Le président Trump décide de réduire encore la présence militaire américaine en Afghanistan et en Irak

Le 29 février, à Doha [Qatar], Zalmay Khalilzad, l’envoyé spécial des États-Unis pour l’Afghanistan, et le mollah Abdul Ghani Baradar, l’émissaire du mouvement taleb, signèrent un accord qu’ils avaient négocié depuis plus d’un an et demi afin de mettre un terme à un conflit commencé au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, en raison de la présence d’al-Qaïda sur le territoire afghan.

Dans un premier temps, et alors qu’il n’avait cessé d’affirmer qu’il voulait en finir avec les guerres « sans fin » lancées et poursuivies par ses prédécesseurs, le président Trump avait consenti à renforcer les troupes américaines en Afghanistan tout en tenant un discours très ferme à l’égard du Pakistan, accusé de jouer un double-jeu en soutenant le réseau Haqqani, lié au mouvement taleb afghan et proche d’al-Qaïda.

Seulement, cette stratégie afghane, inspirée par l’ex-général des Marines James Mattis, alors secrétaire à la Défense, ne donna pas les résultats espérés. D’où les négociations avec le mouvement taleb afghan afin de permettre à M. Trump de tenir ses engagements. D’autant plus que, selon une évaluation officielle du Pentagone, les opérations militaires en Afghanistan avaient coûté, au 30 septembre 2019, environ 780 milliards de dollars depuis 2001. Et cela, sans tenir compte des pertes humaines…

Selon l’accord de Doha, qui fut salué par les Nations unies et l’Otan, les taliban s’engageaient à entamer des négociations avec les autorités de Kaboul, à ne plus s’en prendre aux forces américaines et étrangères et à d’empêcher les organisations terroristes présentes dans les territoires passés sous leur contrôle de s’attaquer aux États-Unis ainsi qu’à leurs alliés. En échange, Washington accepta de réduire ses effectifs militaires de 13.000 à 8.500 soldats dans les 135 jours suivant la signature du texte. Puis de retirer toutes ses troupes, y compris celles de l’Otan [mission Resolute Support] dans les 14 mois.

Depuis, et après un premier accord sur la libération mutuelle de prisonniers [5.000 taliban contre 1.000 membres des forces de sécurité afghanes, ndlr], les négocations entre les autorités afghanes et le mouvement taleb ont commencé le 12 septembre dernier à Doha. Pour autant, et comme l’a récemment souligné l’ONU, « au fur et à mesure que le processus de paix avance, et en dépit d’un vent d’optimisme prudent, le niveau de violence sur le champ de bataille reste profondément inquiétant. »

En octobre, alors qu’il était prêté à Donald Trump l’intention de réduire à nouveau la présence militaire américaine en Afghanistan, voire de faire rentrer au pays tous les soldats avant Noël, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a mis en garde contre toute décision précipitée. Position qu’il a répétée le 17 novembre.

« L’Afghanistan risque de redevenir une base pour les terroristes internationaux qui planifient et organisent des attaques dans nos pays et l’État islamique pourrait reconstruire en Afghanistan le califat de terreur qu’il a perdu en Syrie et en Irak », a une nouvelle fois dit M. Stoltenberg. « Nous avons actuellement moins de 12.000 soldats de l’Otan en Afghanistan, et plus de la moitié d’entre eux sont des forces non américaines. Même avec de nouvelles réductions américaines, l’Otan continuera sa mission de formation, de conseil et d’assistance aux forces de sécurité afghanes et s’est engagée à les financer jusqu’en 2024 », a-t-il également assuré.

Chef de file des sénateurs républicains au Congrès, Mitch McConnell a aussi mis en garde contre un retrait accéléré des troupes américaines d’Afghanistan. Cela « ravirait les personnes qui nous souhaitent du mal » et « donnerait à al-Qaïda, affaiblie et dispersée, une grande victoire en termes de propagande », a-t-il estimé. « Le spectacle des soldats américains abandonnant leurs installations et leurs équipements […] serait retransmis dans le monde entier comme le symbole d’une humiliation et d’une défaite américaines, et d’une victoire pour l’extrémisme islamiste », a-t-il insisté.

