Après la mort du président Déby Itno, la France se dit préoccupée par la stabilité du Tchad

Les circonstances dans lesquelles le président tchadien, Idress Déby Itno, a perdu la vie alors qu’il venait d’être confortablement réélu à la tête de son pays, demeurent obscures. Officiellement, il est décédé des suites de blessures reçues au combat, en dirigeant les opérations dans la région du Karem, contre la progression des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde du Tchad [FACT]. Rebelles qui, en Libye, ont fini par nouer des liens avec l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Haftar, lui même soutenu par les mercenaires de la société militaire privée [SMP] russe Wagner.

Cela étant, d’autres versions sur les circonstances du président Déby circulent. Ainsi, l’une d’elle avance que, avec plusieurs de ses généraux, il aurait pris part à une réunion avec des émissaires du FACT qui aurait mal tourné. Ce qui expliquerait le communiqué publié par le groupe rebelle, dans lequel il cite les noms de 13 officiers supérieurs tchadiens tués, blessés ou en fuite, dont le « colonel Idriss Déby », soit le dernier grade que lui reconnaissait ses opposants.

Quoi qu’il en soit, et suite à la mise à en place d’un « Conseil militaire de transition » [CMT] dirigné par le général Mahamat Idriss Déby, le fils du président défunt, les rebelles tchadiens ont réaffirmé leur intention de « poursuivre » leur offensive et de « marcher sur N’Djamena ».

Sans tarder, le CMT, composé de 15 généraux issus de la garde rapprochée du président Déby Itno, a dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale, avant de promettre que ces institutions seraient rétablies qu’à l’issue d’élections « libres et démocratiques » devant être organisées d’ici 18 mois. En outre, il s’est dit garant de « l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale, l’unité nationale, le respect des traités et accords internationaux ».

Or, pour l’opposition tchadienne, la création de ce CMT, avec le général Mahamat Déby à sa tête, n’est qu’un « coup d’État institutionnel ». Et d’en appeler « à l’instauration d’une transition dirigée par les civils […] à travers un dialogue inclusif » et de refuser d’obéir « aux décisions illégales, illégitimes et irrégulières prises par le CMT, notamment la charte de la transition et le couvre-feu. »

Évidemment, compte tenu de l’importance de N’Djamena dans la lutte contre les groupes jihadistes qui sévissent au Sahel et dans la région du lac Tchad, la situation est surveillée de très près par la France, qui a perdu un « ami courageux », selon les termes du président Macron, avec la mort d’Idriss Déby Itno.

La situation « me préoccupe », a dit Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, ce 21 avril, à l’antenne de France 2. « Il faut être très vigilant sur la stabilité de la situation. Est-ce que le Conseil militaire de transition va assurer la stabilité, l’intégrité du Tchad? […] Et puis ensuite comment il va pouvoir mettre en ouvre un processus démocratique et comment par ailleurs l’armée tchadienne va remplir ses engagements à l’égard de la Force conjointe du Sahel? » a-t-il ainsi demandé.

Cela étant, M. Le Drian a justifié la mise en place de ce Conseil militaire de transition. « Logiquement ce devrait être le président de l’Assemblée nationale tchadienne, M. [Haroun] Kabadi, qui devrait prendre la transition. Mais il a refusé en raison des situations exceptionnelles de sécurité et nécessité d’assurer la stabilité de ce pays », a-t-il en effet relevé. « Il a dit ‘moi je veux que ce soit un conseil militaire qui assure aujourd’hui la sécurité du pays mais il faut que la transition puisse s’engager de manière sereine, démocratique, transparente et rapide' », a-t-il ajouté.

Quant à la participation tchadienne à la Force conjointe du G5 Sahel, récemment renforcée avec le déploiement d’un bataillon de 1.200 soldats au Niger, ainsi qu’à la Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA], elle ne devrait pas être remise en cause. Du moins, c’est ce qu’espère M. Le Drian. « Je n’imagine pas [un retrait]. Je ne crois pas que le Conseil militaire de transition va revenir sur ces engagements », a-t-il dit.

Les « chefs d’État du Sahel sont interrogatifs mais en même temps il y a des accords politiques qui ont été passés entre les cinq pays [du G5 Sahel] pour assurer leur sécurité mutuelle, y compris par la présence de forces tchadiennes au Niger dans ce qu’on appelle les ‘Trois frontières' », a souligné le chef du Quai d’Orsay.

Pour autant, a-t-il continué, « la tâche [du CMT] sera d’assurer la stabilité du pays et de mettre en œuvre un processus démocratique qui devra être le plus rapide possible », a-t-il répété. « C’est aussi la position des chefs d’Etat africains », a souligné M. Le Drian.

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