Les États-Unis se disent « préoccupés » par l’achat d’avions de combat russes Su-35 par l’Égypte

En vigueur depuis 2017, la loi américaine dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act] prévoit des sanctions contre toute entité ayant signé des contrats avec l’industrie russe de l’armement. À ce jour, la Chine et la Turquie en ont connu les rigueurs, tandis que l’Inde y a échappé [pour le moment].

Cela étant, certains pays ayant des liens économiques et commerciaux importants avec les États-Unis ont de quoi redouter cette loi CAATSA. Au point de renoncer à ces commandes de matériels militaires passées auprès de la Russie. Tel est ainsi le cas de l’Indonésie.

En février 2018, Jakarta fit connaître son souhait de doter ses forces aériennes avec 11 avions de combat russes Su-35 Flanker-E, grâce à un mécanisme de financement particulier puisqu’il était question de paiements en nature.

Seulement, la signature du contrat tarda à ce concrétiser pour au plusieurs raisons, donr le mode de financement, justement, étant donné que les matières premières sont soumises à des variations de cours, ainsi que la difficulté à s’entendre sur les compensations industrielles, exigées par la « loi 16 » de la législation indonésienne.

Une troisième était la… balance commerciale avec les États-Unis, le marché américain absorbant 10,5% des exportations indonésiennes [soit 168 milliards de dollars en 2019]. Un argument que ne manqua pas d’exploiter Washington et de faire réfléchir Jakarta.

Résultat : quand le chef d’état-major de la force aérienne indonésienne, le maréchal Fadjar Prasetyo, a récemment fait le point sur les acquisitions envisagées dans les années à venir, il n’a pas mentionné les Su-35 Flanker-E [ni l’achat, d’ailleurs, des Eurofighter autrichiens], mais évoqué l’acquisition de Rafale et de F-15EX. Et d’avancer « l’évolution de la situation mondiale et la capacité de l’État » pour justifier ce revirement.

L’Égypte se trouve dans une situation presque similaire. Au niveau économique, 10% des exportations égyptiennes [qui s’élevaient à 26,4 milliards de dollars en 2009] concernent le marché américain [qui arrive loin derrière ceux de l’Europe et des pays arabes] quand 5% des importations proviennent des États-Unis. Mais dans le demaine militaire, et depuis les accords de Camp David, signés en 1979, Le Caire reçoit de Washington une aide annuelle de 1,5 milliard de dollars, en grande partie pour financer l’acquisition d’équipements militaires fabriqués outre-Atlantique.

Jusqu’à présent, cette aide n’a nullement empêché l’Égypte de se tourner vers la Chine et la Russie pour équiper ses armées. Et, l’an passé, la signature d’un contrat portant sur la livraison d’une vingtaine d’avions Su-35 aux forces aériennes égyptiennes fut indirectement confirmée la publication d’un avis de marché émis par les autorités russes. Et cinq exemplaires auraient ensuite été livrés au Caire, si l’on en croit le World Air Forces 2021, publié par le magazine Flight Global. Ce qui n’a pas été confirmé pour le moment.

Pourtant, les États-Unis avaient agité la menace de sanctions, au titre de la loi CAATSA… Et affirmé que l’achat de Su-35 mettrait en péril l’interopérabilité avec leurs forces ainsi qu’avec celles de l’Otan. Alors que la commande est en passe d’être exécutée [ou qu’elle a commencé à l’être], le nouveau chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est revenu à la charge, lors d’un entretien avec Sameh Choukri, son homologue égyptien.

Ainsi, selon le compte-rendu de l’échange publié par le département d’État, les deux responsables ont « l’importance du partenariat solide entre les États-Unis et l’Égypte, en particulier dans le domaine de la sécurité et de la coopération anti-terroriste. »

Mais M. Blinken n’a pas manqué d’exprimer ses « préoccupations au sujet des droits de l’homme » qui seront au « coeur des relations bilatérales » entre Washington et Le Caire, et de « le potentiel achat par l’Égypte d’avions de combat Su-35 à la Russie. »

Ce point sur les Su-35 n’a pas été relevé dans le communiqué publié par le ministère égyptien des Affaires étrangères pour faire état de cet échange entre Mm. Blinken et Choukri, le texte indiquant seulement que ces derniers ont « souligné le partenariat historique » entre les États-Unis et l’Égypte, lequel est « basé sur le respect mutuel, l’intérêt commun et le développement des relations dans tous les domaines. »

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