Des généraux en 2ème section diffusent une stratégie contre « l’islamisme et l’éclatement de la France »
Diffusée au début du mois d’avril pour appeler les responsables politiques à « appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà » afin de contrer le « délitement qui frappe la France » et de prévenir une « guerre civile », la lettre ouverte signée par une vingtaine d’officiers généraux en deuxième section [2S] a d’abord eu un audience relativement confidentielle. Puis, sa reprise par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, le 21 avril, et l’écho qu’elle a trouvé auprès de Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national pour la prochaine élection présidentielle, ont mis le feu aux poudres.
Une phrase de cette tribune a alimenté la polémique. « Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national », est-il affirmé dans ce texte. Ce qui a été perçu comme un appel à un coup d’État militaire par certains [ce qui relève de l’article 412-8 du Code pénal et qui est punissable de cinq ans de prison et de 75.000 euros d’amende]
D’où les réactions indignées de responsables politiques situés à gauche de l’échiquier politique, comme Jean-Luc Mélenchon ou encore Benoît Hamon. Puis, après avoir condamné la tentative de récupération de Mme Le Pen, la ministre des Armées, Florence Parly, a promis des sanctions aux signataires de cette tribune, qu’elle qualifiée « d’inacceptable ».
Mais cela a eu un effet « Flamby » ou « Streisand ». En effet, la polémique a pris de l’ampleur… et le nombre de signataires de cette lettre ouverte ne cesse de gonfler, pour dépasser les 20.300 le 2 mai au soir, avec non plus 18 mais une cinquantaine d’officiers généraux en deuxième section. Parmi eux, deux ont également signé une note de 21 pages qui, adressée le 14 avril aux groupes parlementaires, définit une « stratégie globale contre l’islamisme et l’éclatement de la France. » Un colonel en retraite figure aussi parmi les signataires des deux documents.
« La République française doit donc avoir une stratégie multidimensionnelle de lutte contre l’islamisation, mais aussi et avant tout contre son propre délitement patriotique, sociétal, identitaire, sécuritaire », avancent les auteurs de cette stratégie, mise en avant par le « Centre de réflexions interarmées » [qui ne relève pas du ministère des Armées, ndlr] et diffusée par le site « La voix du gendarme » [.pdf]
« Cette stratégie lui impose la désignation de ses ennemis les islamistes et de leurs soutiens à l’extérieur de nos frontières, la redéfinition du cadre juridique international qui, inadapté pour cette guerre hybride, fait de l’Occident une proie, la restructuration de ses alliances », poursuivent-ils. Et d’ajouter : « Cette stratégie lui impose aussi d’affirmer son identité et son histoire afin d’en faire le creuset dans lequel se reconnaitront, s’assimileront et s’épanouiront de façon apaisée toutes les citoyens, de lutter sans faiblesse contre l’insécurité, l’illégalité et la criminalité qui corrompent et épuisent le civisme, de maitriser les flux migratoires et d’assimiler tous ses invités. »
Les auteurs articulent la stratégie qu’ils proposent autour de trois points : recomposer le cadre stratégique international, recomposer le cadre stratégique national et livrer une contre-guérilla quotidienne.
En conclusion, le Centre de réflexions interarmées affirme qu’une « guerre hybride nous a été déclarée » et qu’elle « s’achèvera au mieux sur une guerre civile, au pire sur une cruelle défaite sans lendemain » car « face à l’islamisme, la France et son concept de laïcité est le dernier bastion d’un monde occidental égaré sur les voies
incertaines de l’abandon et de la désintégration. »
Pour le moment, cette publication n’a pas donné lieu à de commentaires politiques. Comme, d’ailleurs, les précédentes tribunes diffusées par le Centre de réflexions interarmées ou par certains de ses membres agissant en son nom. L’une d’elles, publiée par le mensuel Capital, appelait la France à « se libérer de l’emprise américaine » et à « se rapprocher de Moscou ». Une autre, plus récente, s’insurgeait contre le projet Otan 2030, susceptible d’affaiblir la « souveraineté de la France ».