Les États-Unis exigent que la Turquie cesse sa « provocation délibérée » en Méditerranée orientale

Au sujet des tensions qui opposent la Turquie à la Grèce ainsi qu’à la République de Chypre au sujet des ressources gazières en Méditerranée orientale, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait déclaré, le 29 septembre, que Wahington soutenait « fortement » le dialogue entre Athènes et Ankara, en raison de leur appartenance à l’Otan, tout en les encourageant à « reprendre les discussions » sur leurs différends « dès que possible. »

Au moment de cette déclaration, la Turquie avait retiré son navire de recherche sismique Oruç Reis des eaux revendiquées par la Grèce. Et les deux pays étaient sur le point de trouver un accord de « déconfliction » militaire sous l’égide de l’Otan. En clair, les tensions étaient sur le point de s’adoucir.

Seulement, une notice maritime [Navtex] a été émise le 11 octobre par les autorités turcs pour annoncer une nouvelle campagne de prospection de l’Oruç Reis dans les environs de l’île grecque de Castellorizo.

Évidemment, pour Athènes, il n’est plus question de négocier quoi que ce soit. « La Grèce ne prendra part à aucun des pourparlers tant que le Oruc Reis et ses navires d’escorte seront sur place », a en effet déclaré le ministre d’État George Gerapetrite à la radio Parapolitika, ce 13 octobre, avant d’indiquer que la question serait mise sur la table lors de la prochaine réunion du Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne [soit le 15/10, ndlr].

Proche de la Grèce et de la République de Chypre, la France a fait part de sa « préoccupation » après l’annonce faite par Ankara, tout en rappelant que la Turquie était sous la menace de sanctions de la part de l’UE.

Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, a été un peu plus mordant. « S’il devait effectivement y avoir de nouvelles explorations du gaz turc dans les zones maritimes les plus controversées de la Méditerranée orientale, ce serait un revers majeur pour les efforts de désescalade », a-t-il dit, dans un communiqué publié peu avant de s’envoler vers Athènes et Nicosie. Et d’ajouter : « Ankara doit mettre fin au cycle de la détente et de la provocation si le gouvernement est intéressé par des pourparlers – comme il l’a assuré à plusieurs reprises. »

Mais la réaction la plus vigoureuse est venue de Washington. « Nous exigeons que la Turquie cesse cette provocation délibérée et entame immédiatement des pourparlers préliminaires avec la Grèce », a en effet affirmé Morgan Ortagus, la porte-parole du département d’État. « La coercition, les menaces, l’intimidation et les manoeuvres militaires ne vont pas résoudre les tensions en Méditerranée orientale », a-t-elle ajouté, avant d’estimer que la nouvelle mission de l’Oruç Reis allait compliquer « délibérément la reprise de discussions préliminaires essentielles » entre Ankara et Athènes.

Dans le fond, la réaction de la diplomatie américaine n’est pas très surprenante. Ces dernières semaines, les États-Unis ont en effet pris plusieurs mesures de nature à froisser les autorités turques, comme en signant un accord militaire avec la République de Chypre et en levant partiellement l’embargo sur les armes qu’ils avaient imposé à cette dernière à la fin des années 1980 en soutien à Ankara.

Lors d’un déplacement à Nicosie, à la mi-septembre, M. Pompeo s’était dit « profondément préoccupés » par les « opérations en cours de la Turquie » dans les eaux chypriotes, lesquelles recèleraient d’importantes réserves de gaz. « La République de Chypre a le droit d’exploiter ses ressources naturelles, y compris celles trouvées dans sa zone économique exclusive », fit-il valoir.

Cela étant, à Washington, le Congrès met la pression sur l’administration Trump pour sanctionner la Turquie au titre de la loi dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act] pour son achat de systèmes russes de défense aérienne S-400. Et rien ne devrait être décidé dans que ces dispositifs – incompatibles avec ceux de l’Otan – n’auront pas officiellement été activés par les forces turques… Ce qui ne saurait tarder puisque des manoeuvres doivent se tenir à cette fin dans la région de Sinop, sur les bords de la mer Noire.

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