L’Azerbaïdjan et l’Arménie se font de nouveau de la guerre au sujet du Haut-Karabakh

Haut lieu de la résistance arménienne face aux Perses, au IIIe siècle, le Nagorny-Karabakh [ou Haut-Karabakh], territoire montagneux et difficile d’accès de 11.500 km2, fut confié au gouvernement d’Elisavetpol, qui couvrait alors l’ouest de l’Azerbaïdjan et une partie de l’Arménie, quand il passa sous le contrôle de la Russie.

Lors de la révolution bolchévique d’octobre 1917, les républiques d’Azerbaïdjan et d’Arménie furent créées. Et le sort du Nagorny-Karabakh donna lieu à d’âpres discussions. Finalement, Staline finit par trancher et rattacha ce territoire à la « République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. »

Les choses en restèrent là juqu’à la Glasnost et la Perestroïka de Mikhael Gorbatchev… La population du Nagorny-Karabakh étant essentiellement arménienne, elle exprima alors des envies d’indépendance à l’égard de Bakou pour mieux se rapprocher d’Erevan. Ce qui provoqua une guerre qui fit au moins 30.000 tués jusqu’en 1994, année où elle prit fin grâce à une médiation du groupe de Minsk [dont font partie la France, la Russie et les États-Unis]. Il fut alors convenu que ce territoire deviendrait une république indépendance, placée sous protectorat arménien.

Depuis, et alors que des pourparlers de paix sont toujours en cours et que Bakou ne fait pas mystère de son intention de reprendre le Nagorny-Karabakh, les accrochages entre les forces azerbaïdjanaises et arméniennes sont devenues monnaie courante, avec parfois des pics de tensions, comme en avril 2016, quand l’Azerbaïdjan Bakou lança la guerre dite des « quatre jours », à l’issue de laquelle il prétendit avoir mis la main sur 2.000 hectares de terre [l’Arménie reconnut, à l’époque, avoir perdu 800 hectares, « sans importance stratégique »].

Les tensions sont reparties de plus belle en juillet dernier, avec des affrontements ayant lieu non pas au niveau du Haut-Karabakh mais à la frontière nord séparant les deux pays. Mais ces accrochages eurent une portée limitée, la Russie, qui tient un rôle d’arbitre dans la région, ayant proposé une médiation.

Seulement, le 25 septembre, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a durci le ton à l’égard de l’Arménie, dénonçant son « comportement agressif » en évoquant les incidents de juillet et l’accusant de « faire échouer à dessein les négociations » de paix concernant le Haut-Karabakh. Et d’affirmer qu’Erevan préparait des « dizaines de milliers d’hommes ayant un seul but, attaquer l’Azerbaïdjan. »

Visiblement, les propos de M. Aliev n’étaient pas à prendre à la légère, d’autant plus que, en juillet, il avait affirmé que son pays avait le droit de chercher « une solution militaire au conflit » relatif au Haut-Karabakh.

En effet, deux jours plus tard, de violents combats ont éclaté les forces azerbaïdjanaises et celles du Nagorny-Karabakh. Comme d’habitude, les deux camps se sont rejetés la responsabilité des hostilités. Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a ainsi annoncé avoir lancé une « contre-offensive sur toute la ligne de front » afin de « mettre fin à des activités militaires des forces armées de l’Arménie et assurer la sécurité de la population civile. »

« Tôt ce matin, la partie azerbaïdjanaise a lancé des bombardements tout au long de la ligne de contact. Ils bombardent aussi Stepanakert [la capitale], nous appelons la population à se mettre à l’abri », ont expliqué les autorités du Haut-Karabakh. « Les forces armées du Karabakh ont jusqu’ici mis en échec les plans [de l’Azerbaïdjan], infligeant de lourdes pertes », ont-elles ajouté.

Lors d’une allocution télévisée, ce 27 septembre, M. Aliev a déclaré que l’armée azerbaïdjanaise « combat aujourd’hui sur son territoire, défend son intégrité territoriale, porte des coups dévastateurs à l’ennemi. » Et d’ajouter : « Notre cause est juste et nous allons vaincre. »

Au Haut-Karabakh, la mobilisation générale a été décrétée. De même qu’en Arménie.

« La loi martiale et la mobilisation générale sont décrétées en Arménie. J’exhorte tout le personnel à se présenter aux commissariats militaires », a annoncé Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien, qui a aussi appelé les Arméniens à « être prêts à défendre la patrie sacrée ». « Soutenons fermement notre Etat, notre armée […] et nous allons vaincre. Longue vie à la glorieuse armée arménienne! », a-t-il lancé.

Hasard du calendrier, 1.500 soldats arméniens et russes se sont entraînés, la semaine passée, à repousser une attaque contre l’Arménie, dans le cadre de l’important exercice militaire russe « Caucase 2020 », que Moscou a présenté comme étant « stratégique ». Des manoeuvres ont ainsi eu lieu sur champ de tir d’Alagyaz [centre de l’Arménie], avec 300 chars, blindés et autres systèmes d’artillerie, ainsi qu’aver des drones, des chasseur-bombardiers et des hélicoptères.

Pour rappel, environ 5.000 militaires russes sont déployés en permanence en Arménie dans le cadre d’une alliance militaire entre Erevan et Moscou. « Les gouvernements arméniens successifs ont considéré la présence militaire russe comme un élément de dissuasion crucial contre une éventuelle intervention militaire de la Turquie dans le conflit du Haut-Karabakh », souligne « Nouvelles d’Arménie Magazine ».

Une guerre dans le Haut-Karabakh pouvant être dévastateur pour le Caucase, en raison des alliances nouées par les belligérants avec d’autres puissances régionale, la Russie tente d’arrondir les angles entre Bakou et Erevan. Ainsi, une nouvelle fois, Moscou a appelé à un « cessez-le-feu immédiat ».

Cette position est partagée par la France et, plus largement, par l’Union européenne. Ainsi, Paris, qui a fait part de sa « vive préoccupation » suscité par les « affrontements d’ampleur en cours au Haut-Karabakh », a appelé les belligérants à « cesser immédiatement les hostilités et à reprendre le dialogue » tandis que l’UE au « retour immédiat aux négociations. »

« Nous appelons les parties à cesser immédiatement le feu et à entamer des négociations afin de stabiliser la situation », a effet déclaré le ministère russe des Affaires étrangères.

En revanche, le ton est nettement moins conciliant à Ankara, la Turquie étant très proche de l’Azerbaïdjan [leurs liens sont décrits par la formule « une seule nation, deux États »]. Ainsi, la présidence turque a « condamné sévèrement l’attaque de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan » et assuré Bakou du « soutien total de la Turquie ».

Pour rappel, la Turquie et l’Azerbaïdjan ont mené d’importantes manoeuvres militaires dans le courant de l’été. Ces dernières avaient été critiqué par Erevan, qui y avait vu un « acte de provocation » afin de « faire obstacle aux efforts des médiateurs internationaux pour désamorcer la situation à la frontière arméno-azerbaïdjanaise et lancer des pourparlers sur la résolution du conflit du Haut-Karabagh. »

Photo : Ministère arménien de la Défense

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