Le constructeur sud-coréen KAI a dévoilé le prototype de son avion de combat KF-21 « Boramae »

Au début des années 1960, après avoir subi l’occupation japonaise et une guerre, la Corée du Sud passait pour être l’un des pays les plus pauvres du monde, avec un PIB [produit intérieur brut] par habitant de seulement 92 dollars. Un chiffre multiplié par 270 en cinquante ans, grâce au « miracle économique coréen ».

De nos jours, et après avoir connu une croissance économique moyenne de 3% dans les années 2010, la Corée du Sud est la 11ème économie mondiale et le 7ème exportateur mondial, grâce à un secteur industriel dynamique [et structuré autour de grands conglomérats, appelés chaebols] représentant environ 30% de son PIB. Et c’est l’un des rares pays [démocratiques, qui plus est] à avoir su gérer la pandémie de covid-19, cette dernière ayant un impact limité sur son économique [avec une contraction de -1% de son PIB en 2020].

Soutenue par un effort important en matière de recherche et développement [la Corée du Sud est le pays le plus « dépensier » dans ce domaine, avec des investissements représentant 4,6% de son PIB], l’industrie sud-coréenne s’est affirmée dans la construction navale, l’automobile, l’électronique grand public [avec LG et Samsung] et, plus récemment, les semi-conducteurs [qui ont généré 94 milliards de dollars à l’exportations en 2019].

En outre, la Base industrielle et technologique de défense [BITD] sud-coréenne ne cesse de s’étoffer, grâce aux transferts technologiques obtenus lors de contrats d’armements passés. Elle est désormais en mesure de concevoir des sous-marins [Hyundai Heavy Industries et Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering] et Séoul envisage même la construction de deux unités à propulsion nucléaire. Et pratiquement tous les navires de la marine sud-coréenne – qui disposera par ailleurs d’un porte-aéronefs d’ici la fin de cette décennie – ont été développés et produits localement.

Dans le domaine terrestre, l’industrie sud-coréenne sait produire des chars [comme le K2 Black Panther], des obusiers, des blindés [comme le K21] ou encore des systèmes de communications.

S’agissant de l’aéronautique, la Corée du Sud n’a pas encore la capacité de subvenir seule aux besoins de ses forces aériennes, lequelles mettent en oeuvre des avions de combat de facture américaine [F-15, F-35, etc]. Mais cela devrait changer dans les années à venir.

Déjà, Korean Aerospace Industrie [KAI] commercialise le KA-50 « Golden Eagle », un avion d’entraînement pouvant se décliner en appareil léger d’attaque. Mais l’industriel sud-coréen planche sur le programme KF-X, dont le lancement a été décidé en 2002, afin de remplacer les F-4FD/E Phantom et F-5 Tiger II de la force aérienne sud-coréenne.

Or, ce 9 avril, à Sacheon, en présence du président sud-coréen Moon Jae-in, KAI a levé le voile sur le premier prototype de cet appareil qui, officiellement baptisé KF-21 « Boramae » doit être produit dans le cadre d’une coopération avec l’Indonésie.

À première vue, bien qu’il ressemble à s’y méprendre au F-22 de Lockheed-Martin [qui a d’ailleurs été sollicité pour ce programme, ndlr], le KF-21 sera un avion de génération 4,5. C’est à dire qu’il ne sera pas furtif puisque il est doté de dix points d’emport à la place d’une soute à munition.

Dans le détail, 16 universités, 11 laboratoires et plus de 500 sous-traitants participent à ce programme, dont le coût est évalué à près de 8 milliards de dollars. Environ 65% des composants du KF-21 sont d’origine sud-coréenne, dont le radar AESA, la suite de guerre électronique et les nacelles de reconnaissance et de ciblage. Quant à la motorisation, elle sera assurée par deux moteurs F414-400K qui seront produits par Hanwha Techwin, qui a obtenu une licence de la part du motoriste américain GE Aviation.

Lors de la présentation du KF-21, le président Moon a remercié l’Indonésie, qui participe à ce projet à hauteur de 20%. Du moins, c’est ce qui avait été prévu, dans la mesure où il était question de livrer 51 unités aux forces aériennes indonésiennes. Seulement, Jakarta a cessé les paiements promis lors de la phase de développement, aissant ainsi planer un doute sur ses intentions. Pour rappel l’Indonésie envisage actuellement de se procurer une trentaine de Rafale ainsi que des F-15 Eagle II [ex-F-15 EX, ndlr].

Quoi qu’il en soit, pour le président Moon, avec la présentation de ce prototype, la Corée du Sud a « ouvert une nouvelle ère » en matière d’autonomie et franchi « une étape historique » dans le domaine de l’aéronautique. « Nous prévoyons de déployer 40 avions d’ici 2028 et un total de 120 d’ici 2032″, a-t-il rappelé. En outre, a-t-il continué, ce programme permettra la création de 100.000 nouveaux emplois et pourrait générer 5.900 milliards de wons supplémentaires » [soit 4,4 milliards d’euros]. « Les effets [économiques] deviendront plus importants si l’avion s’exporte à l’étranger », a-t-il ajouté.

« Le déploiement du prototype est une étape majeure dans le processus de développement car cela signifie que nous entrons dans la phase de test des capacités du chasseur après avoir réellement construit ce que nous n’avions qu’en dessin », a souligné, de son côté, la DAPA, l’agence du ministère sud-coréen de la Défense chargée des équipements et des achats.

Le premier vol du KF-21 étant prévu en 2022, KAI devra aller vite pour livrer les 40 premiers exemplaires d’ici 2028. Mais, visiblement, le constructeur sud-coréen est confiant.

« Lorsqu’un directeur de programme de Lockheed Martin a examiné pour la première fois le calendrier du projet KF-X, le responsable a déclaré que le projet aurait besoin d’un miracle pour réussir », a confié Ryu Kwang-su, le vice-président de KAI, au quotidien Korea Herald. Et, rappelant que l’industriel américain a mis « près de 20 ans et au moins 59,2 milliards de dollars pour développer le F-35 », il n’a pas manqué de souligner que son groupe « a réussi à proposer un prototype en cinq ans avec un budget inférieur à un sixième. »

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