Selon le président Macron, les aviateurs français ont intercepté « 19 raids de bombardiers étrangers » en 2020

Avec la pandémie de covid-19, avec 1,8 milliard de passagers transportés [contre 4,5 milliards en 2019], le trafic aérien mondial a chuté l’an passé, pour retrouver le niveau qui était le sien en 2003, année marquée, déjà, par l’épidémie de pneumonie atypique [SRAS]. Pour autant, en ce qui concerne la France, les interventions des aéronefs de l’armée de l’Air & de l’Espace pour répondre à des « situations anormales » dans l’espace aérien national auront, a priori, été plus nombreuses.

Selon les deux derniers bilans du Commandement de la Défense aérienne et des Opérations Aériennes [CDAOA], il avait été compté 149 interventions en 2018 et 210 autres en 2019. Lors de ses voeux aux Armées, le 19 janvier, à Brest, le président Macron a fait état d’une hausse sensible puisque, selon le chiffre qu’il a avancé, autant d’interventions ont été réalisées par les aéronefs de l’armée de l’Air & de l’Espace [avions de chasse et hélicoptères] en 2020 que pendant les deux précédentes années réunies. Ce qui fait une augmentation d’environ 68%.

En 2020, « les aéronefs de l’armée de l’Air & de l’Espace ont décollé 354 fois sur cas réel pour la protection de notre espace aérien. Et donc de nos concitoyens. C’est dire si cette mission requiert une attention de chaque instant », a en effet affirmé le chef de l’État.

Dans ses bilans, le CDAOA parle d »anomalie » ou de « situations anormales », qui sont souvent causées par des pertes de contact radio entre un aéronef et le contrôle aérien. Toutes ne nécessitent pas un décollage sur alerte. Ainsi, en 2018, sur les 298 constatés, les avions affectés à la posture permanente de sûreté aérienne avaient décollé à 88 reprises [les hélicoptères Fennec MASA avaient réalisés 61 intervention].

Cela étant, devant les députés, début octobre, le général Philippe Lavigne, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], avait donné, pour les dix premiers mois de l’année 2020, le chiffre de « 305 décollages sur alerte de nos chasseurs et hélicoptères Fennec […] réalisés pour des pertes de contact radio, des confirmations d’identité, des pénétrations de zones interdites et des assistances en vol. »

« Les dispositifs particuliers de sécurité aérienne ont aussi été déployés », a ensuite poursuivi le président Macron. Et d’avancer que « 162 violations d’espaces aériens interdits ont été contrés. » Ce qui tout de même beaucoup…

En France, l’espace aérien compte des zones réglementées, classées en trois catégories : les zones D peuvent présenter un danger permanent ou temporaire, les zones R concernent celles où évoluent les avions militaires en exercice et les zones P, qui couvrent certains sites industriels et les terrains sensibles, sont interdites de survol en permanence.

Parfois, il arrive qu’un pilote civil non professionnel s’aventure au-dessus de telles zones prohibées. En août dernier, l’un d’eux, intercepté par un Mirage 2000-5 de l’escadron 1/2 Cigognes, a été contraint à se poser sur l’aérodrome de Nevers-Fouchambault. À cette occasion, l’armée de l’Air & de l’Espace avait rappelé que « survoler , par maladresse ou négligence, une zone du territoire français en violation d’une interdiction prononcée dans les conditions prévues par la loi est passible de six mois d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende. »

Mais le président Macron a donné un autre chiffre, qui paraît également élevé. Ainsi, selon lui, « 19 raids de bombardiers étrangers à long rayon d’action ont été interceptés » par l’armée de l’Air & de l’Espace en 2020.

En règle générale, de telles interceptions ne passent pas inaperçues, surtout quand il s’agit de bombardiers stratégiques russes Tu-160  » Blackjack ». Cela étant, la Royal Air Force communique régulièrement sur de telles actions, ce qui n’est pas toujours le cas du ministère des Armées…

Il n’est pas clair si ces bombardiers étrangers, que l’on présume russes [la Russie en dispose, comme les États-Unis… mais les bombardiers américains sont accompagnés dans le cadre d’exercices, ndlr] ont été interceptés près de l’espace aérien français… ou s’ils l’ont été lors de la mission Enhanced Air Policing, conduite par l’Otan au profit des pays baltes. Pour rappel, quatre Mirage 2000-5 de l’EC 1/2 Cigognes ont été déployés de mai à septembre en Estonie, où ils ont assuré 479 sorties pour 684 heures de vols.

Quoi qu’il en soit, lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale, le général Lavigne avait laissé entendre que l’activité des bombardiers russes aux abords de l’espace aérien français s’étaient intensifiée, évoquant une « désinhibition. »

« Dans cette désinhibition, nous assistons aussi – ce point est important – à une démonstration stratégique des grandes puissances : les États-Unis déploient des Bomber Task Force de B-2 et B-52, en Grande-Bretagne ou aux Açores. Des bombardiers russes de type Tu-160 ou Tu-142 [qui est un avion de patrouille maritime, ndlr] s’approchent de l’espace aérien de l’Otan en mer Baltique et en mer du Nord », avait dit le général Lavigne.

Et d’ajouter : « Notre espace aérien national est certes moins saturé depuis le début de la crise covid, mais il fait l’objet d’une surveillance accrue : outre ces aéronefs russes, à long rayon d’action, qui approchent nos côtes et sont surveillés, voire interceptés en coopération avec les pays européens, nous intervenons sur des avions de tourisme en infraction ou en détresse. »

Par ailleurs, les approches maritimes françaises font également l’objet d’un intérêt particulier des sous-marins étrangers. « Naturellement, partout, et notamment en Atlantique, nos intérêts, comme nos droits souverains en mer, ont été défendus », a lancé Emmanuel Macron lors de ses voeux aux Armées. « À l’instant où je parle, une frégate tient l’alerte anti-sous-marins. Alerte qui a encore largement trouvé à s’illustrer tout au long de l’année écoulée », a-t-il dit, se gardant de toute précision.

Photo : © armée de l’Air & de l’Espace

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