La Lituanie dénonce la violation de son espace aérien par un hélicoptère d’attaque Mil Mi-24 biélorusse

Ces derniers mois, et alors qu’il devait remettre son mandat en je, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, en exercice depuis 1994, s’en est pris vigoureusement à la Russie, qui venait de revoir les facilités économiques qu’elle accordait jusqu’alors à la Biélorussie.

Ainsi, M. Loukachenko a accusé ses opposants d’être téléguidés par Moscou [ce qui a d’ailleurs justifié la mise à l’écart de certains d’entre-eux] et mis en scène l’arrestation d’une trentaine de mercenaires de la société militaire privée russe Wagner, à qui il a reproché de voloir commettre un « bain de sang » à Minsk peu avant l’élection du 9 août dernier. Et cela alors qu’il était aux prises avec une contestation grandissante.

Pourquoi s’est-il livré à de telles gesticulations alors que sa réélection ne devait être qu’une formalité, comme les fois précédentes? Car, une fois réélu [avec, officiellement, 80% des voix], M. Loukachenko a fait un changement de cap à 180°.

Confronté, depuis, à des manifestations massives [et pacifiques], le le président biélorusse s’est tourné vers la Russie qu’il critiquait naguère pour obtenir son soutien. Soutien qu’il a lui a été promis, le Kremlin n’étant visiblement pas rancunier dans cette affaire. Et, désormais, il accuse les Occidentaux, et plus particulièrement les pays voisins, membres de l’Otan, de chercher à le renverser en soutenant les mouvements d’opposition. Et cela d’autant plus que sa rivale à l’élection, Svetlana Tikhanovskaïa, a trouvé refuge en Lituanie.

La semaine passée, M. Loukachenko a ordonné des manoeuvres dans la région de Grodno, localité située près de la frontière avec la Pologne et la Lituanie, mobilisant à cet effet la 103e brigade aéroportée de l’armée biélorusse, ainsi que des unités d’artillerie, notamment dotée de lance-roquettes multiples  » Polonez ».

« Tout le monde veut que l’on se mette à genoux […] Regardez par la fenêtre, des chars et des avions sont à 15 minutes de nos frontières et ce n’est pas sans raisons. On entend les chenilles des chars de l’Otan près de nos portes. Nous constatons le renforcement de la présence militaire sur les frontières occidentales de notre pays. La Lettonie, la Lituanie, la Pologne ainsi que malheureusement notre pays frère l’Ukraine et ses dirigeants nous enjoignent d’organiser une nouvelle élection », avait alors lancé le président biélorusse.

« L’Otan ne constitue pas une menace pour la Biélorussie et n’a pas de renforcement militaire dans la région », lui avait ensuite répondu Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique. Une semaine plus tôt, il avait explique que les Alliés avaient exrimé de « sérieuses préoccupations concernant le déroulement de l’élection présidentielle en Biélorussie » et que l’Otan condamnait « la violence contre les manifestants pacifiques. Les droits fondamentaux doivent être respectés, y compris la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement. »

Toujours est-il que les jours passent, que la contestation est loin de faiblir et que M. Loukachenko suit la même réthorique. De son côté, la Russie, qui a fait savoir qu’elle était « disposée à fournir l’assistance nécessaire » à Minsk pour « résoudre les problèmes posés, sur la base des principes du traité de l’État de l’Union ainsi que, si nécessaire, par le biais de l’Organisation du traité de sécurité collective », observe la situation, tout en accusant l’opposition biélorusse de chercher à provoquer un « bain de sang », comme l’a affirmé Sergueï Lavrov, son ministre des Affaires étrangères, le 23 août..

La veille, M. Loukachenko a mis les forces armées biélorusses en état d’alerte, lors d’une inspection des troupes à Grodno. Ayant revêtu un treillis, il a en effet dit avoir « ordonné au ministre de la Défense […] de défendre avant tout la perle occidentale de Biélorussie dont le centre est à Grodno. Et de prendre les mesures les plus strictes pour défendre l’intégrité territoriale de notre pays. » Et d’assurer avoir constaté « d’importants agissements des forces de l’Otan à proximité immédiate » des frontières du pays, c’est à dire en Pologne et en Lituanie.

Puis, pendant qu’une nouvelle manifestation rassemblait environ 100.000 contestataires à Minsk [chiffre impossible à vérifier] et que M. Loukachenko apparaissait avec un fusil Kalachnikov à la main auprès des forces de l’ordre, un hélicoptère d’attaque Mil Mi-24 des forces biélorusses aurait violé l’espace aérien de la Lituanie, dans la région de Medininkai, pendant « quelques minutes », alors que des milliers de personnes s’apprêtaient à faire une chaîne humaine en signe de solidarité avec les opposants biélorusses.

Le ministère lituanien des Affaires étrangères a fait savoir, ce 24 août, qu’il avait convoqué l’ambassadeur biélorusse en poste à Vilnius pour lui remettre une note de protestation. « La Biélorussie est instamment invitée à expliquer cet incident et à veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent plus », a-t-il ajouté.

Le ministère biélorusse de la Défense a retourné l’accusation contre Vilnius, expliquant que ses hélicoptères Mi-24 avaient justement évité une violation de l’espace aérien de la Biélorussie par… des ballons portant des inscriptions anti-gouvernementales.

« Grâce aux mesures décisives prises par les équipages d’hélicoptères Mi-24 des forces de défense aérienne, le vol des ballons a été interrompu sans recours aux armes », a-t-il expliqué, dans un communiqué.

Puis il en a publié un second, signé, cette fois, par le colonel Oleg Orlov, commandant adjoint des forces aériennes biélorusses. « Nous considérons cet incident comme une provocation de la part de la Lituanie. Il peut sembler au commun des mortels que c’est un fait insignifiant. Nous le regardons sous un angle différent. Premièrement, toute frontière d’un État est inviolable. Deuxièmement, ces ballons, apparemment inoffensifs, constituent une menace pour la sécurité des vols. Et troisièmement, personne ne sait ce qu’ils peuvent contenir [explosifs, substances toxiques, etc] », a-t-il fait valoir.

« Je considère que les actions de nos pilotes sont absolument conformes à la législation internationale. […] Il n’y a pas eu de violation de la frontière d’État de la République de Lituanie », a conclu le colonel Orlov.

Photo : Ministère biélorusse de la Défense

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