L’Italie propose à la Pologne de développer un nouveau char de combat

Malgré certains clichés que l’on peut lire ici où là [voir, par exemple, la presse allemande au moment de la crise politique du printemps 2018, ndlr], l’Italie n’est pas seulement un pays de culture où l’on mange bien tout en parlant de football : c’est aussi un grand pays industriel, ayant des savoir-faire dans de nombreux domaines, allant de l’aéronautique à l’automobile, en passant par le secteur spatial [avec le lanceur Vega, par exemple] et la construction navale. Et, en matière de défense, l’industrie transalpine sait être innovante et performante.

Seulement, avec les projets de Système de combat aérien du futur [SCAF] et de chars de combat du futur [MGCS – Main Ground Combat System] que la France a lancés en coopération avec l’Allemagne, l’Italie a pu se sentir exclue… et donc vexée. D’où, d’ailleurs, son rapprochement avec le Royaume-Uni dans le cadre du projet d’avion de combat Tempest, pour lequel la filiale britannique du groupe italien Leonardo tient une bonne place.

« L’accord sur un nouveau avion de combat européen entre l’Allemagne et la France laisse tous les autres en marge et, le seul autre pays à capacité industrielle égale étant l’Italie, l’accord est clairement contre lui », s’était ainsi insurgé Guido Crosetto, le président de la Fédération des entreprises italiennes pour l’aérospatiale, la défense et la sécurité [AIAD], dans un entretien donné en février 2019 à Defense News.

Quant au projet MGCS, conduit sous la responsabilité de l’Allemagne, Rome a fait part de son intérêt à plusieurs reprises. Mais, tant pour Berlin que pour Paris, il n’est pas question d’intégrer de nouveaux partenaires dans ce projet, alors qu’une exception avait été faite pour l’Espagne pour le SCAF.

En juin, répondant à un parlementaire, Giulio Calvisi, le secrétaire d’État italien à la Défense, avait une nouvelle fois rappelé que l’Italie accordait toujours la « plus grande attention » au projet MGCS, tout en cherchant à « profiter d’une opportunité crédible » pour faire fléchir le tandem franco-allemand. Et d’évoquer une « possible ouverture » du côté de Berlin.

Pour l’Italie, qui aura à remplacer les chars Ariete d’ici 2030/35, il est important d’être impliqué le plus tôt possible dans ce programme afin d’avoir voix au chapitre pour en définir le cahier des charges.

Par ailleurs, la Pologne se trouve dans la même situation et, comme l’Italie, elle a aussi témoigné de son intérêt pour le MGCS. « Nous sommes curieux de savoir quelles possibilités la Pologne pourrait avoir de participer par exemple à la construction du char européen commun, développé pour le moment surtout par l’Allemagne et la France », avait ainsi déclaré Pawel Soloch, le chef du Bureau de sécurité nationale auprès de la présidence polonaise, en janvier 2019.

Seulement, le montage industriel du MGCS, qui vise à un partage des tâches équitable entre la France et l’Allemagne, étant compliqué, l’Italie et la Pologne en sont tenues pour l’instant à l’écart, malgré quelques signes d’ouverture.

D’où une autre voie explorée par Rome : lancer son propre programme de char de combat, en l’ouvrant à d’autres partenaires européens, voire extra-européens, comme Israël ou les États-Unis. « Il s’agit de ne pas perdre de terrain par rapport à l’initiative franco-allemande si elle ne s’ouvre à aucun autre partenaire », avait expliqué M. Calvisi.

Aussi, et alors que sa base industrielle et technologique de défense [BITD] ne sera pas oubliée par le plan de relance de l’économie, en grande partie financé par des fonds européens, l’Italie a lancé les grandes manoeuvres. En effet, le mensuel des forces armées polonaises, Polska Zbrojna, a indiqué que le ministère polonais de la Défense avait reçu une offre de coopération de la part de son homologue italien.

L’Italie « s’est tournée vers certains pays de l’UE, dont la Pologne, avec une proposition de coopération sur un projet concernant les plates-formes terrestres », a fait savoir le ministère polonais de la Défense, précisant que cette offre était en cours d’examen. L’Espagne pourrait également rejoindre cette initiative.

Pour un tel projet, l’industrie italienne est plutôt bien armée, avec la division terrestre de Leonardo [ex-Oto Melara] ou encore avec Iveco Defence Vehicules. Côté polonais, en 2013, l’entreprise Obrum avait présenté le WWB Guépard [ex-PL-01], un char « furtif » doté de technologies fournies par BAE Systems, dont le système ADAPTIV, qui rend des véhicules « invisibles » pour les capteurs à infra-rouge.

Photo : Char C.1 Ariete © Ministère italien de la Défense

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]