Plus de moyens, « militarité » réaffirmée : Mme Parly donne une nouvelle feuille de route au Service de santé des Armées

Présenté en novembre 2013, le plan stratégique « SSA 2020 » visait à mettre en transformer le Service de Santé des Armées [SSA] dans un cadre budgétaire contraint tout en mettant ses moyens en adéquation avec la réduction du format des forces décidée à la faveur de la Révision générale des politiques publiques [RGPP] et des réformes appliquées au ministère de la Défense.

À l’époque, le promoteur de ce plan, le médecin-général des armées [MGA] Jean-Marc Debonne avait identifié quatre « facteurs de vulnérabilité » propres au SSA, dont son isolement par rapport au système de santé national, alors décrit comme étant de « plus en plus organisé, souvent concurrentiel dans un contexte financier contraint », sa « dispersion », tant en termes de moyens, d’emprises et d’activités, dont « certaines » passaient pour être « très éloignées du besoin réel des forces », la « lourdeur » de sa « gouvernance » et les normes et les exigences en matière de santé publique.

Pour y remédier, le plan SSA 2020 s’appuyait sur cinq principes : l’ouverture au service public de santé, la recherche de coopérations internationales, la promotion du SSA dans le champ interministériel, la simplification de son organisation et la « concentration sur la mission, associée à la densification des moyens, avec un recentrage des activités », orientées prioritairement vers le soutien aux forces, sa mission première.

Ce plan prévoyait la suppression de 2.000 postes [sur 16.000], la création d’une Direction de la médecine des forces et de 19 Centre Médicaux des Armées [CMA] de nouvelle génération, le regroupement des écoles de santé ainsi que la différenciation entre les huit hôpitaux d’instruction des armées [HIA] restants.

Sur ce dernier point, « les compétences indispensables à la prise en charge des blessés de guerre et des moyens humains et matériels nécessaires aux projections d’unités médicales sur les théâtres d’opérations et aux évacuations médicales stratégiques » devaient reposer sur les HIA Bégin, Percy, Laveran et Sainte-Anne. Quant aux hôpitaux militaires de Brest, Bordeaux, Metz et de Lyon, il était question de les intégrer « au sein de l’offre de santé de leur territoire », via des rapprochements avec le système de santé civil… Mais avec des moyens réduits.

Mais le plan SSA 2020 a-t-il été trop loin? En tout cas, la décision, prise en 2015, de revoir à la hausse le format des armées, n’a pas été accompagné par la suspension de son application… Ce qui fait que, avec une activité opérationnelle n’ayant pas baissé en intensité, le SSA s’est vite retrouvé sous tension. Cette situation a été décrite par plusieurs rapports.

Ainsi, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM], notant son surengagement par rapport à son contrat opérationnel, s’est récemment dit « préoccupé » par l’avenir du SSA. L’ex-sénateur Jean-Marie Bockel a tiré le signal d’alarme à plusieurs reprises. La dernière fois remonte à juin dernier, avec un rapport co-écrit avec la sénatrice Christine Prunaud. « Les coupes ont été trop loin : il lui manque [au SSA] désormais au moins 100 médecins et il ne tourne aujourd’hui que grâce à ses 3.000 réservistes pour assurer ses missions auprès des 31.000 militaires en opérations sur les théâtres extérieurs », était-il souligné dans ce document.

La crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a mis en lumière cette situation. « Nous sommes intervenus non pas en ultima ratio – nous ne serions pas en capacité de le faire –, mais de manière précoce et continue, en fonction d’un effet à obtenir. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’’effet starter » apporté par le SSA à la santé publique, dont il ne représente que 1 % des capacités », a récemment expliqué sa directrice, Mme le médecin général des armées Maryline Gygax Généro, devant la Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences de la pandémie.

Quoi qu’il en soit, dès 2017, il a été décidé par la ministre des Armées, Florence Parly, de mettre un terme à la déflation des effectifs du SSA ainsi que de revaloriser les rémunération de ses personnels, à hauteur de 30 millions d’euros sur la période 2017-2020. Une nécessité car la poursuite du plan SSA 2020 aurait « vraiment porté atteinte à la capacité intrinsèque de ce service », a-t-elle expliqué lors de son auditon par la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2021.

