Barkhane : La disponibilité des blindés et des hélicoptères est « juste suffisante pour mener les opérations »

En 2020, la force française Barkhane, renforcée par 600 militaires de plus, a obtenu d’indéniables succès tactiques face à des adversaires ne manquant pas de capacités d’adaptation et de régénération.

Ainsi, lors des opérations conduites dans la zone dite des trois frontières, car située aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, 1.028 jihadistes appartenant à l’État islamique au grand Sahara [EIGS] ont été mis hors de combat [dont 859 tués]. Ces chiffres dans le rapport que viennent de publier les députées Sereine Mauborgne et Nathalie Serre.

Quant au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou RVIM, lié à al-Qaïda], il a perdu plusieurs de ses cadres en 2020, dont Abdelmalek Droukdel, « l’émir » d’al-Qaïda au Maghreb islamique, et Bag Ag Moussa, son chef militaire. Le rapport ne précise pas le niveau des pertes subies par cette organisation terroriste. Mais si l’on se fie aux déclarations de Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, on peut les évaluer entre 170 et 470 jihadistes « neutralisés » [le parlementaire avait avancé, en février, que, au total, entre 1.200 et 1.500 terroristes avaient été mis hors de combat en 2020].

Cela étant, comme le répéte le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], « l’indicateur de réussite n’est pas le nombre de jihadistes tués » mais plutôt les effets obtenus par Barkhane, comme la capacité de les priver de leur liberté de mouvement, la montée en puissance des forces locales ou encore le retour des institutions étatiques dans des territoires qu’elles avaient abandonnés.

Reste le rythme opérationnel est élevé, avec une action de combat menée tous les trois jours [128 en 2020, ndlr]. Et les hommes comme les matériels sont fortement sollicités dans un milieu difficile.

Or, selon Mme Mauborgne et Serre, « la disponibilité des matériels terrestres comme des hélicoptères est juste suffisante pour mener les opérations. »

Et celle-ci est contrainte par une « charge de travail élevée, en raison de la diversité des matériels soutenus et de l’abrasivité du terrain qui augmente les détériorations et le rythme des entretiens », des « des élongations importantes, qui nécessitent de combiner les flux réguliers d’approvisionnement avec l’augmentation de capacités de maintenance locales » et des « solutions limitées, malgré le développement de réponses artisanales, comme des expérimentations d’impression 3D de pièces n’engageant pas la sécurité des biens et des personnes ou la projection d’équipes temporaires depuis la métropole. »

S’agissant des hélicoptères, par ailleurs en nombre juste suffisant, les plus récents « souffrent le plus ». En effet, expliquent les deux parlementaires, les « forces pâtissent toujours des défauts de jeunesse de certains appareils de nouvelle génération et des dysfonctionnements connus sur certains éléments mécaniques d’aéronefs non résolus à ce jour par l’industriel, qui entrainent une surconsommation de pièces de rechange et des délais d’acheminement accrus depuis la métropole. »

Dans leur rapport sur les hélicoptères des armées, rendu en juillet 2020 à l’issue d’une « mission flash », les députés Jean-Jacques Ferrara et Jean-Pierre Curbertafon avait estimé que deux points méritaient une « attentation particulière », à savoir les pales, « pour lesquels la pose d’un revêtement supplémentaire de protection [était] en cours d’expérimentation, et les pare-brises, « qui ont tendance à fêler, et pour lesquels un film protecteur à effet hydrofuge a été conçu sans donner entière satisfaction. »

Le second point concerne surtout les Tigre. C’est ce qu’avait suggéré le général Jean-Pierre Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] en 2019. « Il ne me semble pas envisageable d’annoncer qu’un Tigre est indisponible pendant 15 jours en raison de l’absence d’un pare-brise. […] J’estime que la gestion des pièces détachées des hélicoptères doit se rapprocher au maximum de celle des pièces détachées des automobiles. Sur ce point, les progrès sont encore trop lents », avait-il dit.

Par ailleurs, Barkhane a aussi un impact sur la « régénération organique des forces ». Et les deux députées ont pris l’exemple des pilotes de l’armée de l’Air & de l’Espace [aAE]. Au Sahel, ces derniers assurent des missions relevant du « bas du spectre » car effectuées dans un environnement permissif [sans menace symétrique].

Or, expliquent Mme Mauborgne et Serre, ces équipages « ont besoin de maintenir leurs compétences dans le ‘haut du spectre’ [combat aérien, suivi de terrain, vols tout temps, vols au sein de raids à plusieurs avions], en particulier dans la perspective d’une intensification de la préparation à la haute intensité. »

Seulement, en raison d’une disponibilité moindre des avions [des Mirage 2000 D et C en l’occurrence] en France, les capacités d’entraînement pour la haute intensité s’en trouvent limitées. Cité dans le rapport, le général Philippe Morales, sous-chef « activités » à l’état-major de l’aAE rappelle que les pilotes doivent effectuer 180 heures de vol par an pour être pleinement opérationnels. Or, ils n’en accomplissent que 152 en moyenne, dont seulement 100 à l’entraînement. « En théorie, 75 % des heures prévues devraient être consacrées à l’entraînement, soit un total de 130 heures », souligne-t-il.

L’Aviation légère de l’armée de Terre est confrontée au même problème, avec en prime une « sur-projection » de personnels dans certaines spécialités. « La régénération organique des capacités d’aérocombat constitue ainsi un sujet d’attention pour l’armée de Terre, car l’engagement de ce type d’unités requiert un effort particulièrement intense en matière de formation et d’entraînement », concluent les deux députées.

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