L’accès à l’eau est à l’origine d’échanges de tirs entre les forces armées du Tadjikistan et du Kirghizstan
Il y a quelques années, le Centre national de la recherche scientifique [CNRS] avait prévenu : « avoir accès à l’eau est devenu un enjeu économique puissant à l’échelle planétaire qui pourrait devenir […] l’une des premières causes de tensions internationales ». D’autant que selon des projections faites par la Banque mondiale en 2016, les besoins en eau pourrait être supérieure de 40 % aux disponibilités d’ici à 2030. Et certaines parties du monde sont plus concernées que d’autres. Tel est le cas de l’Asie du Sud-Est, du Proche et du Moyen Orient ou encore de la région du Nil.
Cela étant, jusqu’à présent, de possibles tensions entre le Tadjikistan et le Kirghizstan pour l’accès à l’eau ont rarement été évoquées. Sans doute parce que ces deux pays sont des membres fondateurs de l’Organisation du traité de sécurité collective [OTSC]. Créée en 2002 sur le modèle de l’Otan à l’initative de la Russie, cette dernière vise à « garantir la sécurité » de ses États membres, à « encourager la coopération militaire » et « à maintenir la stabilité ».
Seulement, le Douchambé et Bichkek ont un désaccord ancien sur le tracé de leurs frontières respectives. Et ce différend est accentué par des questions d’accès à l’eau. Ainsi, ce 29 avril, les forces armées des deux pays ont échangé des tirs, après des incidents ayant eu lieu autour de l’enclave tadjike de Voroukh, au Kirghizstan, plus précisément au niveau du site de distribution d’eau de Golovnaïa, sur le cours supérieur de la rivière Isfara.
Or, pour Bichkek, le secteur de Golovnaïa est « stratégique pour la République kirghize », qui en revendique donc la propriété. Ce que conteste Douchambé, en se basant sur des cartes établies durant la période soviétique.
Quoi qu’il en soit, la semaine passée, deux ouvriers kirghizes qui travaillent dans cette zone ont été portés disparus. Et il s’est avéré qu’ils avaient été interpellés par le police tadjike. Évidemment, cela a donné lieu à des protestations diplomatiques. Puis, le 28 avril, des civils tadjiks et kirghizes se sont affrontés au sujet de l’accès à l’eau. Ce qui a dégénéré le lendemain en échanges de tirs entre les forces armées des pays. Ces combats auraient fait au moins un mort et 18 blessés, selon un bilan non définitif.
Si chacun rejette sur l’autre la responsabilité de cet incident sérieux, le Kirghizstan a fait savoir que ses « forces spéciales » avaient pris le contrôle d’un poste-frontière tadjik « en réponse à des tirs de mortiers ». Une version contestée par Douchambé, où on accuse les troupes kirghize d’avoir « ouvert le feu » sur les forces tadjikes déployées « sur le site de Golovnaïa. »
En attendant, Bichkek a annoncé la mobilisation de « forces et de moyens supplémentaires tout le long la frontière » avec le Tadjikistan. Et le Comité international de la Croix-Rouge [CICR] a indiqué avoir fait évacuer quelque 600 villageois vers la ville de Batken [Kirghizstan].
Le ministère russe des Affaires étrangères a dit « suivre la situation » tandis que l’Ouzbékistan, qui a des relations difficile avec le Tadjikistan et qui vient de régler ses différends frontaliers avec le Kirghizstan, a appelé à une « cessation immédiate des hostilités » et proposé sa médiation pour résoudre cette crise.