Le chef d’état-major indien n’exclut pas un « conflit plus important » avec la Chine au sujet du Ladakh
Dans la région montagneuse du Ladakh, considérée comme stratégique et traversée par la Ligne de contrôle effectif [LAC] dont le tracé fait l’objet d’un contentieux entre New Delhi et Pékin, les forces indiennes et chinoises sont à couteaux tirés depuis le mois de mai, qui plus est dans une zone qui n’est pas des plus hospitalières. Ces derniers mois, les deux pays y ont accéléré la construction d’infrastructures, ce qui contribue à la situation actuelle, chacun accusant l’autre de chercher à améliorer la circulation de ses troupes le long de la frontière.
Ainsi, tout est a commencé par une incursion de 250 soldats chinois dans le secteur du lac de Pangong Tso, partie du Ladakh indien revendiquée par Pékin.
Ce face-à-face a même dégénéré en juin, dans la vallée de Galwan, avec des violents affrontements ayant fait une quarantaine de tués parmi les soldats indiens [et sans doute une trentaine côté chinos, Pékin n’y ayant pas donné de bilan officiel, ndlr].
Depuis, si chaque camp renforce ses positions, l’Armée populaire de libération [APL] a été particulièrement active. En effet, il a été rapporté qu’elle y a déployé des matériels militaires récents, comme le char léger de type 15 entré en service en 2018, établi de nouvelles bases aériennes et envoyé à Kashgar des bombardiers stratégiques H6 dotés de missiles de croisière KD-63 susceptibles de menacer les principaux centres de décision indien.
Dans le même temps, les discussions diplomatiques menées en vue de mettre fin à ces tensions échouent les unes après les autres, New Delhi réclamant un retour aux positions d’avant la crise. Une nouvelle rencontre – la huitième – a eu lieu le 6 novembre, à Chushul, localité du district de Leh [capitale du Ladakh ndlr].
Cela étant, le même jour, le général Bipin Rawat, le chef d’état-major des forces armées indiennes, a affirmé que la situation au Ladakh demeure tendue et que l’Armée populaire de libération y fait face « aux conséquences imprévues » de sa « mésaventure » au Ladakh qui lui a valu la « réponse ferme des forces de défense indiennes. » Et d’insister : « Notre posture est ambiguïté : nous n’accepterons aucune modification de la LAC. »
Mais le général Rawat est encore allé plus loin. Si, a-t-il estimé, les « perspectives d’un conflit à grande échelle est peu probable », en revanche, les affrontements frontaliers, les violations de la LAC et les actions militaires tactiques « sans provocation » [comprendre : les manoeuvres et les mouvements de troupes] sont susceptibles de « dégénérer en un conflit plus important. » En tout cas, un tel risque n’est pas à écarter, a-t-il insisté, lors d’un évènement en ligne organisé par le National Defense College.
Une telle évolution pourrait se traduire par des combats à d’autres points de la frontière sino-indienne, comme par exemple sur le plateau de Doklam, également objet d’un contentieux entre les deux pays, et où leurs forces respectifs se livrèrent à un face à face tendu en 2017. Cela peut aussi vouloir dire des actions dans d’autres champs de conflictualité, comme le cyberespace ou l’espace, voire dans le domaine économique.
Pour rappel, l’Inde et la Chine sont deux puissances nucléaires, ayant une doctrine de « non-emploi en premier ». Par ailleurs, Pékin est un proche allié d’Islamabad, ce qui pourrait avoir des conséquences dans le cas où la situation au Ladakh viendrait à se détériorer davantage.
Par ailleurs, le général Rawat a également souligné la nécessite pour l’Inde de devenir auto-suffisante en matière d’approvisionnements militaires [atmanirbhar]. « Au fur et à mesure que l’Inde s’affirmera, les défis sécuritaires augmenteront proportionnellement. Nous devons sortir de la menace constante de sanctions ou de dépendance vis-à-vis d’autres nations pour nos besoins militaires et investir dans des capacités nationales […] pour disposer d’une indépendance stratégique et d’une puissance militaire décisive afin de répondre aux défis actuels et émergents », a-t-il dit.