L’arme laser anti-drone française « HELMA-P » a fait des débuts prometteurs

Comme dans le nord de la Syrie et en Libye, plus tôt, cette année, les combats qui se déroulent actuellement au Haut-Karabakh montrent l’importance prise par les drones aériens, ces derniers pouvant aussi bien être efficacement employés pour viser des blindés et des convois logistiques que pour détruire des défenses aériennes. Et cela d’autant plus que tels appareils sont toujours difficiles à contrer.

Qui plus est, les groupes armés terroristes ont aussi rapidement compris l’usage qu’ils pouvaient faire des drones aériens. Ainsi, l’État islamique [EI ou Daesh] avait mis sur pied une filière de production de tels appareils qui, s’ils étaient rudimentaires, pouvaient produire des effets assez redoutables. Désignés « ABIEDs » [pour air-borne improvised explosive devices (ou ABIEDs], ces derniers ont été impliqués dans des centaines d’attaques durant le printemps 2017.

« Ces drones, d’une autonomie moyenne de 3h, peuvent emporter environ 2kg de charge utile, à une vitesse maximale de 110km/h. Des drones bombardiers peuvent larguer verticalement des grenades de 40mm avec un corps moulé ad hoc, mais ils peuvent aussi emporter des grenades dégoupillées dans des bocaux
dont l’éclatement fait exploser l’IED [engin explosif improvisé, ndlr] », résumait ainsi une note Centre d’études, réserves et partenariats de l’armée de l’Air – Centre d’études stratégiques aérospatiales [CERPA-CESA], en septembre 2019.

Lors de sa dernière audition au Sénat, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], a souligné l’importance de cette menace. « Le recours de plus en plus important aux drones est inquiétant et nous devons le prendre en compte. Au-delà de l’emploi de drones que l’on peut trouver dans le commerce avec l’emport d’explosifs ou de grenades, comme on a pu le voir sur certains théâtres d’opérations, nous constatons aujourd’hui l’emploi de technologies de plus en plus sophistiquées, accessibles aux groupes armés terroristes ou aux ennemis dits ‘asymétriques », a-t-il expliqué.

Et d’ajouter : « Ces drones, qui ne sont pas si sophistiqués, constituent une menace importante. Cette situation nous pousse à investir dans la recherche et à développer l’innovation en matière de défense et de lutte anti-drones. Cette menace, qui peut évidemment s’exercer sur le territoire national, est prise très au sérieux par l’État-major des armées et par l’état-major de l’armée de l’Air. Nous allons nous doter de meilleures capacités de détection, d’action et de neutralisation. »

En matière de lutte anti-drones, les projets ne manquent pas. Et quasiment tous les modes opératoires possibles et imaginables font l’objet de recherches, qui ne donnent pas forcément les résulats attendus. En juin dernier, le Pentagone en a évalué une quarantaine, pour finalement n’en retenir que huit. Un an plus tôt, l’US Army avait indiqué avoir déployé le système Howler, reposant sur le radar KuRFS et le drone « rôdeur » Coyote, fournis par Raytheon.

En France, l’une des capacités anti-drones repose sur le système BOREADES, livré par CS Group au ministère des Armées dans le cadre du projet MILAD [Moyens de lutte anti-drones]. Les informations sur ce dispositif sont confidentielles. Mais on sait qu’il est en mesure de brouiller et de leurrer le système de navigation d’un drone, jusqu’à permettre d’en prendrele contrôle.

Seulement, l’idéal serait de pouvoir neutraliser n’importe quel type de drones, du rudimentaire au plus évolué. D’où le projet mené par l’entreprise française CILAS [ Compagnie industrielle des lasers, filiale d’Ariane Group], avec le soutien de l’Agence de l’innovation de Défense [AID] et la Direction générale de l’armement [DGA].

Appelé HELMA-P, il vise à mettre au point une arme laser capable de suivre un drone en vol et de le détruire. Une première campagne de tests a récemment été menée sur le site de la DGA « Essais de Missiles » à Biscarosse. Et les résultats sont « prometteurs », indique l’AID, ce 9 novembre.

« Le système HELMA-P, installé sur trépied, a été expérimenté en conditions opérationnelles réelles. Les résultats se sont montrés prometteurs dès la 1ère semaine, notamment en raison du temps de neutralisation qui s’est avéré très court », affirme en effet l’AID. « Plusieurs tirs dits « fichants » [tirs vers le sol] ont été réalisés à une distance allant jusqu’au kilomètre sur différents modèles de drones. Ils ont permis de démontrer une bonne efficacité du système HELMA-P avec la destruction en vol de plusieurs drones », précise-t-elle.

Quatre autres semaines d’essais sont prévus d’ici la fin 2020 et 2021. Il s’agira d’évaluer l’arme laser conçue par CILAS contre d’autres modèles de drones, et dans des conditions différentes, notamment d’altitude.

Selon l’AID, l’objectif avec HELMA-P est de pouvoir disposer prochainement d’un système laser « polyvalent » non seulement pour détruire les drones mais aussi pour neutraliser les moyens optroniques de l’adversaire, voire les roquettes et les obus de mortier. Et ce système « pourrait aussi participer à l’autoprotection d’un porteur terrestre », a-t-elle aussi estimé.

À noter que CILAS est à la tête du programme européen TALOS [Tactical Advanced Laser Optical System], lequel vise à développer un laser de grande puissance compact devant être en mesure de neutraliser rapidement des cibles en mouvement [y compris les drones].

Photos : #1 Vue d’artiste © CILAS #2 Système HELMA-P © Direction générale de l’armement

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