Innovation : Le ministère des Armées accélère dans le domaine des technologies quantiques

« Quiconque n’est pas choqué par la théorie quantique ne la comprend pas », a dit Niels Bohr, dont les travaux ont porté sur ce domaine de la physique. « Si vous croyez comprendre la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas », avait aussi affirmé le physicien américain Richard Feynman, co-lauréat du prix Nobel pour ses travaux sur l’électrodynamique quantique…

En réalité, et comme le souligne le professeur Julien Bobroff, les physiciens comprennent très bien « comment » la mécanique quantique fonctionne mais pas le « pourquoi ». En effet, parce qu’elle décrit différemment un corpuscule [atome, particule] et une onde [lumière, électricité], les « lois » de la physique classique sont inopérantes au niveau microscopiques.

L’apport de la physique quantique a donc consisté à ne pas différencier les deux. On parle alors d’une « onde-corpuscule », susceptible de se trouver simultanément dans plusieurs états différents [c’est ce qu’appelle la « superposition »]. En outre, deux particules peuvent être liées par leur état quelle que soit la distance qui les sépare.

Aussi, maîtriser de telles propriétés permettrait de lancer une nouvelle révolution technologique dans tous les domaines [scientifique, économique, militaire, etc].

« La profondeur de la rupture que pourraient induire les technologies quantiques dans les prochaines décennies est au moins comparable à celle qui résulte de l’invention du transistor au milieu du XXe siècle. La France, pionnière de la recherche amont en physique quantique grâce, notamment à la présence de plusieurs prix Nobel ainsi que de chercheurs de premier plan, accuse aujourd’hui un retard réel mais non rédhibitoire en matière de développement technologique et industriel. Les principales grandes puissances mondiales à l’instar des États-Unis, de la Chine, du Royaume-Uni ou de l’Allemagne, ont mis en place des programmes nationaux globaux ambitieux en matière de technologies quantiques », a ainsi résumé le rapport [.pdf] qu’a remis la député Paulo Forteza au gouvernement, en janvier dernier.

Au niveau militaire, les applications liées à la physique quantique pourraient bouleverser la façon de faire la guerre, certaines technologies, comme la furtivité, étant susceptibles de devenir rapidement obsolètes. En Chine et au Canada, des chercheurs planchent en effet sur des radars aux propriétés quantiques pouvant détecter des avions furtifs… En outre, d’autres apports sont à attendre au niveau de la sécurité des communications, de la simulation ou encore de la capacité de traitement des données

Aussi, à l’occasion de l’actualisation du Document de référence et d’orientation de l’innovation de défense [DROID, .pdf], l’Agence de l’innovation de Défense [AID] a identifié les technologies quantiques parmi celles devant faire l’objet d’un effort particulier, au même titre que le domaine hypersonique, les armes à énergie dirigée [laser, életromagnétique] et les capteurs [avec leurs composants critiques].

« Le ministère des Armées est étroitement associé à ces travaux et a d’ores et déjà prévu de consacrer 30 millions d’euros aux technologies quantiques sur la période de la Loi de programmation militaire 2019-25. Ce budget permettra de financer un large spectre de projets, allant de la recherche exploratoire jusqu’à l’intégration de technologies quantiques dans des opérations d’armement. On peut par exemple citer : le lancement d’un appel à projets thématique en 2020, en partenariat avec l’ANR [Agence nationale de la recherche, ndlr] et le développement d’un premier équipement opérationnel intégrant un gravimètre quantique, au profit du programme ‘Capacité Hydrographique et Océanographique du Futur' », indique l’AID.

L’appel à projets évoqué par l’agence s’appuie sur le dispositif ASTRID [Accompagnement spécifique de travaux de recherches d’intérêt défense]. Il doit permette de financer 4 à 5 projets de recherche sur les technologies relatives aux capteurs, sur une durée de 3 ans maximum. « L’exploration de telles technologies émergentes, et plus largement l’identification précoce de ruptures potentielles, fait l’objet de recherches exploratoires pour préparer le futur au-delà du ‘besoin militaire prévisible' », souligne l’AID.

Utiliser les propriétés quantiques de la matière promet l’apparition de capteurs aux performances sans commune mesure avec celles que l’on connaît actuellement. En effet, il est question d’améliorer leurs capacités d’un facteur 1.000 à 1 million.

« Les technologies quantiques constituent une priorité dans le cadre de nos efforts de recherche. Et j’ai d’ailleurs le plaisir de vous annoncer que l’Agence de l’innovation de défense a signé hier un accord avec le CNRS qui initie un partenariat de recherche dans plusieurs domaines dont le quantique », a par ailleurs indiqué Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’un déplacement au Fuscol@b de Lorient, le 8 septembre.

Photo : US ARMY

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