Le renseignement militaire russe serait à l’origine de l’explosion de deux dépôts de munitons en République tchèque
Le 16 octobre 2014, une explosion dévasta un dépôt de munitions de Vrbětice, loué par le groupe Imex à l’Institut technique militaire [VTU], une société d’État tchèque. Deux employés y laissèrent la vie. Puis, le 3 décembre de la même année, un second entrepôt, où 100 tonnes de munitions étaient stockées, connut le même sort, si ce n’est qu’il n’y eut aucune victime.
Les causes de ces deux explosions demeuraient inconnues quand, le 17 avril, le Premier ministre tchèque, Andrej Babis, et son ministre de l’Intérieur, Jan Hamacek, ont accusé le GRU, c’est à dire le renseignement militaire russe, d’en avoir été à l’origine. Preuves « irréfutables » à l’appui.
Ainsi, selon les services tchèques, deux membres du GRU, Alexander Michkine et Anatoli Tchepiga, sont suspectés d’avoir tenu un rôle de premier plan dans cette affaire. Ces deux-là ne sont pas des inconnus ; en septembre 2018, Londres diffusa deux mandats d’arrêt les concernant en raison de leur implication dans la tentative d’assassinat du colonel Sergueï Skripal [un ancien du GRU] et de sa fille avec des Novitchok, un puissant neuroparalytique mis au point par l’Union soviétique, à l’époque de la Guerre Froide.
Selon Prague, les deux espions du GRU seraient donc arrivés en République tchèque le 11 octobre 2014, dans le but affiché de visiter les entrepôts de munitions situés à Vrbětice en se faisant passer pour des clients travaillant pour le compte de la Garde nationale du Tadjikistan. Pour cela, ils auraient présenté des passeports moldave et tadjik, aux noms de « Rouslan Bochirov » et d' »Alexander Petrov ». Soit les mêmes identités qu’ils utiliseront en 2018 pour entrer au Royaume-Uni afin d’éliminer le colonel Skripal.
Quant au mobile, il aurait un lien avec une autre affaire, celle de l’industriel bulgare Emilian Gebrev, victime, lui aussi, d’une tentative d’assassinat en avril 2015. Tentative aussi mise sur le compte du GRU… et plus précisement sur celui de l’Unité 29155 de son 161e centre de formation spéciale. Unité qui laisse décidément beaucoup de traces derrière elle…
En effet, d’après la presse tchèque, l’entrepôt visé abritait des équipements militaires que l’homme d’affaires bulgare s’apprêtait à revendre à l’Ukraine. A priori, la première explosion n’aurait pas dû avoir lieu sur le territoire tchèque mais lors du transfert de la cargaison. Même chose pour la seconde.
Quoi qu’il en soit, le rôle prêté au GRU dans cette affaire a donc motivé la décision du gouvernement tchèque d’expulser 18 « diplomates » russes du pays. En retour, Moscou a annoncé l’expulsion de 20 diplomates tchèques, voyant dans les accusations de M. Babis une « provocation » et un « acte d’hostilité ».
Ces dernières années, le service de contre-espionnage tchèque, le BIS, a régulièrement dénoncé les agissements du renseignement russe en République tchèque, les accusant de mener une « guerre de l’information » afin de « déstabiliser le pays ». Le tout en ne manquant pas de souligner qu’environ un tiers des 150 « diplomates » de l’ambassade de Russie à Prague seraient des « officiers de renseignement travaillant sous couverture ». Ce qui paraît disproportionné au regard de la taille de la République tchèque…
Cela étant, il y encore quelques jours, Jan Hamacek avait proposé que se tienne à Prague une rencontre entre le président américain, Joe Biden, et son homologue russe, Vladimir Poutine. Et il était même question que la République tchèque se procurât de vaccin russe anti-covid Sputnik V. Il faut dire que la situation politique du pays est compliquée, avec un président, Miloš Zeman, ouvertement pro-Kremlin, et un Premier ministre plutôt pro-européen [ce qui ne l’empêche pas d’être critique à l’égard de l’UE], qui a condamné l’annexion de la Crimée en 2014.