En 2020, l’armée de l’Air et de l’Espace a mis le paquet au Sahel

Lors du sommet de Pau, en janvier 2020, il fut décidé par la France et les pays du G5 Sahel [Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie et Tchad] de porter le fer dans la région dites des trois frontières [c’est à dire le Liptako-Gourma] contre l’État islamique au grand Sahara [EIGS], qui venait d’y revendiquer une série d’attaques particulièrement meutrières contre les forces maliennes et nigériennes. Ce qui s’est traduit par un renforcement de Barkhane, avec l’envoi de 600 militaires de plus, soit l’équivalent d’un groupement tactique.

Cette posture a permis de dégrader significativement les capacités de l’EIGS à lancer des attaques de grande ampleur et de porter des coups au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM], l’autre organisation jihadiste sahélienne, liée à al-Qaïda, avec l’élimination de plusieurs de ses cadres de premier plan.

Début février, l’État-major des armées [EMA] a donné un bilan des opérations terrestres de Barkhane, en faisant état de 128 actions de combat effectuées, soit 23 de plus par rapport à l’année précédente. Si l’activité au sol s’est accentuée, il en est allé évidemment de même dans les airs, mais avec des moyens quasiment identiques, avec notamment 7 chasseurs-bombardiers Mirage 2000D et 3 drones MQ-9 Reaper. Le seul changement aura été le remplacement, à Niamey, de l’avion de transport Transall C-160 par un C-130J Hercules.

Selon la rétrospective de l’année 2020 que vient de publier le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes [CDAOA], les Mirage 2000D de la 3e Escadre de chasse ont ainsi assuré 4 sorties par jour en moyenne au-dessus du Sahel [soit 1.460 au total], ce qui s’est traduit par 5.387 heures de vol.

Par rapport aux années précédentes, les sorties « chasse » auront été moins nombreuses [1620 en moyenne] mais visiblement plus longues. En témoignent les 613 missions de ravitaillement en vol assurées par les deux C-135, au cours desquelles ces derniers ont délivré 9.196 tonnes de carburant, soit 213 sorties et 3.396 tonnes de carburant de plus qu’en 2019.

Au cours de leurs missions, les Mirage 2000D ont sécurisé 40 convois [contre 7 l’année précédente] et largué 206 munitions au total, soit 148% de plus qu’en 2019 [83 munitions tirées]. Cependant, le CDAOA ne donne pas le nombre de frappes effectuées par les MQ-9 Reaper, dont il est dit par ailleurs qu’il a été significatif.

Ainsi, selon le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [aAE], le général Philippe Lavigne, « près de 40 frappes » avaient été effectuées par les drones entre janvier et octobre 2020. Ce serait donc au moins 246 munitions qui auraient été tirées, soit 196% de plus par rapport à l’année précédente.

« L’arrivée des drones armés modifie notre capacité », avait souligné le le général Stéphane Mille, sous-chef « Opérations » [SCOPS] à l’État-major des armées, lors d’une audition parlementaire, en décembre. « Il s’agit principalement de drones d’observation, armés pour saisir des opportunités fugaces. Nous ne disposions pas de cette possibilité jusqu’à présent. […] Dès lors que le drone peut rester pour observer et qu’on a le temps d’envoyer les Mirage 2000D, ce mode d’engagement est préférentiel. Car le drone permet à la fois d’ouvrir le feu et d’en surveiller les effets. Son autonomie est un paramètre important pour le maintenir sur la zone. Si une opportunité se présente et qu’elle est fugace, le fait qu’il soit armé est intéressant », avait-il expliqué.

Au total, les trois Reaper ont effectué 590 sorties, soit 7.552 heures de vol. Dans le même temps, le CDAOA fait état de 5 à 6 vols quotidiens dédiés au renseignement, soit 13.966 heures de vol, tous moyens aériens confondus. Par rapport à 2019, le nombre de missions ISR [renseignement, surveillance, reconnnaissance] aura été supérieur de 30% en 2020.

L’activité des drones n’en a donc représenté qu’un peu plus de la moitié, ce qui veut probablement dire des avions ISR légers, les Mirage 2000D et au moins un Transall C-160 Gabriel ont été plus sollicités qu’auparavant pour ce type de mission. À noter que les chiffres du CDAOA ne prennent pas en compte l’apport de l’aéronautique navale, qui déploie ponctuellement au Sahel l’un de ses avions de patrouille maritime Atlantique 2.

Par ailleurs, l’arrivée du C-130J Hercules sur le théâtre ainsi que l’envoi ponctuel d’avions A400M Atlas ont permis d’accroître significativement la capacité de livraison par air. Ainsi, 31 ont été réalisées en 2020, ce qui s’est traduit par deux fois plus de tonnes de fret livrées [369 tonnes].

Enfin, curieusement, étant donné les renforts envoyés, le nombre de personnes transportées au Sahel par des avions de l’armée de l’Air & de l’Espace aura été moins important en 2020 [35.996 contre 40.700]. En revanche, la quantité de fret acheminée l’aura été davantage [2.655 tonnes contre 1.970].

Même chose pour le transport inter-théâtre, où les moyens aériens mis à la disposition de Barkhane par les États-Unis, l’Espagne, l’Allemagne et le Canada auront permis de transporter 14.445 personnes et 1.650 tonnes de fret. Des chiffres à comparer aux 22.684 personnes et aux 4.858 tonnes de fret transportés par les Casa CN-235, C-130J Hercules, C-130H Hercules et autres A400M de l’armée de l’Air & de l’Espace.

Photo : EMA

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