L’Otan va créer un centre de commandement dédié à l’espace en Allemagne

La militarisation de l’espace a commencé dès le début de la conquête spatiale. Ainsi, le 26 octobre 1946, une image de la Terre avait pu être prise par une caméra installée sur un missile V-2 allemand, récupéré par l’armée américaine lors de la Seconde Guerre Mondiale. Et le lanceur de Spoutnik, le premier satellite artificiel, était un missile balistique intercontinental R-7 Semiorka. Depuis, les applications militaires en orbite vont de la surveillace au renseignement en passant par les communications et la navigation. Et elles sont devenues indispensable à toute opération.

Mais la tendance qui tend à s’affirmer depuis une dizaine d’années est celle d’une « arsenalisation » de l’espace, avec le développement d’armes antisatellites. Les États-Unis, la Russie et la Chine [récemment rejoints par l’Inde] ont en effet mis au point de telles capacités. La France mène un programme en ce sens, à vocation défensive, avec le projet de mini-satellite patrouilleur Yoda et celui d’une arme laser.

Cette évolution a donné lieu à quelques changements structurels, avec, par exemple, la création de l’armée de l’Air et de l’Espace en France, doublée de celle d’un commandement de l’Espace [CdE], ou, aux États-Unis, de la mise sur pied de l’US Space Force.

Et l’Otan suit le mouvement. En décembre 2019, lors du sommet de Londres, les Alliés ont fait de l’espace un milieu d’opérations à part entière, « reconnaissant ainsi son importance s’agissant de préserver notre sécurité et de relever les défis en la matière, dans le respect du droit international. »

« Pendant des années, voire des décennies, l’Alliance a évolué dans un environnement relativement favorable, et la plupart des missions et des opérations de maintien de la paix ou de gestion de crise qu’elle menait voyaient le jour parce qu’elle en avait ainsi décidé. Mais depuis quelques années, un grand nombre d’acteurs malveillants menacent, remettent en question ou ébranlent l’ordre international fondé sur des règles, ainsi que la sécurité de l’Alliance et des différents Alliés, dans toute une série de domaines, dont l’espace », fait ainsi valoir Kestutis Paulauskas, dans la revue de l’Otan.

Moins d’un an plus tard, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a annoncé la création prochaine d’un centre spatial sur la base aérienne de Ramstein, en Allemagne. Dans un premier temps, cette nouvelle structure aura à partager les informations relatives à des menaces contre les satellites. Par la suite, il pourrait devenir une structure de commandement pour la mise en oeuvre de mesures défensives.

« Le centre va s’appuyer sur ce qui existe à Ramstein. Ses effectifs seront peu importants au départ mais seront étoffés », a en effet déclaré M. Stoltenberg. « Les satellites des pays de l’Alliance sont très vulnérables et sont des cibles potentielles d’attaques. […] La Chine et la Russie ont développé des capacités en mesure d’aveugler et de détruire les satellites, ce qui aurait des conséquences très graves pour les communications des pays de l’Alliance », a-t-il souligné, assurant l’objectif « n’est pas de militariser l’espace. » Ce qui est déjà le cas, le secrétaire général ayant sans doute confondu les concepts d’arsenalisation et de militarisation…

« Les systèmes satellitaires permettent à notre monde de fonctionner. […] Le commerce, les prévisions météorologiques, les téléphones portables et les services bancaires dépendent tous des satellites. L’espace est également essentiel pour l’Otan, notamment pour notre capacité à naviguer, à recueillir des renseignements, à communiquer et à détecter les lancements de missiles. Il est donc important que l’alliance soit bien consciente de ce qui se passe dans l’espace, que nous continuions à avoir un accès fiable aux services spatiaux et que l’alliance maintienne son avance technologique », avait par ailleurs expliqué M. Stoltenberg à la radio publique allemande, quelques jours plus tôt.

La création de cette nouvelle structure qui verra le jour à Ramstein devrait être suivie par celle d’un « centre d’excellence de l’Otan » dédié à l’espace. La France est candidate pour l’accueillir à Toulouse, à deux pas du Commandement de l’Espace. Mais la Ville Rose est en concurrence avec Kalkar qui, en Rhénanie du Nord-Westphalie [Allemagne], abrite déjà le Centre multinational interarmées de compétences en matière de puissance aérienne [JAPCC] dont la mission est de contribuer à améliorer les opérations aériennes, spatiales, terrestres et maritimes de l’Otan.

Et, visiblement, la candidature de Kalkar bénéficie de l’appui de l’industrie aérospatiale allemande. Récemment, cette dernière a relancé une idée consistant à construire une plateforme mobile de lancement spatial en mer du Nord. « Si le gouvernement se rallie à ce projet, cela augmenterait les chances de l’Allemagne pour accueillir le centre [d’excellence] », a fait observer Matthias Wachter, responsable du secteur de la défense et de l’espace au sein de la Fédération des industries allemandes, dans les colonnes de Defense News.

En outre, a continué M. Wachter, l’Allemagne serait « en mesure d’offrir des capacités de micro-lancement à l’Otan et à l’Union européenne, contribuant ainsi à créer un écosystème de défense de haute technologie » qui fait « désespérément » défaut aux Européens. Trois entreprises allemandes se sont spécialisées dans ce domaine, dont HyImpulse Technologies, Isar Aerospace Technologies et Rocket Factory.

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