Berlin discute du futur char de combat franco-allemand avec Londres

Ces dernières semaines, il a beaucoup été question des discussions compliquées entre Dassault Aviation et Airbus au sujet du New Generation Fighter [NGF], l’avion de combat sur lequel reposera le Système de combat aérien du futur [SCAF], projet dirigé par la France et mené en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne. Si les deux avionneurs ont fini par s’entendre sur la propriété intellectuelle et le partage des tâches, la balle est désormais dans le camp des États, lesquels doivent valider l’accord trouvé par les industriels. Ce qui n’est pas encore gagné…

Si ces discussions sur le partage des tâches se sont compliquées, c’est en partie à cause de l’arrivée de l’Espagne dans le programme. Maître d’oeuvre du NGF, Dassault Aviation doit en effet désormais composer avec les filiales allemande et espagnole d’Airbus. En clair, l’industriel français joue une partie à deux contre un. Le même scénario va-t-il se jouer pour le Main Ground Combat System [MGCS], le projet de char de combat du futur, cette fois dirigé par l’Allemagne, dans le cadre d’une coopération avec la France?

Initialement, l’équation était simple : le développement et la production de ce char de combat devait revenir à KMW+Nexter Defense Systems [KNDS], la co-entreprise détenue à part égales par GIAT Industries [maison-mère du français Nexter Systems] et Wegmann & Co Gmbh, propriétaire de Krauss-Maffei Wegmann [KMW]. Seulement, un troisième acteur a été invité à y prendre part, à savoir Rheinmetall.

Étant donné qu’il fut convenu, dès le lancement du projet, qu’il y aurait un partage des tâches à 50-50 entre la France et l’Allemagne, l’arrivée de Rheinmetall, qui lorgne par ailleurs sur Wegmann & Co Gmbh, a compliqué la donne. Cela étant, pour respecter ce principe, il a été décidé de divisé l’étude d’architecture en neuf lots, attribués à parts égales entre les industriels concernés, ce qui, en avril 2020, a ouvert la voie à la signature d’un accord-cadre définissant l’organisation du projet ainsi que les structures chargées de le gérer.

Mais cette répartition des tâches pourrait bien être chamboulée dans le cas où le Royaume-Uni viendrait à rejoindre le programme MGCS, alors que la British Army devra se contenter de seulement 148 chars Challenger modernisés dans un proche avenir.

En janvier, il fut rapporté que Londres s’intéressait au projet de char franco-allemand, au point d’envisager d’obtenir un statut « d’observateur ». Ce que le ministère allemand de la Défense se garda de confirmer explicitement. « Le programme MGCS a été lancé dans une approche européenne, en étant ouvert à d’autres nations. […] Accueillir de nouveaux membres est conforme aux aspirations de l’Allemagne visant à encourager la consolidation dans l’industrie européenne de l’armement », fit-il alors valoir auprès de Defense News.

La confirmation officielle de telles discussions entre Berlin et Londres vient d’être donnée l’issue d’un échange entre Benedikt Zimmer, secrétaire d’État allemand à la Défense, et Jeremy Quin, ministre d’État britannique aux Acquisitions de Défense.

Selon le compte-rendu publié par le ministère allemand de la Défense, les deux responsables ont évoqué trois sujets de coopération : le véhicule blindé de combat d’infanterie Boxer, qui, proposé par le consortium ARTEC [Krauss-Maffei Wegmann, Rheinmetall MAN Military Vehicles et Rheinmetall Military Vehicles Nederland, ndlr], a été choisi par la British Army, un projet de pont d’assaut modulaire et… le MGCS.

« Les deux interlocuteurs ont échangé des idées sur de futures opportunités de coopération, toujours dans le but de créer conjointement une plus grande capacité à agir en Europe », est-il avancé dans le compte-rendu.

Évidemment, la possible adhésion du Royaume-Uni au programme MGCS est susceptible de remettre en cause des équilibres qui auront pourtant été difficiles à trouver. Et elle conforterait la place de Rheinemetall, étant donné que l’industriel allemand est co-propriétaire, avec BAE Systems, de RBSL, le spécialiste britannique des blindés. Reste donc à voir ce que Paris en dira…

Par ailleurs, MM. Zimmer et Quin ont également évoqué le projet de faire du Panzerpionierbataillon 130 [une unité de la Bundeswehr relevant du génie] une formation germano-britannique à compter du 1er octobre 2021.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]