L’Iran et la Corée du Nord sont soupçonnés d’avoir repris leur coopération dans le domaine des missiles

Le 1er février, le ministère iranien de la Défense a annoncé la réussite du premier lancement de « Zoljanah », une fusée de trois étages [deux à propulsion solide et un à propulsion solide], capable de placer une charge utile de 220 kg sur une orbite située à 500 kilomètres d’altitude.

Ce succès aura été le second obtenu en moins d’un an par l’Iran dans ce domaine. En effet, en avril 2020, une fusée Qassed, dotée d’une propulsion reposant sur le même principe que celle du lanceur Zoljanah, avait mis sur orbite le satellite « Noor ». Le lancement avait été supervisé par le Corps des Gardiens de la révolution [IRCG].

Ces deux succès consécutifs tranchent avec la série noire que le programme iranien a connue durant ces dernières années. Entre 2008 et 2019, ce dernier avait connu un taux d’échec de 67%, soit un taux anormalement élevé par rapport à la moyenne mondiale, qui est de 5%. Et le dernier tir réussi avant les deux derniers avait été réalisé en février 2015, pour mettre en orbite le satellite expérimental d’observation Fajr, lequel resta seulement 28 jours dans l’espace.

Pour expliquer ces échecs récurrents en matière de lanceurs, dont la technologie sert également la conception de missiles balistiques, le New York Times avait avancé la piste de sabotages, via un programme lancée à l’époque de l’administration Bush et repris par ses sucesseurs. L’idée était alors de perturber la chaîne d’approvisionnement de l’industrie spatiale iranienne en y introduisant des composants défectueux.

Cela étant, les activités spatiales ne tolèrent aucun manquement à la rigueur et à la précision. Une simple soudure mal faite conduit à l’échec. De même que, évidemment, une mauvaise conception. Cependant, dans le domaine des missiles, l’Iran ne connaît pas de tels soucis en matière de fiabilité… Ce qui pose des questions.

En tout cas, les succès des lanceurs « Qassed » et « Zoljanah » montrent que les ingénieurs iraniens ont fait des progrès. Ont-ils reçu une aide extérieure pour cela? Possible, à en croire le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies chargé de suivre les sanctions prises contre la Corée du Nord pour ses activités nucléaires et balistiques.

Selon l’AFP, qui a eu accès à ce document [il n’a pas encore été rendu public, ndlr], l’Iran et la Corée du Nord auraient repris, l’an passé, leur coopération en matière des missiles balistiques, et donc, indirectement, dans le domaine spatial.

« Le groupe a continué d’enquêter sur les allégations concernant la coopération entre la Corée du Nord et l’Iran en matière de missiles balistiques. […] Selon un État membre, la Corée du Nord et l’Iran ont repris leur coopération sur des projets de développement de missiles à longue portée. Cette reprise de la coopération aurait inclus le transfert de pièces essentielles, l’expédition la plus récente associée à cette relation ayant eu lieu en 2020 », ont écrit les experts de l’ONU.

Cependant, dans une réponse faite le 21 décembre 2021 au groupe d’experts, l’Iran a démenti la reprise de cette coopération. Et d’avancer que de « fausses informations et des données fabriquées peuvent avoir été utilisées dans les enquêtes. »

Reste qu’une telle coopération, si elle est effecivement confirmée, n’aurait rien de nouveau. Dans un note diplomatique rédigée en 2007 et diffusée trois ans plus tard par WikiLeaks, Condoleeza Rice, alors secrétaire d’État, avait fait état de la livraison par la Corée du Nord de composants de missiles à l’Iran, via la Chine. Et un autre télégramme diplomatique, cité par le New York Times [mais non publié à la demande de l’administration Obama] s’inquiétait de la fourniture par Pyongyang à Téhéran du missile BM-25, d’une portée de 3.000 à 4.000 km.

Ces soupçons américains furent par repris en partie par le groupe d’experts des Nations unies en 2011. « On soupçonne que des éléments frappés d’interdiction et liés aux missiles balistiques ont fait l’objet de transferts entre la Corée du Nord et la République islamique d’Iran, par des vols réguliers d’Air Koryo et d’Iran Air », avait-il dit, à l’époque. Ce qui fut vivement démenti par Téhéran. « Notre niveau technologique est tel que nous n’avons pas besoin de la technologie ou des pièces d’autres pays en matière de missiles », avait réagi un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères…

Quoi qu’il en soit, la virage diplomatique pris par la Corée du Nord en 2018 n’aura visiblement servi qu’à leurrer ceux qui demandaient à l’être…

« Au cours de la période considérée, la Corée du Nord a maintenu et développé ses programmes nucléaires et de missiles balistiques, en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU », avance le groupe d’experts, lequel rappelle que Pyongyang a annoncé, l’an passé, « préparer des essais et la production de nouvelles têtes de missiles balistiques et le développement d’armes nucléaires tactiques. »

En outre, poursuivent-ils, la Corée du Nord « a produit des matières fissiles, entretient des installations nucléaires et modernise son infrastructure de missiles balistiques » tout en continuant « à rechercher du matériel et de la technologie pour ces programmes à l’étranger. » Et donc, en violant les sanctions qui lui sont théoriquement appliquées.

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