Le Pentagone est préoccupé par les récents tirs de missiles balistiques anti-navires en mer de Chine méridionale

Le 26 août, l’un des trois avions de renseignement RC-135S « Cobra Ball », que l’US Air Force utilise pour suivre la trajectoire de missiles balistiques, a décollé de la base aérienne de Kadena [Japon] pour un mission en mer de Chine méridionale, où l’Armée populaire de libération [APL] organisait des manoeuvres navales.

La présence de ce RC-135S ne devait évidemment rien au hasard étant donné qu’il avait été officieusement avancé que la Chine allait procéder au tir d’au-moins deux missiles balistiques DF-21D et DF-26B, présentés par Pékin comme étant des « tueurs de porte-avions ». Du moins, c’est ce que suggérait un NOTAM [message aux navigants] diffusé quelques jours plus tôt.

Jusqu’à présent, on ne peut pas dire si ces missiles balistiques anti-navires présentent effectivement un danger pour un porte-avions puisque aucune image d’une cible navale en mouvement touchée par un DF-21D ou un DF-26B n’a été produite pour le moment.

D’où le scepticisme de l’amiral Christophe Prazuck, désormais le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], qui, par ailleurs, fera ses adieux aux armes le 1er septembre. « Mettre en avant un missile de nature balistique, qui volerait à une vitesse faramineuse et serait doté d’un autodirecteur me paraît étonnant du fait des phénomènes d’échauffement créés par de tels niveaux de vitesse » et « guider un objet qui irait à très grande vitesse vers une cible mouvante comme un bateau me paraît plutôt compliqué et, pour tout dire, je n’y crois pas », avait-il expliqué lors d’une audition parlementaire, en novembre 2018. Et il fit part d’un scepticisme identique un an plus tard.

Quoi qu’il en soit, le RC-135S « Cobra Ball » américain a dû collecter des données intéressantes sur ces deux missiles chinois… Car, effectivement, et selon le South China Morning Post, « plusieurs » ont été lancés le 26 août, depuis deux sites différents [province de Qinghai pour le DF-26B, d’une portée de 4.000 km, et celle de Zhejiang pour le DF-21D, pouvant parcourir 1.800 km] pour ensuite tomber en mer de Chine méridionale, précisément dans une zone située entre la province de Hainan et les îles Paracel, non loin d’un secteur où deux porte-avions américains, les USS Nimitz et USS Ronald Reagan, effectuèrent des manoeuvres en juillet dernier.

« C’est la réponse de la Chine aux risques potentiels posés par l’envoi de plus en plus fréquent d’avions et de navires militaires américains en la mer de Chine méridionale », a expliqué une source du South China Morning Post.

Un expert militaire, cité cette fois par le Global Times, un quotidien dont la ligne éditorial suit celle du Parti communiste chinois, n’a pas dit autre chose. Et de se féliciter que ces tirs coordonnées démontrent que la Chine « dispose d’un système complet pour détecter, suivre et atteindre les vaisseaux ennemis », grâce à un système comprenant des « avions de reconnaissance, des radars, des satellites et des navires de guerre, entre autres, pour trouver des cibles en mouvement et communiquer leurs coordonnées aux missiles pour qu’ils puissent ajuster leurs trajectoires lors de leur lancement ».

Cela étant, les autorités chinoises n’ont pas confirmé officiellement le tir des deux missiles tirés. Au plus l’ont-elles sous-entendu, via le Global Times. Quant au Pentagone, il n’a pas non plus précisé le type des engins en question, dans le communiqué qu’il a publié le 27 août pour dénoncer le comportement de Pékin en mer de Chine méridionale.

Le département [américain] de la Défense « est préoccupé par la décision récente de la République populaire de Chine [RPC] de mener des exercices militaires, y compris le tir de missiles balistiques, autour des îles Paracel […] les 23 et 29 août », a-t-il fait savoir, notant que cette attitude est en « contradiction » avec les engagements pris par Pékin au titre de la Déclaration de 2002 sur la conduite des Parties en mer de Chine méridionale, laquelle est censée « éviter les activités qui compliqueraient ou aggraveraient les différends et affecteraient la paix et la stabilité » dans cette région.

Pour rappel, Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, en faisant fi des réclamations de ses voisins [Vietnam, Philippines, Brunei, Taïwan, etc] en pratiquant la politique du fait accompli, via le déploiement de capacités militaires de type A2/AD [Déni d’accès et interdiction de zone]. Carrefour de routes maritimes commerciales, cette région est d’autant plus stratégiques qu’elle serait riche en hydocarbures et en ressources halieutiques. La Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye, saisie par Manille, a d’ailleurs estimé que les revendications chinoises ne reposaient sur « aucun fondement juridique ».

« Cet exercice militaire est le dernier d’une longue série d’actions de la RPC pour faire valoir des revendications maritimes illégales et désavantager ses voisins d’Asie du Sud-Est dans la mer de Chine méridionale. Les actions de la RPC ne sont pas conformes à sa promesse de ne pas militariser la mer de Chine méridionale et contrastent avec la vision des États-Unis d’une région indo-pacifique libre et ouverte, dans laquelle toutes les nations, grandes et petites, sont en sécurité dans leur souveraineté, libre de toute contrainte et capable de poursuivre une croissance économique conforme aux règles et normes internationales », a continué le Pentagone.

Et ce dernier de conclure : « Nous exhortons toutes les parties à faire preuve de retenue et à ne pas entreprendre d’activités militaires qui pourraient menacer la liberté de navigation et aggraver les différends en mer de Chine méridionale. »

Mais au-delà de la militarisation de la mer de Chine méridionale, ces tirs présumés de missiles DF-21D et DF-26B posent la question de… Taïwan. En effet, et même si on ignore exactement leurs réelles capacités [mais le Pentagone doit en avoir une idée…], ces engins risquent de compliquer les opérations de l’US Navy dans le cas où cette dernière serait amenée à assurer la défense de l’île, que Pékin envisage de conquérir par la force, si nécessaire.

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