Un rapport de l’ONU confirme l’utilisation de systèmes d’armes létaux autonomes turcs en Libye

« Terminator ne défilera pas au 14 Juillet », avait résumé Florence Parly, la ministre des Armées, au moment de définir le cadre éthique de l’usage de l’intelligence artificielle par les forces françaises. « La France refuse de confier la décision de vie ou de mort à une machine qui agirait de façon pleinement autonome et échapperait à tout contrôle humain », avait-elle insisté, après avoir évoqué le « le risque que de telles armes puissent être développées, un jour, par des États irresponsables et tomber entre les mains d’acteurs non-étatiques. »

Évidemment, l’image de « Terminator » suggère qu’il est question de développer des humanoïdes armés dont les cellules grises seraient remplacées par des circuits électroniques. Mais un « robot tueur » est avant tout un « système d’arme létal autonome » [SALA] qui peut prendre, par exemple, la forme d’un drone… Et certains pays sont allés dans la voie dénoncée par Mme Parly.

Est-ce le cas de la Russie? Selon un rapport [.pdf] rendu en juillet 2020 par les députés Claude de Ganay [LR] et Fabien Gouttefarde [LREM], les forces russes auraient testés le char robotisé Marker, pouvant être doté de drones de reconnaissance et d’attaque.

Il s’agit d’un « petit char qui accompagne le soldat, le suit et réplique l’usage » que ce dernier « fait du feu : le soldat tire, le robot tire vers la même cible. Ce système existe déjà, a été éprouvé et devrait être intégré aux unités russes dès 2021. Selon les informations recueillies par les rapporteurs, il aurait été testé en Syrie dans des opérations de lutte contre des poches islamistes », ont en effet écrit les deux députés.

Cela étant, la Fondation pour les projets de recherche avancée dans l’industrie de la défense [FPI], l’équivalent russe de l’AID française ou de la Darpa américaine, a fait savoir que l’une de ses priorités était d’accroître l’autonomie de ce robot, lequel ne peut pas évoluer au-delà de 5 km de son opérateur. « Des algorithmes et des modules ont été développés pour détecter les obstacles et les objectifs de différentes classes », a-t-elle indiqué.

« Nous apprenons à Marker à déterminer la différence et, par conséquent, à ne tirer que sur les cibles qui représentent une menace directe tout en évitant les objets qui se trouvent le long de la trajectoire du tir », a par ailleurs expliqué un responsable de la FPI à l’agence Tass, en juin 2020.

Par conséquent, si l’on en croit la FPI, ce robot doit encore gagner en autonomie avant d’être engagé au combat…

Quoi qu’il en soit, il est probable que le conflit libyen ait été le premier du genre à avoir recours à des SALA. C’est en effet ce que suggère le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la Libye.

En effet, dans le cadre de l’aide militaire qu’elle a fournie au gouvernement d’entente nationale libyen [GNA] à partir de novembre 2019, la Turquie n’a pas seulement déployé en Libye des armements « classiques », comme des systèmes d’artillerie, des chars M60, des moyens de guerre électronique ou encore des drones Bayraktar TB-2.

Pour rappel, cette aide militaire a renversé le rapport des forces sur le terrain, les forces loyales au GNA ayant fini par prendre le dessus sur l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, qui menaçait alors Tripoli.

« Les forces affiliées au GNA ont réussi à desserrer l’étau autour de Tripoli au moyen de canons automoteurs de 155 mm Firtina T155 et de lance-roquettes multiples T-122 Sakarya dont les munitions de précision ont une portée accrue contre des chars de bataille et de l’artillerie lourde datant du milieu du XXe siècle, utilisés » par l’ANL, lit-on dans le rapport.

Seulement, l’ANL a dû également faire faire à ses systèmes d’armes létaux autonomes….

« Les convois de logistique et les unités des forces affiliées à Haftar qui battaient en retraite ont été pourchassés et pris à partie à distance par des drones de combat ou des systèmes d’armes létaux autonomes tels que le Kargu-2 de STM et d’autres munitions rôdeuses », est-il affirmé dans le rapport.

Et ses auteurs précisent : « Les systèmes d’armes létaux autonomes avaient été programmés pour attaquer des cibles, sans qu’il soit besoin d’établir une connexion des données entre l’opérateur et la munition, et étaient donc réellement en mode d’autoguidage automatique. » Dans le même temps, les drones de l’ANL ainsi que ses moyens de reconnaissance ont été « neutralisés par le brouillage électromagnétique provenant du système de guerre électronique Koral. »

« La concentration de puissance de feu et la perception de la situation fournies par ces armes de pointe sur le champ de bataille ont été un multiplicateur de force considérable pour les unités terrestres du GNA, dégradant lentement les capacités opérationnelles des forces affiliées à Haftar, dont les unités n’avaient jamais été formées et n’étaient pas motivées pour se défendre contre l’utilisation efficace de cette nouvelle technologie et ont généralement été mises en déroute », souligne le document, pour qui les SALA « se sont avérées d’une efficacité redoutable pour mettre en échec les systèmes de défense antiaérienne Pantsir S-1 fournis par les Émirats arabes unis. »

Le Kargu-2 est un drone de type multicoptère d’une masse d’environ 7 kg et affichant une vitesse de pointe de 140 lm/h. D’une autonomie de 30 minutes, doté d’un lider, d’un capteur infrarouge et d’une caméra, il est peut être contrôlé par un opérateur [dans un rayon de 6 km] en mode standard… ou évoluer en étant autonome. Quand il repère une cible, il se verrouille dessus et plonge sur elle. Il peut emporter trois charges militaires différentes [creuse, explosive/fragmentation et thermobarique]. S’il ne trouve aucun objectif à détruire, il peut revenir à son point de départ pour être utilisé à nouveau ultérieurement. Enfin, il disposerait d’un système de reconnaissance faciale…

Son constructeur, STM, a par ailleurs indiqué qu’il travaillait à accroître l’autonomie du Kargu-2 afin de lui donner la capacité d’évoluer en essaims.

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