Une frégate russe a tiré un missile hypersonique sur une cible navale pour la première fois

Pour son soixante-huitième anniversaire, le président russe, Vladimir Poutine a reçu un cadeau original : l’annonce du succès d’un tir de missile hypersonique Zirkon par la frégate « Amiral Gorchkov » sur une cible navale en mer de Barents. « C’est un événement majeur non seulement pour les forces armées, mais aussi pour toute la Russie, pour tout le pays », s’est félicité le chef du Kremlin, après un compte-rendu du général Valery Gerasimov, le chef d’état-major des forces armées russes, ce 7 octobre.

Pour rappel, la Russie développe d’autres armes hypersoniques, à savoir l’Avanguard, dont une première unité a été mise en service en décembre 2019, et le Kinjal, un missile aérobalistique air-sol.

Ce n’est pas la première fois que la frégate « Amiral Gorchkov » lance un missile hypersonique 3M22 Zirkon [ou Tsirkon]. En effet, l’agence TASS avait rapporté, en février dernier, que ce navire avait procédé à tel tir – également depuis la mer de Barents – contre une cible terrestre, située à 500 km de distance. Que cet engin ait atteint une cible maritime – dont on ignore si elle était ou non en mouvement – est donc inédit.

« Hier à 7 h 15, depuis la mer Blanche la frégate Amiral Gorshkov, dans le cadre d’essais en vol, a pour la première fois tiré un missile de croisière hypersonique Zircon sur une cible maritime située dans la mer de Barents », a en effet affirmé le général Gerasimov. « Un coup direct du missile sur la cible a été enregistré. La portée du missile était de 450 km, l’altitude maximale était de 28 km, le vol a duré 4 minutes et demie et une vitesse hypersonique de plus de Mach 8 a été atteinte », a-t-il ensuite détaillé.

La vitesse de Mach 8, au niveau de la mer, est équivalente à 164,64 km par minute [environ 9.700 km/h]. Si le missile a mis plus de 3 minutes pour toucher sa cible, c’est qu’il lui a fallu quelques secondes pour atteindre cette vitesse. D’où les 4 minutes et demie indiquées par le chef d’état-major russe.

A priori, il était initialement question d’un essai plus ambitieux, la possibilité de faire tirer, par la frégate Amiral Gorshkov, deux missiles Zirkon à la fois sur deux cibles différentes ayant été avancée par l’agence TASS, sur la foi de confidences faites par des sources industrielles russes.

Le missile Zirkon a vocation à équiper les frégates du projet 22350 [classe Gorshkov] et les corvettes du projet 20380 [classe Steregouchtchi], dotées système de lancement vertical 3S14 (UKSK), lequel sert également à lancer les missiles de croisière Kalibr et Onyx. De même que les sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] de la classe Iassen.

Cela étant, un missile hypersonique peut-il être une menace pour un porte-avions? Une telle question avait été posée en 2019 par un sénateur à l’amiral Michael Michael Gilday, lors d’une audition en vue de la confirmation de sa nomination à la tête de l’US Navy.

Avec de tels missiles, « le radar est inutile, les capteurs infrarouges sont le seul moyen de les pister. [Et] ils ne se déplacent pas seulement à 6.000 km/h. Ils sont maniables et donc pas faciles à intercepter », avait résumé le parlementaire. « Chaque porte-avions que nous possédons peut disparaître lors d’une attaque coordonnée. Et en quelques minutes. Mourmansk [en Russie] n’est qu’à 12 minutes de la mer de Norvège à 6.000 km/h », avait-il insisté.

Ancien chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck avait relativisé cette menace.

« Notons déjà que, pour atteindre un groupe aéronaval, le missile est le dernier maillon de ce qu’on appelle une ‘kill chain’ : avant de tirer le missile, il faut d’abord localiser un groupe aéronaval en haute mer. […] Il faut ensuite identifier avec certitude le porte-avions parmi ses escorteurs, voire au milieu d’un trafic commercial dense, car aujourd’hui les réalités de la mondialisation ont gommé toute ségrégation entre trafic commercial et zone de crise. [Puis] il convient également de déterminer et actualiser en permanence pour ce missile en vol une position future précise à moins de 100m alors que le groupe aéronaval se déplace à près d’1 km par minute » tout en tentant de « franchir les couches de défense successives qui entourent le porte-avions et qui évoluent elles aussi », avait en effet expliqué l’amiral Prazuck.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]