L’Otan fait face à un « véritable dilemme » en Afghanistan

Quand on a beaucoup investi et que les éventuels gains sont minces ou tardent à venir, que faut-il faire? Arrêter les frais ou remettre la main au pot, en espérant que cela finisse par payer? Telle est la question à laquelle doit répondre l’Otan au sujet de son engagement en Afghanistan.

En 2017, le président Trump avait décidé d’envoyer des renforts en Afghanistan, tout en mettant la pression sur le Pakistan, accusé de soutenir les insurgés afghans. « Mon instinct initial était de se retirer […] mais les décisions sont très différentes lorsque vous êtes dans le Bureau ovale », avait-il dit à l’époque. Puis, des négociations avec le mouvement taleb furent lancées… Ce qui déboucha sur un accord, signé en février 2020, à Doha.

Dans les grandes lignes, en échange d’un retrait progressif des forces américaines du pays [et donc de celles de la mission Resolute Support de l’Otan], les taliban s’engageaient à négocier avec les autorités afghanes et à empêcher le retour des organisations jihadistes dans les régions passées sous leur contrôle.

Depuis, à la fin de son mandat, M. Trump a accéléré le retrait des troupes américaines, laissant seulement 2.500 soldats en Afghanistan. Et si l’on s’en tient aux termes de l’accord trouvé à Doha, ces derniers devront avoir quitté ce pays d’ici mai 2021.

Seulement, le nombre des violences est parti nettement à la hausse, si l’on s’en fie aux rapports des Nations unies. Quant à la présence jihadiste en Afghanistan, la mort d’Abu Muhsin Al-Misri [alias Husam Abd-al-Ra’uf], un cadre de haut rang d’al-Qaida dans le sous-continent indien tué en septembre 2020 par les forces de sécurité afghane, nourrit le soupçon au sujet des intentions du mouvement taleb.

Le 28 janvier, dans la droite ligne des déclarations faites par plusieurs responsables de l’administration Biden, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré que « les taliban n’ont n’ont pas respecté leurs engagements » et que, en conséquence, des « discussions » avec les alliés et partenaires des États-Unis allaient « prendre les meilleures décisions pour l’avenir de la présence […] en Afghanistan. » Et d’insister : « Tant qu’ils [les taliban] ne respectent pas leur engagement à renoncer au terrorisme et à mettre un terme aux attaques violentes contre l’armée afghane […], il est très difficile de voir comment parvenir à un règlement négocié. »

Alors, arrêter les frais ou continuer? Ce 4 février, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, a évoqué un « véritable dilemme » en Afghanistan.

« Nous sommes confrontés à un véritable dilemme : soit partir, comme le prévoit l’accord entre les États-Unis et les talibans, soit rester », a en effet déclaré M. Stoltenberg, lors d’une conférence de presse donnée au côté d’Alexander De Croo, le Premier ministre belge, dont les forces armées disposent de 70 soldats en Afghanistan.

« Il y aura des coûts et des défis, quelle que soit notre décision […] Nous évaluerons cela très attentivement, et nous vérifierons si les taliban respectent leurs engagements », a continué le secrétaire général de l’Otan.

D’un côté, a-t-il dit, « si nous décidons de partir, nous risquons de mettre en péril le processus de paix, nous risquons de perdre les acquis de la lutte contre le terrorisme international de ces dernières années et nous risquons que l’Afghanistan redevienne un refuge pour les terroristes internationaux. » Et, de l’autre, a-t-il continué, « si nous décidons de rester, nous risquons de continuer à participer à une opération militaire difficile en Afghanistan et nous risquons d’accroître la violence, y compris à l’encontre des troupes de l’Otan. »

Cela étant « quoi que nous décidions, nous devons le faire ensemble » a conclu M. Stoltenberg. La question sera au menu de la prochaine réunion des ministres de la Défense des trente pays de l’Otan, les 16 et 17 février prochains.

Photo : Resolute Support / Otan

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