Le chef d’état-major britannique craint l’étincelle susceptible de déclencher une guerre mondiale

Lors d’un entretien donné à Sky News à l’occasion du « Remembrance Sunday » [le « Dimanche du Souvenir], le 8 novembre, le chef d’état-major des armées britanniques, le général Sir Nicholas Carter, a établi un parallèle entre le début du XXe siècle et la situation du monde actuelle, qu’il a décrite comme étant « très incertaine » et « inquiétante », sur fond de pandémie de covid-19.

Ainsi, s’est expliqué le général Carter, le « risque réel que nous courons avec un grand nombre de conflits régionaux qui se déroulent actuellement serait une escalade conduisant à une erreur de calcul », ce qui pourrait dégénérer en une « guerre à part entière. »

« Nous devons nous rappeler que si l’histoire ne se répète peut-être pas, elle a un rythme. Et si vous regardez le siècle dernier, avant les deux guerres mondiales, je pense qu’il est incontestable qu’il y ait eu une escalade qui a conduit à une erreur de calcul ayant finalement mené à la guerre, à une échelle que nous espérons ne jamais revoir », a déclaré le chef d’état-major britannique. Mais, à l’époque, il n’y avait pas d’armes nucléaires détenues par les grandes puissances.

Interrogé sur l’éventualité d’une troisième guerre mondiale, le général Carter a estimé que c’est « un risque ». Et d’ajouter : « Je pense que nous devons être conscients de ces risques et c’est pourquoi le souvenir est important » pour tirer les expériences du passé et faire preuve de prudence.

Il est vrai que les tensions sont actuellement nombreuses au niveau mondial, sur fond de disputes territoriales, de compétitions à l’accès aux ressources, d’affirmation de politiques de puissance, de luttes d’influence, de remise en cause des normes internationales ou encore de menaces terroristes.

Mais certains, outre-Manche, pourraient penser que le général Carter dramatise pour gagner les arbitrages budgétaires difficiles qui s’annoncent, à cause des difficultés économiques provoquées par la pandémie de covid-19 et des incertitudes sur les modalités de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. D’autant plus qu’il a également abordé cette question lors de l’entretien donné à Sky News, en soulignant la nécessité pour la défense britannique de bénéficier « d’investissements à long terme car cela […] donne l’opportunité d’avoir confiance dans la modernisation de l’armée. »

Sur ce point, et dans le cadre de l’examen des dépenses publiques et de la révue stratégique de défense en cours, quelques sondes ont été jetées par le gouvernement britannique pour voir les réactions que certaines mesures pouvaient provoquer. Comme, par exemple, le retrait de la totalité des chars de combat de la British Army. D’après ce qu’a sous-entendu le général Carter, cela ne devrait finalement pas être le cas. « Ils [les chars] sont nécessaires pour monter que vous avez la volonté politique de vous battre », a-t-il dit.

En tout cas, la question est de savoir si les forces britanniques auront les moyens qu’il faut pour leur permettre d’appliquer leur nouveau concept d’emploi [.pdf] que le général Carter a dévoilé le mois dernier. Selon ce document, l’idée centrale est qu’elles puissent être en mesure de « piloter les conditions et le rythme de l’activité stratégique, plutôt que de répondre aux actions des autres
à partir d’une posture statique », tout en soulignant que, si la nature de la guerre reste constante, son caractère « évolue considérablement, en raison de l’omniprésence de l’information et de la vitesse du changement technologique ».

En outre, reconnaissant que l’actuel « contexte stratégique nécessite une réponse qui intègre tous les instruments de la gouvernance – idéologie, diplomatie, finance, politique commerciale et puissance militaire », le texte affirme que la « capacité à dissuader la guerre reste le coeur » de l’objectif des forces britanniques.

Le document souligne ainsi la « nécessité de rivaliser en-dessous du seuil de la guerre afin de la dissuader et d’empêcher les adversaires [du Royaume-Uni] d’atteindre leur objectifs dans des stratégies d efait accompli. »

Quoi qu’il en soit, les craintes du général Carter sont également partagées de l’autre côté de la Manche, par son hmologue français, le général François Lecointre, mais dans un ton moins alarmant.

« Les risques et les menaces sont devenus multiples, complexes et souvent hybrides. […] Il est donc difficile d’identifier précisément lesquels des risques ou des menaces seraient les plus prééminents. En réalité, il convient d’identifier les risques les plus probables et les menaces les plus dangereuses », avait ainsi expliqué le chef d’état-major des armées [CEMA], lors d’une audition parlementaire, cet été. « Le risque le plus dangereux est celui du retour d’un conflit de haute intensité dans lesquel seraient impliqués les États-puissances », avait-il continué.

Et de conclure : « L’histoire nous apprend que le risque le plus grave est souvent celui qu’on n’imagine pas ou celui qu’on ne veut pas voir venir, par confort intellectuel, par idéologie ou par manque de courage » et « nous devons être prêts à affronter tous les scénarios, avec lucidité et détermination. »

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