Le ministère des Armées est en quête d’un « drone intercepteur de drone »

En 2016, la police néerlandaise fit part de son intention de dresser des rapaces pour intercepter des drones légers au-dessus des zones sensibles. De même que l’armée de l’Air & de l’Espace, qui fit l’acquisition de quatre aigles royaux à cette fin. Ils « peuvent détecter des drones à plusieurs milliers de mètres » avant de « les neutraliser », avait expliqué le général Jean-Christophe Zimmerman, numéro deux du Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes [CDAOA] à l’époque.

Seulement, l’expérience fut peu concluante. En effet, aux Pays-Bas, le dressage des aigles s’avéra plus compliqué que prévu, les rapaces n’ayant pas toujours réagi comme espéré. En outre, les performances des drones ayant évolué, il leur était plus difficile de suivre leurs mouvements. Aux États-Unis, il fut avancé l’idée de recourir à des faucons pélerins étant donné que leur comportement pouvait s’apparenter à celui d’un « missile guidé ». Mais encore fallait-il les inciter à se mettre en chasse… Et cette piste fut abandonnée.

Aussi, la solution pour intercepter des drones ne peut être que technologique. Début avril, à la suite d’une demande d’informations émise par le Joint C-sUAS Office [JCO] et le Rapid Capabilities and Critical Technologies Office [RCCTO], l’US Army en a évalué trois lors d’une campagne d’essais réalisée sur le site de Yuma [Arizona].

Parmi les trois drones intercepteurs évalués figuraient le « Modular Intercept Drone Avionics Set » [MIDAS] d’Aurora Flight Sciences, capables de neutraliser plusieurs appareils au cours d’un même vol, le Drone-Kill-Drone [DKD] d’ELTA North America [un filiale de l’israélien IAI] et le Skylord Griffon, de l’entreprise israélienne XTEND. Les deux derniers modèles utilisent des filets métalliques pour abattre des drones hostiles.

Par ailleurs, Lockheed-Martin a récemment dévoilé le drone intercepteur « MORFIUS« , dont le fontionnement repose sur des ondes à haute fréquence pour neutraliser un engin hostile.

En France, on s’intéresse également à de telles technologies, d’autant plus que le recours à des drones légers capables d’emporter une charge explosive tend à devenir un pratique courante parmi les groupes terroristes.

« Ce recours de plus en plus important aux drones est inquiétant et nous devons le prendre en compte. Au-delà de l’emploi de drones que l’on peut trouver dans le commerce avec l’emport d’explosifs ou de grenades, comme on a pu le voir sur certains théâtres d’opérations, nous constatons aujourd’hui l’emploi de technologies de plus en plus sophistiquées, accessibles aux groupes armés terroristes ou aux ennemis dits ‘asymétriques' », avait ainsi souligné le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’une audition au Sénat.

Et d’ajouter : « Ces drones, qui ne sont pas si sophistiqués, constituent une menace importante. Cette situation nous pousse à investir dans la recherche et à développer l’innovation en matière de défense et de lutte anti-drones. Cette menace, qui peut évidemment s’exercer sur le territoire national, est prise très au sérieux par l’état-major des armées et par l’état-major de l’armée de l’air. Nous allons nous doter de meilleures capacités de détection, d’action et de neutralisation. »

D’où l’initiative que vient de prendre l’Agence de l’Innovation de Défense [AID], qui a publié l’appel à projets « Drone intercepteur de drone » pour « identifier des solutions innovantes dans le domaine de la lutte anti-drone [LAD] » et contractualiser un ou plusieurs projets pour une durée de huit mois [démonstration incluse]. Les industriels intéressés ont jusqu’au 2 juin pour y répondre. Le coût de leurs propositions ne devra pas excéder 300.000 € [TTC] chacune, démonstration incluse.

Il ne s’agit pas de trouver une solution pour intercepter des drones tactiques… mais pour neutraliser des drones « commerciaux considérés comme non collaboratifs par un système de désignation d’objectif externe », pouvant avoir une masse allant jusqu’à 25 kg et voler au maximum à 100 km/h [on est loin du drone de loisir…], qu’ils soient à voulure tournante ou fixe. Et il est également question d’être en mesure d’abattre des essaims de drones.

« Nous cherchons à évaluer lors de démonstrations, un système [composé d’un ou plusieurs drones] permettant d’intercepter, de capturer ou de neutraliser, dans un rayon jusqu’à 5 km autour de la zone à protéger, un ou des drones commerciaux considérés comme non collaboratifs. Il pourra opérer de jour comme de nuit, en terrain ouvert et/ou zone urbaine », précise l’AID dans son appel à projets.

Les solutions attendues devront permettre, en cours de mission, de « capturer ou neutraliser de manière autonome la ou les cibles désignées », de « s’interfacer avec un système extérieur de désignation d’objectif et de recevoir une désignation d’objectifs externe », de « s’adapter en temps réel aux évolutions de désignation d’objectifs » ainsi que de visualiser la situation perçue par le système d’interception et de l’exploiter par un système extérieur de Commande et Contrôle [C2].

Une PME française a déjà planché sur une telle solution. En effet, MALOU-Tech avait présenté, en 2014, le drone intercepteur MP200, doté d’un filet pour neutraliser sa « proie ».

Cela étant, d’autres modes sont sans doute possibles. En 2019, la société russe Almaz-Antey a ainsi déposé un brevet concernant un drone intercepteur de type « tail-sitter », … armé d’un fusil semi-automatique Vepr-12 « Hummer ». Une vidéo diffusée à l’époque avait suggéré que cet appareil avait abattu un avion radio-commandé. Mais rien n’avait été dit sur la manière dont il repérait ses cibles.

En savoir plus : Interception de drone par une meute de drones

Photo : Drone intercepteur de MALOU Tech

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