Les États-Unis se disent préoccupés par les activités de la Turquie en Méditerranée orientale

Si les tensions en Méditerranée orientale sont montées d’un cran depuis que le navire turc de recherche sismique Oruç Reis est déployé, sous escorte militaire, dans un secteur revendiqué par la Grèce afin d’y prospecter des gisements d’hydrocarbures, il ne faut pas oublier qu’Ankara en fait régulièrement de même dans la zone économique [ZEE] de la République de Chypre…

En janvier dernier, le gouvernement chypriote avait accusé la Turquie d’être un État « pirate » après des violations répétées de sa ZEE.

Les autorités turques ne voient évidemment pas les choses ainsi. En effet, depuis qu’elle occupe la partie nord de Chypre [appelée « République turque de Chypre Nord » – RTCN, qu’elle est la seule à reconnaître, ndlr], la Turquie nie à Nicosie le droit d’exercer une quelconque souveraineté sur les eaux situées au sud de l’île. Et comme ces dernières sont supposées receler d’importantes réserves de gaz naturel, elle explique défendre les intérêts des Chypriotes-Turcs.

Quoi qu’il en soit, cette semaine, les sept pays du flanc sud de l’Union européenne [EU], réunis au sein de l’alliance Med7, ont exhorté la Turquie à mettre un terme à ses actions unilatérales [ainsi qu’à ses provocations] et à s’assoir à la table des négociations pour trouver une issue pacifique aux différends qui l’oppose à la Grèce et à la République de Chypre. Faute de quoi, elle s’exposerait à de nouvelles sanctions européennes.

Seulement, le 11 septembre, la Turquie a émis un NAVTEX [notice maritime] pour avenir qu’elle organiserait des exercices militaires avec des tirs réels dans une zone située à l’ouest de Kyrenia [occupée par la Turquie, ndlr] jusqu’au golfe de Morphou, dans le nord de Chypre. Le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage, qui relève du ministère de la Défense chypriote, a immédiatement dénoncé des manoeuvres « illégales » violant les « droits souverains » de la République de Chypre.

Quoi qu’il en soit, face à Ankara, Nicosie peut visiblement compter sur le soutien des États-Unis, lesquels ont récemment suspendu leur embargo sur les armes qu’ils avaient décrétés à la fin des années 1980 contre la République de Chypre, afin de ménager la Turquie.

Lors d’une courte visite dans la capitale chypriote, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a tenu des propos qui auront certainement été peu appréciés à Ankara…

Les États-Unis restent « profondément préoccupés » par les actions de la Turquie en Méditerranée orientale, a en effet affirmé M. Pompeo. « Les pays de la région doivent surmonter leurs désaccords, notamment sur la sécurité, les ressources énergétiques et les questions maritimes, par des moyens diplomatiques et pacifiques », a-t-il ajouté.

Puis, il a eu implicitement un mot pour la Grèce en évoquant l’Otan, à laquelle la République de Chypre n’adhère pas. « L’aggravation des tensions militaires n’aide personne d’autre que les adversaires qui souhaiteraient voir l’unité transatlantique se fissurer », a en effet fait valoir le chef de la diplomatie américaine.

Par ailleurs, M. Pompeo a profité de son passage à Nicosie pour signer un protocole d’accord visant à établir une coopération militaire plus « poussée » entre la République de Chypre et les États-Unis. Ce texte prévoit notamment la création, à Larnaca, d’un centre de formation qui, appelé « CYCLOPS » [pour « Cyprus Centre for Land, Open Seas and Port Security], sera dédié à la sécurité portuaire, au contrôle des frontières, à la cybersécurité et aux capacités NRBC [nucléaire, radiologique, biologique, chimique].

En outre, Nicosie a également indiqué que la Garde nationale chypriote participerait à une exercice conjoint avec des forces spéciales américaines à partir du 20 septembre prochain.

Cela étant, et après les propos incendiaires qu’a de nouveau tenus le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à l’égard de son homologue français, Emmanuel Macron, pour son soutien à la Grèce et à Chypre, la Turquie a peut-être changé son fusil d’épaule. En effet, ce 13 septembre, et selon le quotidien turc Yeni Safak, le navire Oruç Reis serait rentré à son port d’attache, à Antalya. La décision de ne pas prolonger sa mission est vue comme « une étape pour donner sa chance à la diplomatie », estime le journal.

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