Un navire militaire turc a été chassé par une frégate égyptienne lors de l’exercice Medusa 10

Déjà qu’elles étaient houleuses, les relations de la Turquie avec l’Égypte, la Grèce et la République de Chypre se sont détériorées davantage avec la question de l’exploitation des importantes réserves d’hydrocarbures en Méditerranée orientale, Ankara voulant sa part du gâteau… et voire un peu plus.

Ainsi, en novembre 2019, la Turquie a signé un protocole d’accord avec le gouvernement d’union nationale libyen [GNA] sur ses frontières maritimes, lui permettant ainsi d’étendre la superficie de son plateau continental de plus de 30% et d’empêcher Athènes, Le Caire et Nicosie de s’entendre sur la délimitation de leurs eaux respectives, torpillant ainsi leurs projets communs d’exploitation gazière.

Ce protocole d’accord entre Ankara et Tripoli, jugé non conforme au droit de la mer car portant atteinte aux droits souverains des États tiers, explique l’intervention turque aux côtés des forces pro-GNA, alors aux prises avec l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar, soutenu par l’Égypte, la Russie et les Émirats arabes unis. Ce qui se traduit par des violations répétées de l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies ainsi que par l’envoi de mercenaires. Et cela, au bénéfice des deux camps rivaux.

Quoi qu’il en soit, la Grèce, Chypre et l’Égypte font donc front commun pour préserver leurs intérêts en Méditerranée orientale face aux appétits de la Turquie. Ce qui passe par la tenue régulière de manoeuvres militaires conjointes, comme l’exercice Medusa 10, qui a eu lieu entre le 30 novembre et le 6 décembre, au large des côtes égyptiennes.

La marine grecque y avait engagé le sous-marin Katsonis, le navire de ravitaillement et de débarquement Chios ainsi que les frégates Limnos et Themistokles. Côté égyptien, le sous-marin S-41, le Bâtiment de commandement et de projection [BPC/PHA] Anouar el-Sadate, la frégate Alexandria et les corvettes El-Fateh, Mahmoud Fahmy et Ali Gad furent sollicitées. Quant à la Garde nationale chypriote, elle mobilisa la corvette Ioannides.

Ce dispositif, conséquent, fut en outre complété par la frégate légère furtive française « Aconit » et la corvette émiraties « Baynunah ». C’était la première fois que la Marine nationale était conviée à l’exercice Medusa. Même chose pour son homologue des Émirats arabes unis.

« Ce type d’exercice permet de consolider la coordination entre des acteurs de nationalités différentes. Ces rencontres au-delà de développer la capacité des marines à travailler conjointement contribuent à la sécurité de la zone », a ainsi fait valoir l’État-major des armées [EMA], dans un communiqué publié le 4 décembre.

Visiblement, Medusa 10 aura suscité la curiosité de la marine turque… Et l’un de ses navires, la frégate TCG Kemal Reis, qui s’était déjà illustrée cette année en entrant en collision avec le navire grec HS Limnos, aurait pénétré dans la zone où se déroulait l’exercice qui, de fait, se trouvait dans l’espace maritime égyptien.

C’est en effet ce qu’affirment plusieurs médias grecs et chypriotes, citant des sources « fiables » de la Garde nationale de la République de Chypre. Selon le compte-rendu de l’incident, et dans un premier temps, il aurait été demandé au TCG Kemal Reis de quitter la zone de l’exercice. Et, devant le refus d’obtempérer du navire turc, la frégate égyptienne Alexandria aurait mis le cap vers lui, avec l’intention de le forcer à changer de route, quitte à l’éperonner.

A priori, la détermination du navire égyptien aurait donc contraint le TCG Kemal Reis à changer de direction et à quitter la zone où il n’était pas le bienvenu. « ‘Medusa’ semble avoir suffisamment dérangé Ankara pour envoyer des navires observer ce qui se passe au large d’Alexandrie », a commenté le quotidien chypriote I Kathimeriní.

Cela étant, peu après la fin de Medusa 10 et alors qu’elle sera au centre des débats lors du sommet européen prévu le 10 décembre, la Turquie a publié une notice maritime [NAVTEX] pour informer qu’elle organiserait des manoeuvres navales dans une zone située à 20 nautiques au sud de la Crète. La Grèce a ensuite diffusé un contre-NAVTEX, qui, a son tour, a suscité une réaction des autorités turques.

Ce 7 décembre, le ministère turc des Affaires étrangères a publié un communiqué pour dénoncer les « revendications maximalistes et illégitimes » d’Athènes au sujet de ses frontières maritimes et de son esapce aérien. « La Grèce, en tant qu’enfant gâté de l’Europe, vise à provoquer des sanctions de l’Union européenne contre la Turquie », a-t-il accusé.

Et d’ajouter qu’Ankara « ne compromettra pas ses droits souverains sur l’île de Kastellorizo [ou Meis], ni sur son espace aérien couvrant 10 nautiques » et que « la Grèce doit engager un dialogue inconditionnel avec la Turquie, le plus tôt possible. »

Photo : © Diego Quevedo CarmonaCC BY-SA 3.0

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]