La Colombie accuse le Venezuela de vouloir se procurer des missiles auprès de l’Iran

Au Conseil de sécurité des Nations unies, le 14 août, la diplomatie américaine a échoué à faire adopter une résolution visant à prolonger l’embargo sur les armes imposé à l’Iran au-delà du 18 octobre 2020, date à laquelle il arrive à expiration. Et dans cette affaire, Washington n’a pas pu compter sur le soutien de ses alliés traditionnels, à savoir la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui se sont abstenus en expliquant vouloir préserver l’accord sur le nucléaire iranien [JCPOA], signé en juillet 2015 à Vienne. Accord que les États-Unis ont dénoncé, en mai 2018.

Mais étant membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine auraient de toute façon bloqué ce texte en faisant usage de leur droit de veto. D’autant plus que ces deux pays espèrent vendre des équipements militaires à l’Iran…

Quoi qu’il en soit, Washington n’a pas ménagé ses critiques à l’égard de ses partenaires européens. « La Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni ont décidé d’ignorer le point de vue du Conseil de coopération du Golfe », qui rassemble « les pays les plus proches du danger », a déploré Brian Hook, l’émissaire américain pour l’Iran. Le Conseil de sécurité « avait la la responsabilité de respecter leur point de vue pour prolonger l’embargo sur les armes. Ce fut un manquement décevant à leur devoir », a-t-il ajouté, le 21 août.

Cependant, cette histoire est loin d’être terminée. « Les États-Unis n’abandonneront jamais nos amis dans la région qui attendaient davantage du Conseil de sécurité. […] Nous continuerons à travailler pour faire en sorte que le régime théocratique terroriste ne soit pas libre d’acheter et de vendre des armes qui menacent le cœur de l’Europe, du Moyen-Orient et au-delà », avait en effet prévenu Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, en réaction au camouflet reçu une semaine plus tôt.

Et Washington a donc fait connaître son intention d’activer la procédure dite « snapback » qui, prévue par le JCPOA, prévoit le rétablissement de toutes les sanctions internationales en cas de manquement de l’Iran à ses obligations en matière nucléaire. Mais comme les États-Unis ne sont plus partie prenante à l’accord de 2015, certains estiment qu’ils ne sont pas fondés à activer ce processus.

Cela étant, en réaction au retrait des États-Unis du JCPOA et au rétablissement de leurs sanctions [qui prennent une dimension internationale en raison du principe d’extraterritorialité, Téhéran a relancé certaines activités de son programme nucléaire. Ce que l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA] a dénoncé dans son dernier rapport. En effet, l’Iran disposerait d’un stock d’uranium enrichi cinq fois supérieur à la limite autorisée par l’accord de 2015, aurait installé, toujours en violation de l’accord de 2015, 1.057 centrifugeuses sur le site de Fordo [dont 1 044 en activité] et refusé l’accès à deux sites suspects aux inspecteurs de l’agence.

Face à ces violations, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui ne soutiennent pas l’activation de la procédure « snapback » car elle serait « incompatible » avec leurs « efforts actuels de soutien au JCPoA », ne cessent d’appeler l’Iran « à revenir sur toutes ses actions incompatibles avec ses engagements nucléaires et à revenir sans délai à leur plein respect. » Sans succès, pour le moment.

Même chose s’agissant du respect par l’Iran de la résolution 2231 du Conseil de sécurité, laquelle entérine le JCPOA. Cette dernière demande à Téhéran de « ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des charges nucléaires, y compris les tirs recourant à la technologie des missiles balistiques. »

En décembre, Paris, Londres et Berlin ont ainsi accusé Téhéran de développer des « missiles balistiques à capacité nucléaire ». En réponse, et après plusieurs échecs l’Iran a lancé une fusée à deux étages appelée « Qassed » pour mettre en orbite le satellite militaire Noor. Et les responsables iraniens n’ont nullement l’intention de s’arrêter en si bon chemin : ils prévoient en effet cinq lancements de satellites d’ici mars 2021. Or, pour cela, il faut avoir recours à des technologies utilisées pour les missiles balistiques intercontinentaux…

Mais l’Iran s’attache surtout à développer toute une gamme de missiles – balistiques et de croisières -, dont certains ont d’ailleurs été livrés aux miliciens Houthis, au Yémen [selon le rapport d’un groupe d’experts de l’ONU]. Et cela, en violation de l’embargo que les États-Unis veulent prolonger. Le 20 août, Téhéran a dévoilé deux nouveaux modèles : le « Haj Qassem », nommé ainsi en référence au général Qassem Soleimani, tué par une frappe américaine en janvier, à Bagdad, et le « Abou Mahdi ». Le premier est un missile balistique d’une portée de 1.400 km tandis que le second est un missile de croisière pouvant parcourir plus de 1.000 km.

Chaque année, ou presque, l’Iran présente de nouveaux missiles aux performances sans cesse améliorées. Et d’expliquer que ces engins ont une vocation « défensive ». Mais, quand l’embargo qui le vise sera levé, aura-t-il l’intention d’en exporter, étant donné qu’il n’adhère pas au Régime de contrôle de la technologie des missiles?

C’est, en tout cas, ce que craint… Ivan Duque, le président de la Colombie. En effet, le 20 août, ce dernier a déclaré que le Venezuela du président Nicolas Maduro chercherait à se procurer des missiles iraniens.

Pour rappel, Caracas et Téhéran ont noué des liens étroits. En juin 2019, dans un entretien donné au Washington Post, le général Cristopher Figuera, ex-chef du renseignement vénézuélien [SEBIN] réfugié en Colombie après le soulèvement raté contre M. Maduro [en avril 2019, ndlr], avait affirmé que des « cellules du Hezbollah » opéraient dans « plusieurs régions » du Venezuela.

« Il y a des informations provenant d’organismes internationaux du renseignement travaillant avec nous qui montrent qu’il y a un intérêt de la dictature de Nicolas Maduro pour l’acquisition de quelques missiles de moyenne et longue portée via l’Iran », a ainsi affirmé M. Duque.

Pour le moment, aucun missile n’a été livré aux forces vénézuéliennes, a admis le président colombien. Mais, a-t-il assuré, « il y a eu des contacts, en particulier sous les instructions du [ministre vénézuélien de la Défense] Padrino. »

« En Colombie, les massacres, la violence déchaînée, le trafic de drogue incontrôlable ne s’arrêtent pas. Ivan Duque revient sur les infamies et la fiction anti-vénézuélienne pour distraire l’opinion publique », a réagi Jorge Arreaza, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères.

Reste que, par le passé, et malgré l’embargo, il y a déjà eu des relations entre le Venezuela et l’Iran dans le domaine des équipements militaires. Et en particulier dans celui des drones. En 2012, la Compagnie vénézuélienne d’industrie militaire [Cavim] avait ainsi présenté le drone tactique « Sant Arpia », lequel ressemblait beaucoup au… Mohajer-2 de facture iranienne.

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