Décès du médecin-colonel Ernest Hantz, ancien de Dien Bien Phu

Parachuté sur la « cuvette » de Dien Bien Phu en avril 1954, il avait connu l’enfer de la bataille alors qu’il dirigeait l’Antenne Chirurgicale Parachutiste [ACP] n°5, assisté par l’adjudant-chef René Cayre, son infirmier anesthésiste-réanimateur. Puis celui des camps de prisonniers Vietnminh, dont seulement 3.920 soldats français [sur 11.721] en revinrent. Le médecin-colonel Ernest Hantz nous a quittés la semaine passée, à l’âge de 95 ans. Ses obsèques doivent avoir lieu ce 11 janvier, à Metz.

À la Libération, Ernest Hantz, alors âgé de 20 ans, se destine à une carrière de médecin militaire. À l’issue de ses études à l’École du Service de santé des armées [SSA] de Lyon, il se porte volontaire pour servir au sein du Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient [CEFEO]. « Certains partaient par idéal, pour délivrer le Sud-Est asiatique , moi c’était pour assurer la relève des médecins blessés ou morts en Indochine », dira-t-il.

Arrivé à Saïgon, le jeune médecin se forme rapidement à la chirurgie, avant de prendre les rênes d’une antenne chirurgicale. Puis il rejoindra le camp retranché de Dien Bien Phu, contre lequel le Vietminh donnera l’assaut le 13 mars 1954. Suivront 56 jours de combats acharnés, durant lesquels médecins et infirmiers du SSA feront l’impossible pour soigner, ou à défaut, soulager, les blessés arrivant par centaine dans les cinq antennes médicales et les 14 infirmeries, au fur et à mesure de la chute des différents points d’appui.

Pataugeant dans la boue, manquant de médicaments et d’équipements médicaux, ces médecins et ces infirmiers tentèrent l’impossible, dans des conditions effroyables, avec une hygiène inexistante, le fracas des combats et le risque permanent d’être emporté par un obus.

Quand les combattants du Vietnminh submergèrent ce qu’il restait du camp retranché, le médecin-capitaine Hantz fut fait prisonnier et interné dans un camp, après une marche de 700 km dans la jungle. Mais 858 grands blessés purent être évacués et pris en charge à Luang-Prabang. Mais tous n’eurent pas cette chance.

« J’ai été témoin à Dien Bien Phu de la mort de milliers de blessés qui n’ont pas pu être évacués vers l’hôpital d’Hanoï. Giap, le chef militaire des armées du Viet-Minh, avait donné l’ordre de détruire tous les avions ou hélicoptères sanitaires de la Croix Rouge qui se posaient sur la base encerclée. C’est au mépris de toutes les règles internationales ! Les blessés graves sont donc restés dans le camp retranché. Ils s’y sont morts pour la plupart », dénoncera l’ex-médecin-chef dans les colonnes du Républicain Lorrain, après l’éloge de Giap que fit Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, en novembre 2013.

Privations, endoctrinement des « canbô » [commissaires politiques], brimades, maladies… Tel fut le quotidien des survivants de Dien Bien Phu, devenus prisonniers du Vietminh. « Nous sommes seulement un quart à être revenus des camps de prisonniers. C’était la même proportion que pour les camps nazis », confiera-t-il plus tard, à l’hebdomadaire La Semaine.

Après l’Indochine, le jeune médecin fut affecté en Algérie, alors qu’il se trouvant dans un état dépressif après ce qu’il avait vécu en captivité. « La meilleure façon de se venger d’un ennemi, c’est de ne pas lui ressembler », disait Marc Aurèle. Et c’est ce qu’il fit. « On a soigné tout le monde, les militaires comme les civils et en Algérie les prisonniers du FLN », expliquera-t-il.

Ayant ensuite exercé à l’hôpital français de Bühl [Allemagne], il quitta l’uniforme pour entamer une carrière dans le civil. Et, une fois à la retraite, il prit des engagements humanitaires, comme à Madagascar, où il contribua à créer un centre hospitalier pour accueillir les lépreux ainsi que des dispensaires pour dépister cette maladie.

Le médecin-colonel Hantz était commandeur de la Légion d’Honneur et titulaire de la Croix de guerre avec palme et de la Croix de la Valeur Militaire.

D’après Ceux du Pharo, une association qui regroupe les Anciens et les Amis de l’Institut de médecine tropicale du SSA, sur la « trentaine de médecins qui sont passés à Diên Biên Phu entre novembre 1953 et mai 1954, et sur les 19 qui ont vécu la bataille de mars à mai 1954, deux sont encore en vie : Gindrey [Lyon 46] et Sauveur Verdaguer [Lyon 45].

Photo : Dien Bien Phu, 1954. Dans une salle enterrée, le médecin lieutenant Gindrey opère un blessé à l’abdomen [Illustration] © Ministère des Armées

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