La DGA est préoccupée par l’éventuel arrêt de la production de moteurs auxiliaires destinés aux sous-marins

Après la Seconde Guerre Mondiale, l’ingénieur naval allemand Gustav Pielstick, qui travailla notamment sur la propulsion des U-Boot et des croiseurs « Admiral Scheer » et « Admiral Graf Spee », vint s’installer en France. Et, avec le concours du ministère de la Production industrielle et de cinq constructeurs navals français, il fut à l’origine de la Société d’Etudes des Machines Thermiques [S.E.M.T.], dédiée à la mise au point et à la production de moteurs pour la marine.

La nouvelle entreprise, établie à Saint-Nazaire, se fit rapidement une réputation et compta de nombreuses marines militaires parmi ses clients, dont, évidemment, la Marine nationale.

En 1976, Alsthom-Atlantique devint l’actionnaire majoritaire de la S.E.M.T. Puis, onze ans plus tard, les motoristes allemands MAN et MTU s’invitèrent dans son capital. Et elle changea de nom et devint la « S.E.M.T. Pielsick ».

En 2006, MTU céda ses parts à MAN, qui se trouva ainsi seul au commande de la société. La marque « S.E.M.T Pielsick » s’effaça au profit de la dénomination « MAN Diesel & Turbo France SAS », puis, en 2018, de celle « MAN Energy Solution France SAS. » Mais le changement le plus important intervint en 2011, quand le groupe Volskwagen devint le principal actionnaire de MAN SE, avec 53,7% des parts. Depuis, le groupe de Wolfsburg a monté sa participation à 75,73 %.

Ces tribulations capitalistiques n’avaient eu aucun effet, jusqu’à présent, sur l’activité de l’ex-S.E.M.T. Pielsick, qui est stratégique pour la Marine nationale dans la mesure où elle fournit les moteurs diesel de secours de ses sous-marins nucléaires, y compris ceux de la classe Suffren [programme Barracuda]. Et il est question qu’il en soit de même pour les quatre futurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de 3e génération [SNLE3G]. Ces moteurs de secours sont conçus de façon à résister aux fortes pressions… Ce qui en fait des composants bien particuliers.

Seulement, en 2019 le groupe Volkswagen a lancé un plan de restructuration afin de simplifier sa structure. Et il s’est mis en quête d’un repreneur pour MAN Energy Solutions, dont la valeur est estimée à environ 3 milliards d’euros.

Cette cession n’ayant pas pu se faire, MAN Energy Solutions s’est vu infliger une cure drastique par son actionnaire, avec 450 millions d’économies à réaliser d’ici 2023 et la suppression de 2.600 emplois. Et cela passerait par l’arrêt de la production des moteurs de secours destinés aux sous-marins nucléaires et, plus largement, d’un désengagement de la propulsion des navires militaires. Ce qui profiterait au groupe allemand MTU, qui se retrouverait en situation de quasi-monopole sur le segment des moteurs destinés aux sous-marins.

Évidemment, une telle perspective inquiète à la Direction générale de l’armement [DGA], comme le rapporte le quotidien Les Échos dans son édition du 12 janvier.

Aussi, au titre de la supervision du contrôle des acquisitions étrangères en France, le ministère de l’Économie, des Finances eet de la Relance s’est saisi de l’affaire. Et, avance le journal économique, il envisagerait de mettre le groupe Volskwagen en demeure, considérant que ce dernier « ne respecte pas » au moins cinq des engagements qu’il avait pris en septembre 2011, « au moment du rachat de son compatriote MAN, et donc de la filiale de Saint-Nazaire ».

Pour le moment, Man Energy Solutions promis de livrer les moteurs de secours destinés aux cinq prochains SNA de la classe Suffren d’ici 2030… mais refuserait de les garantir au-delà, alors que ces sous-marins resteront en service au moins jusqu’en 2060. Quant à sa participation au programme SNLE 3G, elle serait conditionnée, avance le journal « Les Échos », à la prise en charge par la DGA des frais de développement à hauteur de 25 millions d’euros. Une somme « jugée exorbitante ».

Dans ces conditions, Bercy pourrait exiger la cession de MAN Energy Solution France SAS, afin de sauvegarder les compétences de cette entreprise. Des repreneurs seraient déjà sur les rangs, comme Sénévé Capital, avec l’appui probable de l’État.

Outre la situation de MAN Energy Solution France SAS, deux autres industriels aux savoir-faire critiques pour la construction de sous-marins, sont actuellement dans une position délicate. Tel est en effet le cas des Constructions navales et industrielles de la Méditerranée [CNIM] et d’Aubert&Duval, le spécialiste des pièces métalliques à hautes performances. L’un et l’autre sont à la recherche de repreneurs.

Photo : Naval Group

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