L’accumulation des normes de droit risque de réduire l’aptitude à l’engagement des forces françaises

Le métier des armes étant singulier, les militaires sont soumis à des règles ainsi qu’à des obligations particulières, ce qui fait leurs droits sont différents de ceux dont bénéficient les civils. En clair, la loi ne s’applique en théorie pas de la même façon pour un soldat dans l’exercice de ses fonctions que pour le reste des citoyens français. D’où, d’ailleurs, l’existence d’un « statut général des militaires ».

Pour autant, il est arrivé, par le passé, que ce statut soit remis en cause par de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires, comme, par exemple, la directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail.

Si la France fit valoir que ce texte ne pouvait pas s’appliquer aux militaires, la Cour de justice de l’Union européenne en décida autrement, estimant que les « dérogations ne sont pas applicables à des corps ou à des secteurs dans leur globalité, comme les forces armées ou la police, mais seulement à certaines des missions qu’ils assument. » Pour le moment, cette affaire est toujours en cours.

En outre, d’autres domaines font l’objet de nouvelles normes qui s’appliquent directement ou indirectement aux armées. Telle est le cas de la norme européenne REACH [Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals], laquelle réglemente la composition chimique de certaines poudres et prohibe certains composants. Ce qui contraint la Marine nationale à lancer un programme de remotorisation de certains de ses missiles, pour un coût évalué à 480 millions d’euros, selon un rapport parlementaire publié en novembre 2019.

D’autres normes et réglementations concernent l’environnement, le numérique, le social, etc… En 2013, l’ancien ministre Benoist Apparu avait confié dans les colonnes de L’Express que la norme la plus improbable dont il avait entendu parler consistait à « construire des quais pour que les handicapés puissent acceder au char Leclerc ».

La Revue stratégique actualisée, publiée cette semaine [.pdf], a mis en garde contre l’application de ce « droit positif » [ensemble des règles de droit effectivement en vigueur dans un État ou un ensemble d’États, ndlr] sans prendre en compte la singularité militaire.

« Les armées […] sont de façon croissante assujetties à des normes de droit qui ignorent parfois la singularité du métier militaire », lit-on dans ce document. Or, cette « contrainte normative appliquée sans distinction aux activités ordinaires comme aux activités opérationnelles ou d’entraînement au combat risque à terme de réduire notre aptitude à l’engagement », prévient-il.

Aussi, les rédacteurs de cette Revue stratégie actualisée estiment nécesaire que le « droit positif appliqué aux armées soit adapté de façon nécessaire et proportionnée, afin de leur permettre de remplir leurs missiosn en toutes circonstances. »

Et d’insister : « Le respect des enjeux de défense doit donc être bien pris en compte dans l’ensemble des instances nationales ou européennes qui définissent le cadre normatif dans une multitude de domaines [droit du travail, code de l’environnement, droit social, droit du numérique et des données…]. »

Au vu des difficultés relative à la directive européenne sur le temps de travail, pour ne prendre que ce seul exemple, il n’est pas acquis que cette préoccupation soit partagée par tout le monde…

Photo : Ministère des Armées

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]