avions de patrouille maritime P-3C Orion de la Deutsche Marine afin de les maintenir en service jusqu’à cette échéance.

Pour rappel, le programme MAWS vise à remplacer les P-3C Orion allemands et les Atlantique 2 [ATL2] français par de nouveaux appareils sur lesquels reposerait un réseau de capteurs [drones, satellites, sémaphores, etc]. Et cela suppose de mettre au point de nouveaux radars, des capacités de guerre électronique, des bouées acoustiques et des armemements dédiés à la lutte anti-sous-marine et anti-surface. Un tel projet a une importance particulière pour la Marine nationale dans la mesure où de tels moyens sont indispensables pour assurer le déploiement de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE].

Seulement, en juin 2020, estimant que la modernisation de ces P-3C Orion de la MarineFlieger [aviation navale allemande] serait trop coûteuse, Berlin décida d’accélérer leur remplacement, en parlant de trouver une solution « intérimaire » dans l’attente de la réalisation du projet MAWS. Trois modèles furent alors cités : le C-295 MPA d’Airbus, le RAS 72 « Sea Eagle » de Rheinland Air Service et… le P-8A Poseidon de Boeing. Et si les deux premiers n’étaient pas de nature à remettre en cause le MAWS, il en allait autrement avec l’avion américain…

Or, en mars, Washington a donné son feu vert à la vente possible de cinq P-8A Poseidon à l’Allemagne, pour un montant estimé à environ 1,5 milliard d’euros. D’où les interrogations sur les intentions allemandes au sujet du programme MAWS, l’avis publié par l’administration américaine ayant souligné dans son avis que l’acquisition de ces avions permettrait à la Deutsche Marine de « moderniser et de maintenir sa capacité d’aéronefs de surveillance maritime au cours des 30 prochaines années. »

D’où le coup tenté par la France, en proposant à l’Allemagne de lui céder quatre Atlantique 2 portés au standard 6 [c’est à dire le plus récent] afin de remédier au retrait de ses P-3C Orion. Et avec, à la clé, la formation des équipages allemands, la maintenance des appareils et une perspective de coopération opérationnelle.

Pour rappel, selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, la Marine nationale disposera, à terme, de 18 appareils ainsi modernisés sur les 22 qu’elle a actuellement en dotation.

Une telle offre ne manquait pas d’atouts. Les Atlantique 2 portés au standard 6 – et remis à neuf – sont en effet dotés d’équipements de dernière génération [radar à antenne active Searchmaster, capteurs, calculateur tactique, systèmes de renseignement optronique et acoustique, consoles de visualisation des opérateurs, sous-système de traitement acoustique numérique de dernière génération, interrogateur IFF TSA2542, et]. En outre, par le passé, la MarineFlieger fit voler des Bréguet Atlantic, « l’ancêtre » de l’ATL 2. Et, enfin, elle aurait permis de lever les doutes sur le MAWS.

Mais pour Berlin, ces quatre Atlantique 2 Standard 6 proposés par Paris ne font pas l’affaire. C’est en effet ce qu’a expliqué Thomas Silberhorn, un responsable du ministère allemand de la Défense dans une réponse à une question posée par le député libéral Christian Sauter.

« L’offre française ne prévoit pas de prêt, mais suggère plutôt l’achat ou la location de quatre ATL2 portés au standard 6, qui n’étaient à l’origine pas destinés à être modernisés par la France. L’avion a été produit à partir de 1984 et livré à la marine française en 1989. L’état des cellules des ATL2 proposés à l’Allemagne n’a pas été précisé. Le nombre des avions proposés […] ne pourra pas couvrir les exigences des futures obligations opérationnelles potentielles, les exigences de régénération des équipages ainsi que les vols de formation et de reconnaissance », a fait valoir M. Silberhorn.

Exit, donc, l’offre française… Même chose pour une autre solution européenne, l’idée d’acquérir des C-295 MPA d’Airbus ayant été écartée, le ministère allemand de la Défense ayant estimé que ses performances et ses capacités étaient « bien inférieures » à celles du P-3C Orion. En clair, le P-8A Poseidon a un boulevard devant lui pour s’imposer en Allemagne… Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’avenir du programme MAWS.

Photo : Marine nationale

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