Malgré les effets économiques de la pandémie, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 2,6% en 2020

L’an passé, certains espéraient que le monde d’après la pandémie de covid-19 allait être meilleur. D’autres, sans doute plus réalistes, estimaient que ce « monde d’après » serait comme celui d’avant… mais en pire. Et cela se traduit dans l’évolution des dépenses militaires au niveau mondial, lesquelles ont encore augmenté significativement en 2020, malgré une économie affaiblie par les mesures sanitaires.

À la fin des années 2000, la crise bancaire et financière liée à celle des « subprimes » avait eu pour conséquence une réduction drastique des budgets militaires dans la plupart des pays occidentaux. Il n’en aura donc pas été de même avec celle provoquée par la pandémie.

Ainsi, selon les chiffres avancées par le Stockholm International Peace Research Institute [SIPRI], le total des dépenses de défense au niveau mondial s’est élevé à 1.981 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation en termes réels de 2,6% par rapport à l’année précédente, où elles avaient déjà atteint leur plus haut niveau depuis la fin de la Guerre Froide. Et cela, dans un contexte économique marqué par une baisse de 4,4% du PIB mondial, selon les projections faites en octobre dernier par le Fonds monétaire international [FMI].

Ce qui fait que, en pourcentage du PIB, les dépenses militaires mondiales ont atteint 2,4%, contre 2,2% en 2019. « Il s’agit de la plus forte augmentation annuelle de ces dépenses depuis la crise économique et financière mondiale de 2009 », souligne le SIPRI. Cela étant, cette hausse est à relativiser dans la mesure où la part des budgets de défense dans la richesse nationale augmente mécaniquement quand cette dernière se contracte.

Par ailleurs, cette progression des dépenses militaires mondiales aurait pu être encore plus forte si certains pays n’avaient pas réaffecté des crédits destinés à la lutte contre la pandémie. C’est ce qu’ont fait la Corée du Sud et le Chili. En outre, relève le SIPRI, des pays comme le Brésil et la Russie « ont dépensé considérablement moins que leurs budgets militaires initiaux pour 2020. »

Reste que pour l’institut suédois, on « peut affirmer avec une quasi-certitude que la pandémie n’a pas eu d’impact significatif sur les dépenses militaires mondiales en 2020 ». Et la question qui se pose est de savoir si « les pays maintiendront ce niveau de dépenses militaires durant la seconde année de pandémie. »

Cinq pays concentrent 62% des dépenses militaires mondiales. Les États-Unis arrivent en tête, suivis par la Chine, l’Inde, la Russie et le Royaume-Uni. La France arrive au 8e rang, derrière l’Arabie Saoudite et… l’Allemagne.

S’agissant des États-Unis, le budget du Pentagone et celui dédié aux opérations extérieures, s’est élevé à 778 milliards de dollars en 2020. Ce qui représente 39% des dépenses militaires mondiales. « Les hausses récentes des dépenses militaires américaines s’expliquent surtout par de lourds investissements dans la recherche et le développement, par plusieurs projets à long terme tels que la modernisation de l’arsenal nucléaire américain et l’acquisition à grande échelle d’armes », explique Alexandra Marksteiner, chercheuse au programme Armes et Dépenses militaires du SIPRI.

Et d’ajouter : « Cela reflète les préoccupations grandissantes face à des menaces pressenties venant de concurrents stratégiques tels que la Chine et la Russie, ainsi que la volonté de l’administration Trump de renforcer ce qu’elle considérait comme une armée américaine appauvrie. »

Quant à la Chine, dont l’économie a beaucoup moins souffert que celle des autres pays, le SIPRI évalue ses dépenses militaires à 252 milliards de dollars, soit un montant bien supérieur à celui officiellement annoncé par Pékin [212 milliards de dollars / 175 milliards d’euros]. Par rapport à 2019, le budget de l’Armée populaire de libération [APL] et autres milices paramilitaires aurait augmenté de 1,9%.

« Les dépenses militaires de la Chine augmentent pour la 26ème année consécutive », note le SIPRI. Une hausse continue due « en partie aux projets à long terme de modernisation et d’expansion militaires du pays, conformément à la volonté affichée de rattraper les autres grandes puissances militaires », souligne-t-il.

Dans ce contexte, l’Inde tente de suivre la cadence chinoise, ses dépenses militaires ayant atteint 72,9 milliards de dollars en 2020. Pour New Delhi, il s’agit d’être en mesure de contrer une menace directe [comme l’on montré les tensions dans l’Himalaya l’an passé], accentuée par une supériorité militaire chinoise qui ne cesse de s’affirmer, avec en prime des ambitions navales dans l’océan Indien et une relation stratégique avec le Pakistan qui ne cesse de s’approfondir.

Les visées chinoises dans la région Indo-Pacifique ainsi que, pour certains, la menace nord-coréenne, poussent d’autres pays de la région à augmenter également leurs dépenses militaires. Tel est le cas du Japon [49,1 milliards de dollars], de la Corée du Sud [45,7 milliards] et de l’Australie [27.5 milliards].

Quatrième pays le plus dépensier, la Russie a affiché un budget militaire de 61,7 milliards de dollars en 2020, en augmentation de +2,5%. Mais selon le SIPRI, les « dépenses militaires réelles » de Mocou auront été inférieure de -6,6% par rapport au budget initial. Dans le même temps, la part de ces dépenses dans le PIB a progessé de +0,5%.

Enfin, le Royaume-Uni a dépensé 59,2 milliards de dollars dans sa défense l’an passé, soit 2,9% de plus par rapport à 2019. Cependant, ce niveau est inférieur de 4,2% à celui constaté en 2011… alors que, dans le même temps, les dépenses militaires allemande ont progressé de +28% durant la période 2011-20. Plus généralement, les budgets militaires ont augmenté de +4% en Europe en 2020.

En Afrique, les dépenses militaires ont également augmenté, parfois significativement pour certains pays, notamment ceux aux prises avec la menace jihadiste. Tel est le cas du Mali [+22%], de la Mauritanie [+23%], du Nigéria [+29%] et du Tchad [+31%]. À noter que confronté à une rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur [LRA] ainsi qu’à l’instabilité en République démocratique du Congo, l’Ouganda, par ailleurs impliqué militairement en Somalie [via l’AMISOM], a consenti un efffort budgétaire conséquent pour ses forces armées [+41%].

Cependant, cette tendance à la hausse n’est pas la même partout. Ainsi, au Moyen-Orient, les dépenses militaires combinées des 11 pays de la région ont globalement diminué de 6,5%, pour s’établir à 143 milliards de dollars. C’est notamment le cas de l’Arabie Saoudite [-10%] et du Koweït [-5,9%]. Les tensions sur les cours pétroliers étant sans doute l’une des raisons de cette baisse.

Baisse également constatée en Amérique du Sud, où les depenses militaires ont globalement diminué de 2,1% l’an passé, pour atteindre les 43,5 milliards de dollars. Cette tendance est due au Brésil, dont le budget de la Défense a été réduit de -3,1%, à 19,7 milliards de dollars.

Lire : World military spending rises to almost $2 trillion in 2020 – SIPRI – 26 avril 2021

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