Washington autorise l’achat par l’Allemagne de cinq avions de patrouille maritime P-8A Poseidon

En avril 2018, la France et l’Allemagne signèrent une déclaration d’intention afin d’établir une nouvelle coopération en matière d’armement, cette fois dans le domaine de la patrouille maritime, avec le programme « MAWS » [Maritime Airborne Warfare System].

L’objectif est ainsi de remplacer, à l’horizon 2030, les avions de patrouille maritime Atlantique 2 [ATL2] de la Marine nationale et les P-3C Orion de la Marineflieger [l’aviation navale allemande] par de nouveaux appareils placés au centre d’un réseau de capteurs [drones, satellites, sémaphores, etc]. En outre, cela suppose de développer des radars, des capacités de guerre électronique, des capteurs aux capacités accrues, des bouées acoustiques et, bien évidemment, des armements dédiés à la lutte anti-sous-marin et anti-surface.

Seulement, en juin 2020, Berlin fit connaître son intention de remplacer, sans attendre, les huit P-3C Orion de son aviation navale. Acquis d’occasion auprès des Pays-Bas afin de remplacer les Bréguet Atlantic de la Deutsche Marine, ces appareils devaient être modernisés afin de prolonger leur carrière opérationnelle au moins jusqu’en 2030, dans l’attente de la concrétisation du programme MAWS. Et d’expliquer que cette opération représantait un « risque financier et technique trop élevé ». Aussi, il était donc question d’acquérir de nouveaux avions de patrouille maritime d’ici 2025 au plus tard.

Trois types d’appareils étaient alors donnés comme étant en lice : le C-294 MPA d’Airbus, le RAS 72 « Sea Eagle » de Rheinland Air Service, basé sur l’avion de transport ATR 72 et… le P-8A Poseidon de Boeing, qui relève d’une toute autre catégorie. Curieusement, la version PATMAR de l’A320neo n’était pas citée.

Évidemment, le choix du remplaçant du P-3C Orion de la Marineflieger ne sera pas sans conséquence sur le programme MAWS. Or, dans un avis publié le 12 mars, la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], l’agence chargée des exportations d’équipements militaires américains dans le cadre du dispositif dit des « Foreign Military Sales » [FMS], a recommandé au Congrés d’accepter la vente potetientielle de cinq P-8A Poseidon à l’Allemagne, pour un montant estimé à 1,77 milliard de dollars [1,5 milliard d’euros environ].

« Ce projet de vente soutiendra la politique étrangère et la sécurité nationale des États-Unis en améliorant la sécurité d’un allié de l’Otan, qui est une force importante pour la stabilité politique et économique en Europe », souligne la DSCA dans son avis.

Cett vente « améliorera la capacité de l’Allemagne à faire face aux menaces actuelles et futures en fournissant des capacités critiques aux opérations maritimes. L’Allemagne exploite actuellement le Lockheed P-3C Orion, qui arrive en fin de vie et sera retiré du service en 2024. L’Allemagne prévoit de le remplacer par le P-8A Poseidon », explique l’agence américaine.

Qui plus est, il ne s’agit nullement d’une solution provisoire dans l’attente de la réalisation du programme franco-allemand MAWS puisque l’avis de la DSCA indique que la vente de ces cinq P-8A Poseidon « permettra à l’Allemagne de moderniser et de maintenir sa capacité d’aéronefs de surveillance maritime au cours des 30 prochaines années. »

Pour rappel, développé à partir d’un B-737, le P-8 Poseidon est équipé d’un radar multi-cibles de surface AN/APY-10 conçu par Raytheon, d’un radar ouverture synthétique AN/APS-128 et d’un système de détection passif AN/ALR-73. Il peut être armé par des torpilles Mk-50, des charges de profondeur Mk-57 et Mk-101, des mines Mk-55 et Mk-56 et des missiles AGM-84 Harpoon. Mis en oeuvre par l’US Navy, il a été choisi, au sein de l’Otan, par le Royaume-Uni et la Norvège.

Quoi qu’il en soit, et alors que la relation franco-allemande traverse déjà une zone de turbulences en raison des difficultés concernant les projets de Système de combat aérien du futur [SCAF] et de char de combat du futur [MGCS] ainsi que la modernisation des hélicoptères d’attaque Tigre, il reste à voir la suite qu’entend donner Berlin au programme MAWS, qui risque d’être compromis si ce choix en faveur du P-8A Poseidon se concrétise.

Pour le moment, s’agissant du MAWS, une étude de faisabilité et d’architecture système a été attribuée à une groupement formé par le français Thales et trois entreprises allemandes, dont Hensoldt, ESG [Elektroniksystem] et Diehl. Pour le moment, ni Dassault Aviation, qui a une solide expérience en matière d’avions de patrouille maritime, ni Airbus, qui propose le C-295 MPA et l’A320neo MPA, n’ont été sollicités.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]