Libye : Avec la Turquie, le Qatar va fournir un appui militaire au gouvernement de Tripoli

En 2011, dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, le Qatar participa, avec 6 avions Mirage 2000-5, à l’opération « Unified Protector » qui, menée sous la direction de l’Otan, visait initialement à établir une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, en proie à une révolte contre le régime du colonel Kadhafi.

La résolution 1973 donnant assez de latitude pour « prendre toutes les mesures jugées nécessaires afin de protéger les populations civiles », cette opération permit d’appuyer les insurgés contre les troupes gouvernementales libyennes. Et elle se termina après la mort du colonel Kadhafi, laquelle ouvrit une période d’instabilité politique au cours de laquelle la mouvance islamiste gagna en influence, au point de dominer le Congrès général national [CGN], c’est à dire le Parlement libyen.

En 2014, les libéraux remportèrent les élections législatives. Seulement, la nouvelle assemblée [appelée « Chambre des représentants »] dut se replier dans l’est du pays, sous la pression de la milice Fajr Libya, composée d’éléments proches des Frères musulmans. Ce qui conduisit à la formation de deux gouvernements rivaux : l’un, à Tripoli, soutenu par le CGN et dit de « Salut national », l’autre établi à Tobrouk et issu de Parlement nouvellement élu.

Dans cette affaire, le Qatar et la Turquie prirent fait et cause pour le gouvernement de salut national, conduit d’abord par Omar al-Hassi puis par Khalifa al-Ghowel, tandis que celui de Tobrouk était reconnu comme légitime au niveau international.

En décembre 2015, sous l’égide des Nations unies, les deux rivaux signèrent les accords de Skhirat [Maroc], lesquels prévoyaient l’installation d’un gouvernement d’union nationale [GNA], dirigé par Fayez el-Sarraj. Seulement, le Chambre des représentants refusa de reconnaître ce dernier, alors que c’était l’une des conditions préalables à son installation à Tripoli.

Finalement, malgré le fait que les accords de Skhirat avaient une validité limitée dans le temps, le GNA se substitua dans les faits au gouvernement de salut national. Et il « récupéra » le soutien du Qatar et de la Turquie, ainsi que la reconnaissance d’une grande partie de la communauté internationale. Quant à son rival de Tobrouk, il continua de bénéficier de l’appui des Émirats arabes unis [qui étaient aussi intervenus militairement en 2011], de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite ou encore de la Russie.

Bras armé du gouvernement de Tobrouk, et après avoir mené des opérations anti-jihadistes dans l’est et le sud du pays, l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar lança une offensive en direction de Tripoli en avril 2019. Mais cette dernière s’enlisa… Et motiva l’implication militaire de la Turquie aux côtés des forces du GNA. Ce qui renversa le rapport de forces sur le terrain.

D’où la sitation actuelle, avec un conflit pour le moment « gelé » à la hauteur de Syrte, ville stratégique [car verrouillant l’accès au croissant pétrolier] tenue par l’ANL. Mais calme apparent est trompeur : chaque camp est en train de renforcer ses capacités militaires, grâce à ses parrains respectifs.

Jusqu’à présent, le Qatar s’était contenté d’un soutien politique au GNA. Mais l’émirat est désormais prêt à aller plus loin. En effet, ce 18 août, le vice-ministre qatari de la Défense, Salah Al-Namrouch, a fait savoir qu’un accord venait d’être trouvé avec Ankara pour l’envoi de conseillers militaires à Tripoli.

« Nous sommes convenus avec le ministre turc de la Défense Hulusi Akar et le ministre qatari Khaled ben Mohammed Al-Attiyah d’une coopération tripartite pour la construction de l’institution militaire, dans les domaines de la formation et du conseil », a en effet déclaré Salah Al-Namrouch.

Le ministre qatari de la Défense ainsi que son homologue turc étaient en effet à Tripoli, le 17 août, pour discuter d’une coopération militaire « tripartite » avec le GNA. Selon M. Al-Namrouch, il est ainsi question d’un « envoi conseillers militaires en Libye » et de « stages de formation dans les académies militaires en Turquie et au Qatar pour des cadets libyens. »

En outre, selon le GNA, les ministres turc et qatari ont également rencontré Fayel el-Sarraj pour évoquer les « derniers développements en Libye et la mobilisation militaire à l’est de Syrte et dans la région de Joufrah ».

A priori, cet accord pourrait conduire à la création d’un centre de coordination « tripartite » à Misrata et au financement, par Doha, d’un quartier général pour les combattants pro-GNA.

Déjà proches idéologiquement, Ankara et Doha entretiennent des relations militaires étroites. Au point que les forces turques disposent même d’une base au Qatar.

Photos : Soldats qataris avant un exercice militaire (c) US Army

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