Le Japon serait prêt à s’engager militairement auprès des États-Unis en cas d’attaque contre Taïwan

Eu égard aux propos tenus tant en Chine qu’aux États-Unis et si la thèse du « piège de Thucydide » de l’universitaire américain Graham Allison [*] est juste [l’affrontement entre une puissance dominante et une puissance émergente rivale est quasiment inélectable, nldr], la question n’est pas de savoir quand une guerre éclatera dans la région Indo-Pacifique mais quand celle-ci aura lieu et quel en sera l’élément déclencheur.

Récemment, l’amiral Philip Davidson, l’actuel chef du commandement américain pour la région Indo-Pacifique [US INDOPACOM], s’est risqué à livrer un pronostic : d’ici 2027, la Chine pourrait envahir Taïwan, île considérée comme « rebelle » à Pékin.

Lors d’une audition au Sénat, le 23 mars, son successeur désigné, l’amiral John Aquilino, n’a pas dit autre chose, estimant même que les forces américaines devraient renforcer leurs capacités dans la région « à court terme et de toute urgence ».

« Laisser la Chine envahir ce territoire de 23 millions d’habitants, qui a son propre gouvernement démocratiquement élu, son armée, sa monnaie, poserait des problèmes majeurs pour le commerce international, qui transite pour beaucoup par l’île », a prévenu l’amiral Aquilino. Or, a-t-il dit, « le Parti communiste chinois a généré certaines capacités dans la région destinées à nous tenir à l’écart. »

Cette estimation sur les capacités militaires chinoises est partagée par le ministère taïwanais de la Défense. Ainsi, dans sa dernière revue stratégique [un exercice auquel il se livre tous les quatre ans], ce dernier affirme, selon l’agence Reuters, que la Chine met en oeuvre des tactiques visant à épuiser les défenses de l’île avec des « exercices répétés et des activités menées à proximité de son espace aérien et de ses eaux territoriales. » Et de souligner que Pekin a « continué de moderniser son armée et d’augmenter sa capacité dans une guerre avec Taiwan. »

Il est également affirmé, dans ce document que l’Armée populaire de libération [APL] a construit des copies d’installations taïwanaises pour s’entraîner.

En outre, « la Chine a la capacité de bloquer partiellement les principaux ports de Taiwan et que de couper le transport maritime vers l’île, tandis que le déploiement de missiles longue portée vise à empêcher les forces étrangères à venir en aide » à l’île, indique le document.

« L’hostilité et les menaces de la Chine contre nous ont augmenté, augmentant les risques d’accident et de conflit et détruisant la stabilité et la paix dans le détroit de Taiwan », est-il aussi estimé dans cette revue de défense.

Selon un responsable militaire américain récemment cité par l’AFP, durant la pandémie de covid-19, la Chine aurait « mis en service 25 nouveaux navires de guerre. » Et, a-t-il fait observer, « ce n’était pas des bateaux de patrouilles ou des remorqueurs mais des croiseurs, des destroyers, des frégates, des navires amphibie et des sous-marins équipés de missiles balistiques ».

Et d’ajouter : « Les navires amphibies et les frégates seraient adaptés à une prise de contrôle du détroit de Taïwan qui sépare l’île du continent, tandis que les croiseurs et les sous-marins pourraient servir à tenir les Etats-Unis à distance. »

La semaine passée, lors d’une réunion au format 2+2 [Défense et Affaires étrangères], le chef du Pentagone, Lloyd Austin, et le secrétaire d’État, Antony Blinken, a abordé la question avec leurs homologues japonais, à savoir Nobuo Kishi et Toshimitsu Motegi. La déclaration publiée à l’issue de ces rencontres appelle à « la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan ».

« Le comportement de la Chine, lorsqu’il est incompatible avec l’ordre international existant, présente des défis politiques, économiques, militaires et technologiques pour l’alliance et la communauté internationale », ont par ailleurs fait valoir les responsables américains.

Mais selon l’agence de presse Kyodo News, qui s’appuie sur des sources gouvernentales, les ministres américains et japonais seraient convenus d’une « coopération étroite en cas d’affrontement militaire entre la Chine et Taïwan ».

D’après les sources de l’agence nippone, Nobuo Kishi a évoqué « l’augmentation du nombre d’avions de guerre chinois traversant la ligne médiane dans le détroit de Taiwan et la nécessité d’étudier les moyens pour les forces d’autodéfense japonaises de coopérer avec les forces américaines » pour défendre l’île « en cas d’agression de la Chine. »

A priori, les modalités de cette coopération militaire n’ont pas été précisées lors de ces échanges. Mais Kyodo News avance qu’il serait question que les forces d’autodéfense japonaises tiennent un rôle de « protection » des navires et des avions américains.

Cela étant, ce ne serait guère surprenant. En 2017, les forces d’audéfense japonaise avait effectué un exercice reposant sur un éventuel conflit entre Taïwan et la Chine, estimant un telle hypothèse crédible. Les forces américains y avaient participé en qualité d’observateur. « Le scénario est celui d’une réponse des États-Unis et du Japon à un conflit militaire », avait-il été expliqué à l’époque.

Quoi qu’il en soit, les affirmations de l’agence de presse n’ont pas été démenties. Le 23 mars, le ministère taïwanais des Affaires étrangères a « remercié les États-Unis et le Japon » pour « avoir souligné l’importance de maintenir la paix et la stabilité entre les deux rives » du détroit de Taïwan. Et d’assurer que Taipei continuerait à  » travailler en étroite collaboration » avec les pays « partageant les mêmes idées pour défendre conjointement la démocratie et l’ordre international fondé sur des règles ainsi que pour maintenir la paix, la stabilité et la prospérité régionales. »

[*] Vers la guerre: L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide? – Graham Allison

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