Un bateau philippin chassé par des navires chinois près d’un atoll placé sous la juridiction de Manille

Dans le cadre de mission Jeanne d’Arc 2021, le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Tonnerre et la frégate légère furtive [FLF] Surcouf doivrent très prochainement se rendre au Vietnam, puis passeront dans les environs de Taïwan pour aller au Japon. Or, quand ils auront passé le détroit de Malacca, les deux navires français risquent de se retrouver au milieu d’un face à face tendu entre l’US Navy et la marine chinoise.

En effet, le 4 avril, un groupe aéronaval formé autour du porte-avions chinois CNS Liaoning et comprenant deux contre-torpilleurs de type 052D, une frégate de Type 054A, d’un navire de soutien de Type 901 et surtout, pour la première fois du Nanchang, un croiseur de Type 055 de 112 cellules de lancement vertical pour différents types de missiles, a franchi le détroit de Miyako pour se déployer au large des côtes orientales de Taïwan afin d’y mener des exercices.

A priori, le CNS Liaoning a été suivi, durant cette phase, par le contre-torpilleur [ou destroyer] USS Mustin [voir photo ci-dessous]. Dans le même temps, un autre groupe aéronaval, constitué autour du porte-avions USS Theodore Roosevelt, a emprunté le détroit de Malacca pour se déployer en mer de Chine méridionale, où il a été rejoint, le 7 avril par le navire d’assaut amphibie USS Makin Island et son escorte, constituée notamment par le croiseur USS Port Royal.

Puis la situation s’est particulièrement tendue dans les environs de Taïwan, pays considéré à Pékin comme étant une province « rebelle ». Le même jour, la force aérienne taïwanaise a intercepté une formation aérienne chinoise comprenant 12 avions de combat [8 J-10 et 4 J-16], deux appareils de guet aérien avancé KJ-500 et un avion de lutte anti-sous-marine Y-8.

Alors que, le même jour, le contre-torpilleur américain USS John McCain venait d’effectuer une mission dite FONOP [liberté de navigation] dans le détroit de Taïwan, un bataillon interarmes de l’Armée populaire de libération [APL] a mené une série « d’exercices de débarquement amphibie » dans le sud de la province du Fujian, située en face des côtes taïwanaise. De telles manoeuves « ne sont pas un avertissement : elles montrent que Taïwan n’a aucune chance de gagner », a commenté le Global Times, quotidien proche du Parti communiste chinois.

Ces dernières heures, il semblerait que le croiseur Nanchang et que l’un des deux contre-torpilleurs de type 052D de l’escorte du CNS Liaoning ont mis le cap vers le détroit de Taïwan, tandis que le porte-avions a pris la direction de celui de Luçon, qui fait le lien entre la mer de Chine méridionale à l’ouest et la mer des Philippines à l’est.

Or, depuis que le ministre philippin de la Défense, Delfin Lorenzana a dénoncé la présence de 220 « bateaux de pêche » – soupçonnés d’appartenir à la milice maritime chinoise – dans les environs du récif « Julian Felipe » [ou Whitsun Reef], situé dans la zone économique exclusive [ZEE] des Philippines, les relations entre Manille et Pékin se sont tendues.

Ainsi, la Chine fait valoir que ce récif lui appartient étant donné qu’il fait partie de l’archipel des Spratleys, dont elle a pris le contôle alors qu’il était revendiqué par d’autres pays riverains. Mais Pékin s’intéresse à d’autres îlots philippins. Après avoir mis le grappin sur les récifs de Mitschief et de Scarborough, et outre ses vues sur celui de Julian Felipe, elle lorgne également sur l’atoll appelé « Second Thomas Shoal » [ou Ayungin pour les Philippines et Ren’ai pour la Chine, ndlr].

Situé à 200 kilomètres de l’île philippine de Palawan et à 1.000 km de Hainan [Chine], cet atoll est revendiqué depuis longtemps par la Chine. Dans les années 1990, et afin d’y affirmer sa souveraineté, Manille y fit échouer le BRP Sierra Madre, un ancien navire américain de la Seconde Guerre Mondiale. Depuis, un détachement du corps des Marines philippins y est affecté.

Seulement, le 8 avril, un navire civil philippin qui naviguait à environ quatre nautiques du Second Thomas Shoal, a été chassé par un bateau de la garde-côtière chinoise. L’incident a été filmé par une équipe de journalistes qui se trouvait à bord pour un reportage sur les difficultés des pêcheurs locaux.

Dans un premier temps, le navire de la garde côtière chinoise a demandé au bateau philippin de s’identifier. Le capitaine de ce dernier, cherchant à éviter un incident, a ordonné de s’éloigner de l’atoll. Sauf que cela n’a pas été suffisant puisqu’il a été pris en chasse.

« Le navire de la garde côtière chinoise a pris de la vitesse et accéléré commencé à chasser le bateau philippin. Il l’a suivi pendant une heure, en se rapprochant si près que son numéro de coque était visible à l’oeil nu », a témoigné Chiara Zambrano, l’une des journalistes qui se trouvait à bord.

Puis, alors que le bateau philippin se trouvait à 90 milles de l’île de Palawan, deux patrouilleurs de Type 022 [classe Houbei »] de la marine chinoise ont fait leur apparition. Ils ont été filmés par l’équipe de journalistes qui se trouvait à bord.

Pour rappel, le patrouille de Type 022 a été conçu pour des missions de surveillance et de protection du littoral. Il est armé d’un canon de 30 mm et peut emporter soit des missiles antinavires C-803, soit des missiles mer-sol Hongniao-2.

En outre, depuis janvier, la garde-côtière chinoise est autorisée à faire usage de la force, sans sommation, contre tout navire étranger naviguant dans les eaux étant sous juridiction de la Chine.

Depuis, cet incident fait l’objet d’une enquête, le ministère philippin des Affaires étrangères attendant son résultat pour adresser une note de protestation à Pékin. « En attendant, le ministère se réjouit que l’équipage et le navire soient en sécurité, a-t-il indiqué, via un communiqué.

Mais cette affaire donne lieu à une polémique à Manille, notamment après que les forces armées philippines ont déclaré que les « journalistes devraient faire preuve de prudence dans l’exercice de leurs fonctions. »

« Que la Chine soit ou non au courant de la présence d’une équipe d’ABS-CBN à bord, la menace du recours à la force contre un navire civil non armé est interdite en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit international coutumier », a fait valoir l’école de journalisme de l’Université des Philippines.

Cet incident près du Second Thomas Shoal est survenu au moment où les États-Unis ont réaffirmé leur engagement à défendre les Philippines contre les activités chinoises en mer de Chine méridionale, conformément à la clause de défense mutuelle prévue par le Traité de défense qui lie les deux pays depuis 1951.

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