Défense : « Il faudra un jour penser à un avion spatial », insiste Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation

Dans les années 1960, les États-Unis et l’URSS avaient l’ambiton de développer des avions « spatiaux », mais selon des approches différentes. Ainsi, le X-20 « Dyna-Soar » américain devait être en mesure d’effectuer des missions de reconnaissance, de bombardement et de sabotage de satellites ennemis. Mais ce projet, très coûteux, fut abandonné alors que le premier prototype était en construction. Côté soviétique, il était question de développer le MiG-105 « Spiral ». Si ce dernier est allé un peu plus loin que son concurrent d’outre-Atlantique, il connut un sort identique.

Depuis, les États-Unis ont mis au point le drone spatial X-37B, qui est en réalité une « mini-navette » sans équipage. Officiellement, cet engin sert à réaliser des expériences en orbite. Mais, en 2019, il fut rapporté que l’US Air Force envisageait de le rendre interopérable avec ses avions de 5e génération [F-22 et F-35] afin de donner à ces dernier la capacité d’opérer dans tous les domaines, y compris, donc, l’espace.

En Russie, le MiG-41, appelé à succéder à l’intercepteur MiG-31, pourrait avoir, dit-on, une capacité « spatiale », sans qu’elle soit précisée. A priori, il s’agirait de faire en sorte qu’il soit en mesure de neutraliser des satellites, des drones spatiaux comme le X-37B ou bien encore des planeurs hypersoniques, lancés par des missiles balistiques.

En novembre 2018, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, avait évoqué l’intérêt qu’il portait à un « avion spatial », lors d’une conférence donnée devant l’association des Centraliens.

« Qui contrôle l’espace, contrôlera ce qu’il y a en dessous. Il faudra être dans l’espace avec très certainement des avions spatiaux à un horizon de 15 à 20 ans », avait affirmé M. Trappier, selon des propos rapportés à l’époque par l’Usine nouvelle. Et d’ajouter : « Si on manoeuvre dans l’espace, Dassault a une brique par ses compétences à apporter à quelque maître d’oeuvre que ce soit. »

Dans un entretien donné au quotidien « Les Échos », le 5 février, le Pdg de Dassault Aviation est revenu à la charge sur ce sujet, alors qu’il était interrogé sur l’avion de combat du futur.

« Ce qui fait la force d’un avion de combat, c’est d’être capable de détecter et de tirer en premier. Cela suppose d’être soi-même le plus discret possible et de voir plus loin que l’adversaire, notamment face à des défenses antiaériennes de plus en plus performantes. Et tout cela en connexion permanente avec les différentes composantes militaires, ainsi qu’avec les autorités, qui doivent savoir ce qui se passe avant de donner l’ordre de tirer », a d’abord résumé M. Trappier.

« Mais si on se projette, a-t-il poursuivi, cela suppose une ambition spatiale. Et là, il faudra un jour penser à un avion spatial. »

Qu’entend M. Trappier par « avion spatial »? S’agit-il d’un appareil piloté, pouvant décoller, aller dans l’espace, et revenir sur terre? Ou bien un drone spatial comme le X-37B américain?

Dans le premier cas, les lois de la physique [et de la thermodynamique] étant ce qu’elles sont, les défis techniques sont immenses. Cependant, rien n’est impossible : parallèlement au projet d’avion de combat Tempest, une entreprise britannique, Reaction Engines, développe le moteur SABRE [Synergetic Air-Breathing Rocket Engine] qui, s’il tient ses promesses, pourrait révolutionner à la fois l’accès à l’espace et le vol à grande vitesse.

En revanche, s’il s’agit d’un drone spatial, un tel projet a récemment été évoqué par les députés Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot, dans un rapport sur l’avenir de la Base industrielle et technologique de défense [BITD]. S’étant fait les « avocats » du Commandement de l’Espace [CdE], ils avaient proposé de profiter du plan de relance de l’économie pour doter l’armée de l’Air & de l’Espace de « navettes spatiales du type X-37B américain. »

En attendant, Dassault Aviation a quelques arguments à faire valoir, notamment avec son VEHRA [Véhicule hypersonique réutilisable aéroporté]. Seulement, aucun crédit n’est prévu pour le moment pour que le souhait de M. Trappier se concrétise…

Photo : Dassault Aviation

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