Trois jours plus tôt, lors du baptême de la nouvelle promotion des élèves de l’Ecole Militaire de Santé de Lyon-Bron, le 3 octobre, la ministre a fixé une nouvelle « feuille de route » pour le SSA. Lors de son audition, Mme Parly en a donné les grandes lignes.

L’idée directrice est de faire en sorte que le SSA puisse désormais « aligner ses moyens et son organisation de façon cohérente avec le modèle d’armée 2030 », défini par l’actuelle Loi de programmation militaire [LPM]. « Il faut que nous parvenions à synchroniser l’ambition pour nors armées d’une part et l’ambition pour les Service de Santé des Armées d’autre part car elles sont totalement indissociables : le SSA est un peu l’asssurance-vie de nos armées et il est la clé de voûte d’un modèle d’armée complet », a résumé Mme Parly.

Aussi, a-t-elle continué, il s’agit de « réaffirmer la finalité et l’identité profondément militaire » du SSA et de « redéfinir ses relations avec la santé publique ». S’il en est « évidemment complémentaire », comme la crise l’a montré, le SSA ne peut pas se substituer au système de santé publique, sauf à ce nous le mettions en difficulté par rapport à sa mission première, qui est d’assurer la prise en charge de nos militaires », a expliqué la ministre.

Cela étant, il n’est pas question de revenir sur l’ensemble du plan SSA 2020. En effet, Mme Parly a indiqué que la différenciation entre les huit HIA resterait en vigueur. « J’ai confirmé le choix en faveur de deux grandes plateformes hospitalières : l’une au nord avec les hôpitaux Percy [Clamart] et Bégin [Saint-Mandé], l’autre au sud, avec les hôpitaux Sainte-Anne de Toulon et Laveran de Marseille. » Et d’ajouter : « Nous continuerons d’investir dans ce sens. »

Toutefois, la priorité en faveur du soutien des forces des quatre autres HIA sera réaffirmée et confortée. C’est ainsi que l’hôpital Clermont-Tonnerre, de Brest, verra ses moyens augmenter. En effet, les transferts des lits de réanimation et des laboratoires vers le CHRU de Brest, qui auraient dû être effectifs en 2023, seront annnulés.

« Le maintien de la chirurgie lourde sur le site de l’HIA est également acté. Dans cette nouvelle perspective, la ministre a réaffirmé que le service de santé des armées n’a pas vocation à se substituer à la santé publique. Dans un premier temps, les effectifs médicaux, paramédicaux et médicaux techniques vont augmenter au cours des cinq prochaines années », a par ailleurs indiqué la CFDT de la Défense, dans les colonnes du quotidien « Le Télégramme. »

Quant aux HIA de Bordeaux, de Metz et de Lyon, « où des ensembles civilo-militaires sont en cours de développement, nous allons poursuivre les transformations, en lien étroit avec les territoires de santé, mais en restants attentifs à ce que ces projets répondent à la satisfaction du besoin des armées », a développé Mme Parly.

Par ailleurs, la ministre a également dit souhaiter que « s’opère plus nettement un rapprochement entre la médecine des forces et l’hôpital, et ceci au bénéfice du patient militaire. Je pense que la numérisation devrait nous y aider ». En outre, a-t-elle continué, « l’administration centrale du service sera réorganisée pour s’ouvrir plus largement aux autres parties de notre ministère. Je pense en particulier aux états-majors et à la DGA [Direction générale de l’armement, ndlr]. »

Reste la question des moyens… Sur ce point, Mme Parly a fait part de sa décision de créer 100 nouveaux postes de médecins au sein du SSA, ce qui permettra « d’augmenter de 15% le nombre d’élèves pratriciens ». Seulement, cette mesure ne pourra produire ses effets qu’une fois que ces élèves auront terminé leurs [longues] études…

En tout cas, et dans l’enveloppe financière prévue par la LPM 2019-25, le SSA va voir ses moyens augmenter de 160 millions d’euros, dont 28 millions seront débloqués dès 2021. Cet effort budgétaire supplémentaires doit permettre, a détaillé Mme Parly, de « réinvestir dans le ravitaillement sanitaire, d’améliorer la réponse aux risques biologiques, de développer les outils numériques et de financer les développements capacitaires. »

« J’ai souhaité réaffirmé la militarité du Service de Santé des Armées mais, naturellement, il reste mobilisé au service de tous les Français, comme cela a été le cas pendant la crise sanitaire », comme « il l’a amplement démontré », a conclu Mme Parly.

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