L’ex-président Hollande estime que la question de la présence de la Turquie au sein de l’Otan doit être posée

Les relations entre la France et la Turquie n’ont sans doute jamais été aussi mauvaises depuis la Première Guerre Mondiale, au cours de laquelle l’un et l’autre appartenaient à des alliances opposées. Au-delà des insultes répétées du président turc, Recep Tayyip Erdogan, à l’endroit d’Emmanuel Macron, son homologue français, les différends sont nombreux : Syrie, Libye, Méditerranée orientale, avec la remise en cause des zones maritimes revendiquées par la Grèce et la République de Chypre, Haut-Karabakh, instrumentalisation de la crise des migrants, relations au sein de l’Otan avec l’incident de la frégate Courbet, etc…

Pour le prédécesseur de M. Macron à l’Élysée, la coupe est pleine. « Que font la France et la Turquie dans la même alliance? », s’est en effet interrogé François Hollande, ce 28 octobre, sur les ondes de France Info. Et de pointer les « politiques agressives de la Turquie à l’égard de pays alliés, et qui encouragent des conflits armés aux portes de l’Europe. »

« La Turquie aujourd’hui a un comportement en Syrie qui n’est pas acceptable, provoquant des conflits qui peuvent encourager les organisations terroristes à ressurgir », a ensuite développé M. Hollande, citant aussi le rôle d’Ankara dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet du Haut-Karabakh ainsi que son « comportement » en Libye.

Aussi, ces « comportements agressifs » posent le « problème de la présence de la Turquie dans l’Alliance atlantique », a estimé M. Hollande. Et cette « question doit être posée avec nos alliés », a-t-il ajouté.

Évidemment, maintenant qu’il est redevenu un citoyen [presque] comme un autre, M. Hollande a l’influence que lui donne son statut d’ancien chef de l’État… même s’il cultive une certaine proximité avec Jean-Yves Le Drian, qui fut son ministre de la Défense avant d’être nommé à la tête du Quai d’Orsay par M. Macron.

Cela étant, François Hollande n’est pas le premier à s’interroger publiquement sur la présence de la Turquie au sein de l’Otan, Alliance dont elle est membre depuis 1952.

Après les « purges » lancées par les autorités turques après le coup d’État manqué du 15 juillet 2016, le chef de la diplomatie américaine, qui était alors John Kerry, avait sous-entendu que la Turquie risquait l’exclusion. « L’Otan a également des exigences en termes de démocraties. […] Beaucoup de gens ont été arrêtés, et arrêtés très rapidement. Le niveau de vigilance et d’observation va évidemment être élevé dans les jours à venir. […] Les institutions internationales comme l’UE et l’Otan regarderont certainement de près le fil des événements car les responsabilités démocratiques vont de pair avec l’adhésion », avait-il déclaré à l’issue d’un sommet du Conseil de l’Europe.

Puis, en octobre 2019, quand la Turquie lança son offensive dans le nord-est de la Syrie, contre les milices kurdes syriennes [YPG], fer de lance des Forces démocratiques syriennes [FDS] contre l’État islamique [EI ou Daesh], la question de son rôle de l’Alliance antlantique fut à nouveau posé. C’est ce que fit d’ailleurs le président Macron, quand il parla de « mort cérébrale de l’Otan ».

Aux États-Unis, plusieurs membres du Congrès exprimèrent leur défiance à l’égard d’Ankara, par ailleurs récemment exclue du programme F-35 pour son achat de système de défense aérienne S-400 auprès de la Russie.

Le réprésentant démocrate Eric Swalwell était alors l’un d’eux. En effet, en ocobre 2019, en réaction à l’offensive turque dans le nord-est de la Syrie, il avait affirmé que l’exclusion de la Turquie de l’Otan devait « être sur la table ». Et d’insister : « Je ne pense pas que les Turcs soient des alliés aujourd’hui ». Quelques semaines plus tôt, Ted Galen Carpenter, un chercheur du CATO Institute, un centre de recherche « libertarien », avait défendu la même idée dans les colonnes du Washington Post, mais en raison des S-400 acquis par Ankara.

Justement, le 16 octobre, faisant fi des mises en garde de Washington, la Turquie a procédé à un essai de ces systèmes russes. Et le Pentagone y a vivement réagi en condamnant ce test « dans les termes les plus forts possibles ». Mais son porte-parole, Jonathan Hoffman, a sous-entendu que les choses pourraient ne pas en rester là. « Nous avons été clairs et intransigeants : un système S400 opérationnel n’est pas conforme avec les engagement de la Turquie en tant qu’alliée des États-Unis et de l’Otan. » Sans doute que Washington prendra des mesures après l’élection du 3 novembre prochain, d’autant plus que, au Congrès, les pressions se font de plus en plus forte sur l’actuelle administration pour décider des sanctions à l’égard d’Ankara.

Seulement, et au-delà des considérations géopolitiques, si elle permet à un membre de quitter le commandement militaire [comme la France le fit avec le général de Gaulle], l’Otan ne possède pas de procédure d’exclusion de ses membres. S’engager dans une telle démarche pourrait être long et compliqué. Ce que l’on doit pas ignorer à Ankara.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]