Un ex-pilote américain confirme que la défense serbe a bien touché un second F-117A Nighthawk en 1999

Lors de l’opération « Tempête du Désert » [« Desert Storm »], en janvier 1991, des hélicoptères AH-64 Apache et MH-53 Jolly Greens furent sollicités pour détruire des radars irakiens P-18 Spoon Rest, P-15 Flat Face et P-15M Squat Eye. Or, étant donné leur vetusté et de la médiocrité de leur résolution angulaire [et de leur capacité de détection], ils ne semblaient pas poser une grande menace aux forces aériennes de la coalition formée et dirigée par les États-Unis pour libérer le Koweït. D’autant plus que les forces irakiennes disposaient de matériels plus performants. Aussi, les motivations de ce raid paraissaient alors bien mystérieuses…

Une explication a par la suité été avancée : ces trois radars irakiens, conçus dans les années 1950, fonctionnaient sur une bande de fréquences VHF s’étendant de 30 à 300 MHz, laquelle fut abandonnée pour mettre au point des système de détection plus précis. Or, il s’avéra que ces radars, bien qu’obsolètes, étaient en mesure de détecter le chasseur-bombardier F-117A Night Hawk américain, en raison d’un phénomène physique bien connu.

« Lorsque la longueur d’onde utilisée par un radar est un multiple de l’envergure de l’avion, l’énergie transmise par celle-ci crée un courant induit qui va ensuite rayonner dans toutes les directions sans pouvoir être contrôlée », lit-on en effet dans le hors-série que le magazine DSI avait publié lors du dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget. D’ailleurs, la découverte de cette vulnérabilité expliquerait en partie le retard que prit à l’époque le programme de bombardier furtif B-2 Spirit.

Quoi qu’il en soit, aucun F-117A ne fut perdu durant « Tempête du Désert ». Ce qui ne sera pas le cas lors des opérations menées contre la Serbie par l’Otan lors de l’affaire du Kosovo, au printemps 1999 [opération Allied Force]. En effet, le 27 mars, un avion de ce type, piloté par le lieutenant-colonel Dale Zelko, sera abattu par l’un des deux missiles tirés par une batterie S-125 Neva/Pechora [code Otan : SA-3 Goa], associée à un radar… P-18 Spoon Rest.

Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet. Le Pentagone affirma dans un premier temps que le F-117A perdu avait été victime d’un incident technique. Puis il fut avancé que les Serbes avaient attendu le passage du chasseur-bombardier, alors réputé indétectable, étant donné que les avions de l’Otan empruntaient régulièrement les mêmes voies, ou encore qu’un radar passif avait été utilisé… Ou encore que l’avion avait été repéré parce que sa soute à munitions était ouverte. En outre, le colonel Zoltán Dani, qui commandait les batteries de défense aérienne déployées dans le secteur, affirma avoir fait modifier ses radars, sans plus de détails.

Et puis une rumeur commença à circuler : un second F-117A aurait été touché par la défense aérienne serbe, sans pour autant avoir subi des dommages nécessitant l’éjection de son pilote. Évidemment, faute de débris, il était difficile de vérifier cette allégation… Allégation que le Pentagone n’allait pas s’empresser de confirmer.

Cela étant, il aura fallu attendre un peu plus de vingt ans pour avoir le fin mot de l’histoire, avec le témoignage du lieutenant-colonel Charlie « Tuna » Hainline, un ancien pilote de F-117A qui, à ce titre, se trouvait aux premières loges durant la guerre du Kosovo puisqu’il était alors affecté au 9th Fighter Squadron « The Flying Knights », basé à Spangdahlemen [Allemagne].

Ainsi, cet officier en retraite a confirmé qu’un second « NightHawk » avait bien manqué d’être abattu par la défense aérienne serbe, lors d’une mission dans la région de Belgrade. Et il était bien placé pour le savoir car l’appareil touché était celui de son ailier. Bien que les détails de l’opération Allied Force soient encore confidentiels, c’est ce qu’il raconte dans la dernière édition du podcast The Afterburn [laquelle a été repérée par le site spécialisé « The War Zone« ].

L’ex-pilote ne donne pas de date précise mais il est probable que l’incident dont il s’est fait l’écho se soit produit après la perte du premier F-117A. Il ne précise pas non plus si des avions de guerre électronique, dont la tâche est de brouiller les radars, étaient engagés dans la mission. A priori, quand l’appareil du lieutenant-colonel Zelko fut abattu, les EA-6B Prowlers qui devaient assurer une telle mission n’étaient pas présents… Et cela aurait été d’ailleurs la seule et unique fois… Mais là encore, on ne peut pas être catégorique.

En tout cas, on comprend que des F-16CJ « Wild Weasel » étaient également en mission puisque le pilote de l’un d’eux a averti les deux F-117A d’un départ de missiles à la périphérie de Belgrade, alors que le colonel Hainline et son équipiers étaient à 40 secondes de son objectif. « J’ai regardé à ma droite au-dessus de Belgrade, et [j’ai vu] cet énorme missile arriver. […] Je savais que mon numéro deux était là-bas quelque part. Ensuite, je vois un autre lancement. […] Le panache, la fumée qui part, puis juste cette boule de feu qui monte vers vous », a-t-il raconté.

Appliquant la procédure prévu pour une telle situation, le colonel Hainline a évité les missiles qui lui était apparemment destinés. Mais son ailier aura moins de chance. Mais, à ce moment-là, il ne le savait pas encore… Ce fut lors du ravitaillement en vol, au-dessus de la Hongrie, qu’il put voir l’étendue des dégâts sur le F-117A touché.

L’avion de mon ailier « n’était pas en très bon état », s’est-il souvenu. Au point qu’il eut du mal à se connecter à la perche de ravaillemement du KC-135 Stratotanker. Mais il put recevoir, non sans mal, le caburant nécessaire pour rentrer à Spangdahlemen, en suivant l’avion du colonel Hainline. Pour cela, il sera récompensé en se voyant décerner la Distinguished Flying Cross.

Par ailleurs, l’ex-pilote a explique que les défense aériennes ont toujours été une préoccupation pour les F-117A, quels que soient les scénarios de combat. « Faiblement observable ne veut pas dire invisible », a-t-il souligné.

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