La poursuite du soutien américain à la force Barkhane n’est toujours pas assurée
Fin 2020, le général Marc Conruyt, le commandant de la force Barkhane, assura devant les parlementaires que le soutien américain aux opérations françaises contre les groupes armés terroristes [GAT] au Sahel était « considérable » et qu’il avait même « agmenté » au cours des mois précédents. « Son apport est vraiment primordial, notamment en matière de renseignement et de ravitaillement en vol », avait-il dit.
Or, un tel niveau de soutien n’était pas forcément acquis dans la mesure où, en janvier 2020, l’engagement militaire américain en Afrique devait faire l’objet d’un ajustement, comme l’avait annoncé Mark Esper, alors chef du Pentagone. En effet, pour Washington, le combat contre les organisations terroristes n’était pas la priorité principale, l’accent devant être mis sur la « concurrence » de la Russie et de la Chine.
« Nous avons passé beaucoup de temps et d’énergie pour obtenir un soutien qui nous était contesté au début de l’année 2020. Puis, au fil des mois, ce soutien nous a été rendu mais avec des conditions puisque l’administration sortante [celle de M. Trump, ndlr] avait l’ambition de se faire payer pour l’ensemble des éléments qui étaient mis à notre disposition », rappela Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une audition au Sénat, en janvier dernier. « Finalement, finalement, nous avons obtenu que le soutien américain puisse être rétabli dans les termes initiaux », avait-elle ajouté.
« On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on va trouver! », dit le proverbe. Et il va ainsi avec l’administration Biden, dont les intentions au sujet de Barkhane restaient encore à préciser au moment où elle prit ses fonctions. « À ce stade, je n’ai évidemment aucun élément permettant de dire ce que sera l’attitude de la nouvelle administration américaine », confia d’ailleurs Mme Parly aux sénateurs.
Actuellement, et selon les députées Sereine Mauborgne et Nathalie Serre, qui ont rendu un rapport sur l’engagement militaire de la France au Sahel, la semaine passée, ce soutien américain, qui coûte 40 millions de dollars par an, se traduit notamment par la « fourniture de moyens de renseignement, au travers de capacités dont la France ne dispose pas, basées à Ouagadougou, Niamey ou Agadez « , de « capacité de ravitaillement en vol depuis la base aérienne de Morón [Espagne], à hauteur de 140 heures de vol par mois environ », et de « capacités de transport, au travers [d’avions] C-17 ou C-130J, à hauteur de 80 heures de vol par mois en moyenne. »
À noter que l’état-major du groupement français de forces spéciales « Sabre », basé à Ouagadougou [Burkina Faso], accueille en son sein une « cellule américaine ».
Quatre mois après l’audition de Mme Parly au Sénat, on ne connaît toujours pas les intentions de Lloyd Austin, le nouveau secrétaire américain à la Défense, au sujet de ce soutien à la force Barkhane. Pour le moment, on sait seulement que son coût devrait « descendre à hauteur de 25 millions de dollars en 2021, en raison de la montée en puissance des capacités françaises », ont expliqué Mme Mauborgne et Serre.
« Comme l’a indiqué le colonel Pepper, attaché de défense américain à Paris, ces chiffres sont néanmoins trompeurs, puisqu’ils ne concernent que le coût du ravitaillement en vol et du transport aérien, mais pas l’activité des drones aériens, ni celle des 1.000 soldats américains déployés au sol » [au Niger, ndlr], souligne cependant les deux députées.
Et d’ajouter : « La réduction de la participation américaine n’est toutefois pas sans conséquence sur l’activité des forces françaises, qui ont exprimé une demande de réévaluation, à la hausse, au titre de l’année 2021. » Or, les autorités américaines n’avaient toujours pas répondu à la requête française au moment de la publication du rapport.
Aussi, les parlementaires estiment que les « incertitudes » sur cet engagement américain « doivent être levées ». Et d’insister : « il est nécessaire d’amener les États-Unis à rapidement sortir de l’ambiguïté, et ce d’autant qu’il n’y a guère de doute quant à la volonté des autorités américaines de se concentrer d’abord sur la questions des ‘2 [Russie, Chine] + 3 [Iran, Corée du Nord, groupes armés terroristes]’ et que dans ce contexte, un effort particulier sera fourni sur la préparation à la haute intensité. »
En attendant, il faudra se contenter des propos de John Kirby, le porte-parole du Pentagone, tenus le 28 janvier dernier, après un échange entre Mme Parly et Lloyd Austin. Le secrétaire à Défense « n’a pris aucun engagement dans un sens ou dans un autre, mais il a évidemment exprimé sa reconnaissance pour le travail que la France accomplit en termes de lutte de contre le terrorisme « , avait-il dit.