Le ton monte entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie
En 2011, l’Éthiopie a lancé le projet de barrage « Grand Renaissance » [GERD] qui, construit sur le Nil, doit lui procurer la capacité de produire 15.000 gigawatts/heure chaque année. De quoi lui permettre de mettre un terme à la pénurie d’électricité et d’accélérer son industrialisation. Et donc son développement.
Seulement, pour cela, il lui faut remplir un lac de stockage pouvant contenir jusqu’à 67 milliards de mètres cube. Or, pour l’Égypte comme pour le Soudan, il n’en est d’autant pas question, les eaux du Nil étant vitales pour ces deux pays.
Ainsi, si l’Éthiopie maintient son projet en l’état, 12% des besoins égyptiens en eau [population, industrie, agriculture] ne seraient plus couverts. Or, les négociations menées jusqu’ici n’ont pas permis de trouver un accord entre Addis-Abeba, Le Caire et Khartoum.
Début mars, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a une nouvelle critiqué l’intention de l’Éthiopie de procéder à la seconde phase du remplissage de son lac de stockage. « Nous rejetons la politique qui consiste à imposer un fait accompli et à étendre le contrôle sur le Nil bleu via des mesures unilatérales sans tenir compte des intérêts du Soudan et de l’Egypte », a-t-il dit, lors d’un déplacement à Khartoum.
L’Égypte et le Soudan sont « convenus de relancer les négociations par une médiation quadripartite incluant l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne et les États-Unis… afin de parvenir à un accord avant la saison des inondations », ensuite précisé le président égyptien.
Le 30 mars, ce dernier est de nouveau revenu à la charge. « Personne ne peut se permettre de prendre une goutte d’eau de l’Egypte, sinon la région connaîtra une instabilité inimaginable », a-t-il prévenu, au sujet du barrage éthiopien. « Personne ne doit s’imaginer qu’il est loin de la portée de l’Egypte », a-t-il insisté, soulignant que la part des eaux du Nil revenant à son pays était une « ligne rouge ».
Mais les autorités éthiopiennes campent toujours sur leurs positions. « L’Éthiopie n’a pas l’intention de faire souffir l’Égypte avec son barrage. Ce que je veux que nos frères qui vivent de l’autre côté [en Égypte et au Soudan, ndlr] comprennent que c’est que nous ne voulons pas vivre dans les ténèbres. Nous avons besoin d’une ampoule », a fait valoir Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, en réponse aux critiques du Caire.
Et, ce 7 avril, l’Éthiopie a fait savoir qu’elle maintiendrait le cap, c’est à dire qu’elle continuerait le remplissage du lac de stockage du GERD, après l’échec de négociations menées par les ministres des Affaires étrangères des trois pays concernés, sous l’égide du président congolais, Félix Tshisekedi, lequelle assure la présidence tournante de l’Union africaine [UA].
« Le remplissage continuera donc durant la prochaine saison des pluies qui doit commencer en juin ou juillet », a en effet indiqué Seleshi Bekele, le ministre éthiopien de l’Eau. « À mesure que la construction avance, le remplissage a lieu », a-t-il continué. « Nous n’y renonçons en rien », a-t-il assuré.
À Khartoum, le ministre soudanais de l’Irrigation, Yasser Abbas, a prévenu que si « l’Ethiopie entreprend le deuxième remplissage sans accord », alors « toutes les options » seraient envisagées, « y compris le retour au Conseil de sécurité [et] la voie d’un durcissement politique. »
Quant au président égyptien, il dit quasiment la même chose que ministre soudanais. « Je dis à nos frères éthiopiens : ne touchez pas à une goutte de l’eau de l’Égypte parce que toutes les options sont ouvertes », a en effet déclaré Abdel Fattah al-Sissi. Ce qui, après ses précédentes déclarations, peut aller jusqu’à l’action militaire.
En 2018, M. al-Sissi avait laissé entendre qu’il pourrait aller jusqu’à la confrontation armée si nécessaire. « Les habitants du Soudan, d’Éthiopie et d’Égypte ont besoin d’investissements, pas de guerres. Mais en même temps, il nous est demandé de préserver la vie de 100 millions d’Égyptiens », avait-il déclaré, après avoir évoqué la puissance militaire de son pays.