Décès du médecin-colonel Jacques Gindrey, ancien résistant et chirurgien de l’impossible à Dien Bien Phu

Pendant 57 jours et 57 nuits, au fond d’un boyau obscur, dans la boue et sous les tirs de l’artillerie vietminh, il aura soigné et opéré les soldats blessés de Dien Bien Phu : le médecin-colonel Jacques Gindrey s’en est allé en ce début de mois de février. Ses obsèques viennent d’être célébrées dans l’intimité, a annoncé sa famille.

Né le 23 février 1927 à Thorey-sous-Charny [Côte d’Or], Jacques Gindrey rejoint l’une des six Écoles militaires préparatoires [c’est à dire les enfants de troupe] après l’école primaire. Puis survient la guerre. Élève de seconde à l’École Militaire Préparatoire d’Autun, il suit les pérégrinations de cette dernière, qui finit par s’installer à Valence [Drôme] puis, en septembre 1943, au camp de Thol, dans l’Ain, où était stationné le 10ème Bataillon de chasseurs à pieds.

En mai 1944, une cinquantaine d’élèves, encouragés par certains de leurs professeurs, prennent le maquis et constituent le « camp d’Autun », commandé par l’aspirant Signori, dit « Mazaud ». Et Jacques Gindrey, qui rongeait son frein depuis plusieurs mois, est l’un d’eux. Le 6 juin, les jeunes maquisards sabotent 52 locomotives en gare d’Ambérieu.

Seulement, le 10 juillet, lors d’une opération allemande sur l’axe Neuville-sur-Ain/Cerdon/Maillat, cinq élèves seront tués et cinq autres blessés, dans Jacques Gindrey, gravement touché aux jambes. Avec un de ses camarades, il est hospitalisé à Nantua puis à Bourg-en-Bresse, dans l’attente d’être jugé. Mais il n’y aura pas de procès. Grâce au médecin-colonel Manchet, qui falsifie les courbes de températures, les deux jeunes hommes resteront alités jusqu’à la libération.

Après la guerre, Jacques Gindrey retrouve son école [les élèves maquisards qui en avaient été exclus sont réintégrés sur l’ordre du général de Gaulle]. Puis, après un passage au Prytanée, il décide de rejoindre l’École du Service de Santé Militaire [ESSM] de Lyon. Après un stage à l’école de médecine tropicale du Pharo, à Marseille, il embarque pour l’Indochine, à l’automne 1953. Sans tarder, et après avoir exercé à l’hôpital Grall, le 17 février 1954, il est affecté à l’antenne chirurgicale mobile [ACM] 44 du médecin-commandant Paul-Henri Grauwin à Dien Bien Phu. Soit un mois avant le début d’une bataille qui durera 57 jours.

L’afflux massif des blessés qu’on ne peut plus évacuer [tout ce qui portait une croix rouge était systèmatiquement visé, racontera le médecin-colonel Hantz, qui nous a quittés en janvier] et qu’il faut « trier », la boue jusqu’aux chevilles, le manque de médicaments et d’équipements médicaux, le fracas des combats avec le risque permanent d’être soufflé par un obus… Les médecins et les infirmiers de Dien Bien Phu auront tenté l’impossible, effectuant des gestes opératoires avec les moyens du bord.

Après la chute du camp retranché, 858 grands blessés purent être évacués… Sur les 10.000 survivants qui connurent les camps de « rééducation » vietminh, seulement 2.500 survivront aux privations et mauvais traitement imposés par les « canbô » [commissaires politiques] ainsi qu’aux maladies [qui en étaient souvent les conséquences]. Et Jacques Gindrey en fera partie. « La guerre est une ignominie. La pire des choses », dira-t-il.

Après l’Indochine, il poursuivra sa carrière de médecin militaire en Algérie et à Madagascar. Puis, ayant quitté l’uniforme, il entamera une seconde vie à la Clinique Notre-Dame de Vire, où il exercera la chirurgie réparatrice entre 1971 et 1989. Dans le même temps, il s’occupera de bonnes oeuvres, en fondant, à Vire, l’association « Entraide et Solidarités », pour venir en aide aux chômeurs.

Caporal d’honneur de la Légion Étrangère, le médecin colonel Jacques Gindrey était commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur et officier dans l’ordre national du Mérite. Il était également titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de bronze, de la Croix de guerre des TOE avec palmes et de la Croix du combattant volontaire de la Résistance.

Photo : Illustration © ECPAD

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