La Pologne ratifie un accord militaire avec les États-Unis… avant un possible changement de ton à Washington

Au début de son mandat, notamment, le président Donald Trump a souvent critiqué l’Otan en la qualifiant d’organisation « obsolète » mais tout en assurant qu’elle restait « importante » à ses yeux [ce qui est souvent oublié…] et sans jamais affirmer qu’elle se trouvait « en état de mort cérébrale », comme l’a fait Emmanuel Macron, son homologue français.

Et, durant les quatre années du mandat de M. Trump, l’engagement des États-Unis à l’égard de l’Alliance ne s’est pas démenti, avec une participation importante des forces américaines à des exercices d’une ampleur qui n’avait été plus vue depuis la fin de la Guerre Froide ou encore avec, par exemple, la réactivation de la 2e Flotte de l’US Navy qui, ayant pour zone d’opérations l’Atlantique Nord, avait été dissoute par l’administration Obama en 2011. En outre, l’élargissement de l’Otan n’a nullement été compromis, avec les adhésions du Monténégro et de la Macédoine du Nord, jugées importantes pour contrer l’influence russe dans les Balkans.

Quant à l’attitude de la Turquie par rapport à sa position au sein de l’Otan, l’administration Trump a pris la décision de l’éjecter du programme F-35 pour son acquisition de systèmes russes de défense aérienne S-400, de renforcer la coopération militaire avec la Grèce et remettre en cause l’embargo sur les armes qui était alors imposé à la République de Chypre. Pouvait-elle faire plus? Sans doute… sachant que l’Otan ne prévoit pas de mécanisme pour exclure l’un de ses membres, contrairement à ce qu’avait suggéré John Kerry, alors chef de la diplomatie américaine, au moment des « purges » opérées parmi les fonctionnaires turcs au lendemain d’une tentative ratée de coup d’État, en juillet 2016.

Cela étant, l’un des chevaux de bataille de M. Trump, qui a cependant été souvent imprévisible et imprécis, aura été le partage du « fardeau » entre Alliés, certains d’entre-eux derniers rechignant à respecter l’engagement pourtant pris unanimement en 2014 de porter le montant de leurs dépenses militaires à 2% du PIB. Pour l’actuel chef de la Maison Blanche, il n’a jamais été concevable qu’il revienne aux États-Unis d’assurer la protection de pays qui n’en font pas assez en matière de défense. « Aide-toi et le Ciel t’aidera », en somme. Sous l’ère Obama, l’administration américaine, occupée par le pivot vers la zone « Asie-Pacifique », ne disait pas autre chose… Mais sur un ton plus policé.

Au-delà des affaires commerciales, l’Allemagne a ainsi souvent été brocardée par M. Trump pour ses dépenses militaires qu’il estimait beaucoup trop faibles. Et cela d’autant plus, fera-t-il observer, lors d’un sommet de l’Otan mouvementé, en juillet 2018, qu’elle « paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie » alors que « nous devons payer pour la protéger contre la Russie. »

L’animosité de M. Trump à l’égard de Berlin s’est récemment traduite par l’annonce d’une réduction de 30% des effectifs militaires américains en Allemagne… en partie au profit de l’Italie, de la Belgique et, surtout, de la Pologne. Évidemment, la perspective d’un changement de locataire à la Maison Blanche, avec l’investiture du démocrate Joe Biden en janvier prochain, donne à quelques responsables allemands l’espoir de voir ce plan abandonné. Tel est ainsi le cas de Markus Söder, le ministre-président de la Bavière, qui aurait beaucoup à y perdre.

Seulement, et pour le moment, les résultats de l’élection du 3 novembre dernier n’ont pas encore été officiellement confirmés par tous les États où les écarts entre les candidats étaient les plus serrés. Le site non-partisan RealClearPolitics se veut d’autant plus prudent [il donne encore, ce 10 novembre, 259 grands électeurs à Joe Biden, contre 214 à Donald Trump] que des recours déposés par le Parti républicain doivent être examinés et que le secrétaire américain à la Justice, Bill Barr, a autorisé les procureurs fédéraux à enquêter sur « des allégations substantielles d’irrégularités concernant les votes ou le comptage de bulletins avant la certification des élections dans [leurs] juridictions, dans certains cas. »

C’est donc dans ce contexte que, le 9 novembre, le président polonais, Andrzej Duda, a ratifié l’accord de défense avec les États-Unis qui entérine un renforcement substantiel de la présence militaire américaine dans son pays, via l’implantation du quartier général du 5e Corps de l’US Army, récemment réactivé. Ce dernier aura à « gérer forces déployées sur l’ensemble du flanc oriental de l’Otan », avait-il été expliqué au moment de son annonce, en août.

« Nous agissons sereinement en ratifiant cet accord, dans l’attente que le président nouvellement élu des États-Unis prête serment », a fait valoir le président Duda, qui a seulement félicité Joe Biden pour sa « campagne présidentielle réussie » et non pour sa victoire.

Durant ces quatre dernières années, l’exécutif polonais, issue du parti conservateur « Droit et Justice » [PiS], a rarement perdu une occasion pour afficher sa proximité avec le président Trump. Et l’industrie américaine de l’armement en a largement profité, obtenant des contrats pour la livraison d’hélicoptères Blackhawk, des systèmes d’artillerie HIMARS, des batteries de défense aérienne Patriot PAC-3 et 32 avions de combat F-35A.

Reste à voir si ce lien avec Washington sera aussi bon avec M. Biden qu’il a été avec Donald Trump… A priori, cela s’annonce compliqué, du moins tant que le PiS sera aux manettes. Les contrats d’armement étant signés, il sera difficile de revenir dessus. En revanche, s’agissant de la présence militaire américaine en territoire polonais, il pourrait y avoir un changement d’approche, le candidat démocrate ayant accusé son adversaire républicain d’avoir soutenu des dirigeants autoritaires… en citant la Pologne.

Pressentie pour prendre les rênes du Pentagone quand M. Biden aura pris ses fonctions, Michele Flournoy a donné une indication sur ce qui pourrait advenir dans les colonnes de Defense News. « Les bases américaines en Allemagne doivent être jugées en fonction des possibilités qu’elles donnent pour dissuader la Russie et pour servir de relais aux forces américaines en route vers des points chauds au Moyen-Orient et en Afrique », a-t-elle confié.

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