Effectivement, si les taliban combattent la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique [EI-K], avec parfois un soutien « limité » des forces américaines, ils n’ont pas coupé les ponts avec al-Qaïda. D’après les Nations unies, l’organisation terroriste compterait entre 400 et 600 membres en Afghanistan et elle serait présente dans au moins 12 des 31 provinces afghanes [.pdf].

En outre, le 25 octobre, le NDS, le service de renseignement afghan, a affirmé avoir éliminé, dans la province de Gahzni, Muhsin al-Masri [alias Husam abd-Al-Ra’uf], un dirigeant historique d’al-Qaïda et numéro deux d’AQIS [al-Qaïda pour le sous-continent indien, ndlr].

Si Kaboul y voit le signe de la duplicité des taliban, Washington a relativise. « Il y a très peu de combattants d’al-Qaïda dans le sous-continent indien. Et ils se concentrent sur leur survie parce que nous les traquons », avait estimé M. Khalilzad. « Les taliban ont pris des mesures mais ce n’est pas suffisant de notre point de vue. Ils doivent en faire plus. Mais il y a eu des progrès », avait-il toutefois admis.

Quoi qu’il en soit, les intentions de la Maison Blanche ont même été critiquées par la France, dont les troupes ont quitté l’Afghanistan après l’élection du président Hollande, en 2012. La semaine passée, le chef du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian, fit fait savoir qu’il en toucherait deux mots à Mike Pompeo, son homologue américain, lors de sa visite à Paris, le 16 novembre. C’est « ce qu’il ne faudrait pas faire, à notre avis. Ce qu’il ne faudrait pas faire non plus en Irak, on se le dira », avait-il affirmé à l’antenne de BFMTV.

Car, en effet, un désengagement américain d’Irak était alors aussi dans les tuyaux, Washington ayant agité la menace de fermer son ambassade à Bagdad et de retirer ses troupes du pays si les attaques contres les intérêts américains ne cessaient pas. Entre octobre 2019 et juillet 2020, une quarantaine d’incidents ont ainsi été rapportés.

Reste que les mises en garde n’ont pas fait fléchir le président Trump, dont il est attendu qu’il passe le relais à Joe Biden, son rival démocrate, le 20 janvier prochain [mais pour le moment, il n’a toujours pas concédé la victoire à son adversaire, ndlr].

Ainsi, le 17 novembre, le Pentagone a indiqué que ses effectifs passerait de 4.500 à 2.500 soldats en Afghanistan et de 3.000 à 2.500 en Irak. Cette décision traduit le souhait du président Trump « de mettre fin avec succès et responsabilité aux guerres en Afghanistan et en Irak et de ramener nos courageux soldats à la maison », a fait valoir Christopher Miller, l’actuel secrétaire à la Défense [par intérim].

Un haut responsable du Pentagone a expliqué à la presse américaine que cette décision a été prise après qu’il a été déterminé que le maintien de 2.500 soldats tant en Afghanistan qu’en Irak était suffisant pour assurer les missions actuelles.

« La solution en Afghanistan est de négocier un partage du pouvoir ou une forme d’accord par lequel les taliban et le peuple afghan pourront vivre côte à côte en paix. Une partie ne va pas vaincre militairement l’autre, et nous n’allons pas nous engager encore dans une longue guerre de dix ans. Nous pensons donc que c’est la meilleure décision à prendre pour aboutir à l’accord de paix sur lequel nous travaillons », a confié ce responsable. Quant à al-Qaïda, cette organisation « est en Afghanistan depuis des décennies et nous serions idiots de dire qu’ils vont s’en aller demain », a-t-il dit.

Depuis 2001, a rappelé le chef par intérim du Pentagone, les guerres en Afghanistan et en Irak ont fait 6.900 tués dans les rangs des militaires américaines ainsi que plus de 52.000 blessés.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]