Un coup de force contre un territoire français d’outre-Mer n’est plus exclu par la Marine nationale

En mars 2020, l’Institut français des relations internationales [IFRI] publia une étude sur le dispositif militaire français dans les départements et collectivités d’outre-Mer. Et il constata que ce dernier, amoindri par plus d’une décennie de coupes budgétaires et d’ajustements capacitaires [avec une réduction de 25% des effectifs], connaissait une « tension importante sur des moyens ‘taillés au plus juste’. »

Ce qui, avec les tendances actuelles [déshinibition de l’usage de la force, contestation du droit international, affirmation de puissance, etc], pourrait être lourd de conséquences. « Des zones jusqu’alors hors de portée de toute menace conventionnelle, comme la Polynésie française, par exemple, ne seront à l’avenir plus aussi isolées qu’auparavant. Cet enjeu pose à terme la question des moyens français de protection de l’ensemble du territoire, y compris ultra-marin, et le cas échéant de l’émergence d’une propre stratégie nationale de déni d’accès », soulignait ainsi l’IFRI.

Ce point a été abordé dans la Revue stratégique actualiée, publiée le mois dernier. « En matière de résilience, la situation géographique de nos DROM-COM n’est pas neutre. La crise sanitaire a montré la réalité de la continuité stratégique entre la métropole et nos territoires ultramarins et le besoin de réassurance face aux prédations et à la manipulation d’informations », y lit-on. Et de suggérer de reconfigurer les forces de présence et de souveraineté « afin de pouvoir accueillir dans la durée et sous faible préavis, des détachements déployés en renfort depuis la métropole. »

Aussi, quand la Marine nationale n’exclut pas un « retour de la confrontation en mer », c’est, a priori, à un éventuel coup de force contre des territoires français ultra-marins qu’elle songe en premier lieu. Du moins, c’est ce que l’on comprend des propos tenus par son chef d’état-major [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, dans les colonnes de Mer&Marine.

« Des affrontements violents en mer son possibles, y compris de la part d’adversaires qui pourraient agir de manière à défier notre détermination et tester l’articulation de notre capacité de réponse conventionnelle sous le seuil nucléaire », a commencé par relever le CEMM. Et d’ajouter : « Je pense par exemple à un conflit de type Malouines, où au cœur de la Guerre froide [en 1982, ndlr], l’Argentine a cru pouvoir s’emparer des possessions britanniques dans l’Atlantique sud », ce qui s’est réglé de « façon conventionnelle », avec une Royal Navy ayant perdu « plus d’une dizaine de bâtiments de surface. [*] »

Un tel scénario est-il désormais envisageable? L’amiral Vandier ne l’écarte pas. « De la même manière, on pourrait imaginer à l’avenir une tentative d’éviction de la France de certaines régions du monde, notamment celles où nous avons des territoires. Nous devons pouvoir décourager et si nécessaire empêcher de telles initiatives », a-t-il dit. Et si, autrefois, le pavillon était considéré comme suffisant, ce « n’est plus suffisant » aujourd’hui, a-t-il ajouté. « Nous devons avoir des équipements répondant à la hausse du niveau de menace », a-t-il insisté.

Ce qui passe par la nécessité de combler les retards capacitaires de la Marine nationale dans certains domaines. Et d’accélérer, comme le prévoit la dernière mouture du plan stratégique Mercator. « On récolte ce que l’on a semé. Pour des questions budgétaires les nouvelles capacités ont été échelonnées dans le temps et nous prenons aujourd’hui livraison des matériels d’il y a dix ans. C’est-à-dire que nous mettons en service la génération d’avant », a fait observer l’amiral Vandier.

L’un des domaines cités par le CEMM qui doit être prioritaire est celui de la maîtrise des fonds marins, c’est à dire de la protection des câbles sous-marins, par lesquels transitent 90% des échanges Internet. « Nous devons donc être en mesure de faire face au développement d’une guerre sous-marine hybride, qui n’implique plus seulement des sous-marins, mais aussi des actions potentielles de sabotage et d’espionnage des équipements installés au fond de la mer », a-t-il ainsi expliqué.

[*] 2 contre-torpilleurs, 2 frégates, 1 porte-conteneurs, 1 barge de débarquement de chars, 1 LCU

Photo : frégate de surveillance Floréal © Marine nationale

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