Selon l’EMA, la force française Barkhane a neutralisé « plusieurs dizaines de jihadistes » près de Boulikessi
S’il faut toujours être prudent avec un sondage, celui publié par Le Point, le 11 janvier, marque sans doute une inflexion dans la perception qu’a l’opinion publique de l’opération Barkhane, au Sahel. Ainsi, selon cette enquête réalisée après les deux attaques ayant coûté la vie à cinq militaires français, 51% des personnes interrogées ont répondu ne pas être favorables à l’intervention française au Mali. Une première depuis 2013 et le début de l’opération Serval.
« Si l’on poursuit dans cette dynamique, l’opération sera de plus en plus difficile à justifier pour l’exécutif dans les mois à venir », estime Jérôme Fourquet, le directeur du département opinions à l’Ifop. Cependant, a-t-il ajouté, « on peut aussi voir le verre à moitié plein. […] Qu’il y ait, huit ans après et avec 50 morts au compteur, encore 49 % des Français qui soutiennent l’opération, ce n’est pas si mauvais que cela. »
Sans doute que l’opinion a du mal à percevoir les enjeux de l’intervention militaire française au Sahel. En outre, en matière de communication, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], pense qu’il est préférable d’insister sur les effets obtenus par Barkhane, comme la capacité à priver l’ennemi de sa liberté de mouvement, la montée en puissance des forces armées locales ou bien encore le retour de l’État malien dans des régions où il était absent, laissant ainsi le champ libre aux groupes armés terroristes [GAT]. Et de mettre également l’accent sur les actions civilo-militaires au profit des population. « L’indicateur de réussite n’est pas le nombre de jihadistes tués », avait-il dit, dans un entretien donné au journal « Le Monde », en juillet 2019.
Certes, le CEMA n’a pas tort sur ce point. Cependant, insister sur les progrès permis par l’intervention française n’empêche pas d’évoquer les pertes infligées à l’ennemi… Faute de quoi, cela est de nature à laisser le sentiment que la force Barkhane reçoit plus de coups qu’elle n’en donne. Ce qui a probablement un effet sur l’opinion. D’ailleurs, les GAT l’ont bien compris, comme le montrent les dernières revendications publiées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM/JNIM] après les dernières attaques contre les militaires français.
Quoi qu’il en soit, chaque semaine, l’État-major des armées [EMA] donne un bilan des opérations dans un « point de situation », sans pour autant entrer dans les détails. Comme cela est le cas pour celui publié le 15 janvier.
Ainsi, six jours plus tôt, au lendemain d’une attaque commise dans la région de Serma [centre de Mali] avec un véhicule piégé [un triporteur, ndlr] contre un Véhicule blindé de combat d’infanterie [VBCI] du 1er Régiment de Tirailleurs [RTir] ayant fait six blessés parmi les militaires français dans la région de Serma [centre du Mali], le Groupement commando de Barkhane est intervenu à nouveau dans le secteur de Boulikessi, visiblement stratégique pour les GAT [et en particulier le GSIM] au regard des opérations qui y ont été menées contre eux ces dernières semaines.
Dans un premier temps, les commandos français ont repéré et identifié un rassemblement de jihadistes à moto [ce qui est généralement le prélude à une attaque…]. Et ils ont ainsi « guidé un aéronef français qui a ainsi pu réaliser une frappe », avance l’EMA, sans donner davantage de précisions sur les moyens engagés [hélicoptère d’attaque Tigre? Mirage 2000? drone?].
Vingt-quatre plus tard, dans la même zone, « se basant sur une manœuvre renseignement », les commandos de Barkhane ont à nouveau repéré un regroupement de jihadistes. Ce qui a donné lieu à un combat au sol, sur lequel l’EMA ne livre pas de détails. Cependant, rapporte l’AFP, son porte-parole, le colonel Frédéric Barbry, a indiqué que, « appuyés par des hélicoptères de reconnaissance et d’attaque », ils « ont pu remporter ce combat et procéder au ratissage de la zone. »
Selon le compte-rendu de l’EMA, ces deux actions ont permis de « neutraliser plusieurs dizaines » de jihadistes et de saisir de l’armement ainsi que des motos.
En novembre, les commandos de Barkhane avaient déjoué une embuscade que s’apprêtait à tendre un GAT à l’occasion de la relève de la garnison malienne de Boulikessi. « Plusieurs » jihadistes avaient été tués lors d’une « intense action de feu. »